« Notre rythme de matches est inhumain! »

Bruno Govers

Glen De Boeck et Gert Verheyen, les capitaines d’Anderlecht et de Bruges, s’épanchent sur la saison à venir.

Le week-end prochain, le championnat de Belgique prendra son envol pour la 99e fois. Le précédent avait donné lieu à une lutte âpre entre Anderlecht et le Club Brugeois, qui terminèrent la compétition avec respectivement 83 et 78 points, soit 23 et 18 de plus que le troisième classé, le Standard. Eu égard à l’activité déployée sur le marché des transferts, le Sporting et le Club apparaissent une nouvelle fois les mieux armés pour briguer l’écusson national.

Où en sont Anderlecht et Bruges à l’aube de la nouvelle saison?

Glen De Boeck: Nous ne savons pas à quoi nous en tenir avec exactitude pour le moment. Tout au long de la préparation, l’équipe a soufflé le chaud et le froid. Ce n’est pas anormal, dans la mesure où il a fallu imbriquer pas mal de nouveaux joueurs pour pourvoir au remplacement d’incontournables, tels que Jan Koller, Tomasz Radzinski, Bart Goor et Didier Dheedene. Le Club n’a pas eu cette problématique, puisqu’il n’a dû trouver une solution de rechange que pour le seul Sven Vermant. Il peut donc tabler sur un équilibre et des automatismes que le RSCA n’a, pour sa part, pas encore trouvés.

Gert Verheyen: Anderlecht aura vécu, cet été, le même phénomène que nous il y a tout juste un an. A l’époque, nous avions dû nous passer d’Eric Deflandre, Vital Borkelmans, Darko Anic et Khalilou Fadiga qui avaient rang de valeurs sûres, sauf le Serbe peut-être; alors que le Sporting, dans le même temps, avait dû composer avec le seul retrait de Pär Zetterberg et, dans un autre registre, d’Enzo Scifo. Cette donne ne nous avait toutefois nullement empêchés d’aborder le championnat de manière autoritaire et d’aligner quatorze victoires d’affilée. Comme quoi la sauce peut prendre très vite quand on peut compter sur des footballeurs de valeur et ce fut assurément notre lot avec l’apport de garçons comme Timmy Simons, Peter Van der Heyden, ou encore Andres Mendoza. Personnellement, je ne doute pas que notre rival de toujours marchera exactement sur les mêmes traces. Des recrues du calibre de Nenad Jestrovic et Gilles De Bilde constituent, en effet, autant de références. Quand ces deux-là auront retrouvé la plénitude de leurs moyens, ils formeront peut-être une association plus performante encore que le duo composé de Jan Koller et Tomasz Radzinski.

Ensemble en Ligue des Champions

La défunte campagne avait été placée sous le signe d’un duel acharné entre vos deux clubs. Le même scénario se répétera-t-il cette année?

De Boeck: Avec un total de 83 points en championnat et une accession au deuxième tour de la Ligue des Champions, Anderlecht peut difficilement prétendre à davantage cette saison. A mes yeux, notre parcours sera marqué du sceau de la réussite si nous parvenons à engranger un troisième titre d’affilée, indépendamment de notre tenue en Coupe d’Europe. Au plan national, je m’attends à une nouvelle empoignade avec Bruges, mais le fossé qui nous séparera des autres sera cette fois beaucoup moins important.

Verheyen: Je suis d’avis aussi que les écarts s’amenuiseront durant les mois à venir, même si aux deux premières loges, je ne vois personne s’immiscer entre Anderlecht et nous. Au même titre que Glen, j’estime moi aussi que le Club aura pleinement réussi sa saison s’il se pare des lauriers suprêmes en mai prochain. Une place de dauphin serait cependant moins cruellement ressentie, à ce moment-là, que naguère, en ce sens que notre pays pourra inscrire deux équipes en Ligue des Champions en 2002-2003. A défaut d’un titre national, une deuxième position serait davantage qu’un pis-aller. Il n’empêche que la saveur serait quand même tout autre si les Bleu et Noir accédaient à la plus majestueuse épreuve européenne par le biais d’un sacre en championnat. Mais cette tâche n’en demeure pas moins ardue, car Anderlecht dispose toujours des meilleures individualités. Et à défaut d’avoir trouvé déjà un véritable fonds de jeu, il a la chance de pouvoir composer avec des bases solides puisque ce secteur n’a pas changé d’un exercice à l’autre.

De Boeck: Les fondations sont restées intactes et nous avons dès lors poursuivi, tout naturellement, sur notre bonne lancée du printemps passé, au cours duquel l’équipe n’avait encaissé qu’un seul but à la faveur des sept derniers matches, à Alost. Cette organisation-là, c’est le viatique actuel du Sporting en attendant que le reste prenne corps également. Quand la créativité et le réalisme suivront, nous serons à nouveau très performants. Mais combien de temps faudra-t-il pour que tous ces rouages se mettent en place, voilà la question.

Verheyen: Par rapport au même moment, voilà un an, nous jouons mieux, même si je conçois fort bien que nos résultats peuvent laisser sceptiques jusqu’ici. A choisir, je préfère néanmoins croiser le fer avec des teams comme le FC Nürnberg, le Hansa Rostock ou le Dynamo Kiev que de donner la réplique à des sans-grade face auxquels on n’apprend strictement rien.

« Le calendrier est surchargé »

De Boeck: Je partage d’une certaine manière ce point de vue. Cette année, je ne me suis senti pour la première fois footballeur qu’à l’occasion de la joute amicale que le Sporting a livrée chez les Rangers. J’avoue que j’ai eu du mal à me retremper dans le grand bain le 2 juillet passé, tant je sentais encore à ce moment le besoin de décompresser après la saison harassante que nous avions connue en 2000-2001. Depuis le début de ma carrière professionnelle, il y a près d’une décade, c’était la première fois que je nourrissais pareil sentiment. Et je n’étais pas le seul… La plupart de mes partenaires éprouvaient un goût de trop peu aussi. Seuls les nouveaux avaient hâte de recommencer. Dans l’optique des tâches qui nous attendent, ce sang neuf était peut-être indiqué. Car si le même noyau, sans exception, avait dû reprendre le collier, il n’est pas interdit de penser que le feu sacré nous aurait manqué à la reprise. Or, il est important de se sentir pleinement concerné dès le début car les matches à enjeu se profilent d’emblée. Et, pour des clubs comme Bruges et nous, ils se suivent tout au long de la saison. Ces derniers mois, j’ai disputé cinquante-six rencontres de ce type en l’espace de dix mois. C’est énorme.

Verheyen: Je dirais même plus: inhumain. Tôt ou tard, il faut bien que la corde rompe dans ces conditions. Aussi ne suis-je pas autrement surpris d’apprendre que dans certaines compétitions, où le niveau est supérieur au nôtre, il ait été question de dopage dans un passé récent.

De Boeck: Si rien ne change, il nous sera de plus en plus malaisé de suivre le mouvement. Par rapport au top européen, nous n’avons pas la possibilité, en Belgique, de disposer d’une trentaine d’éléments de valeur sensiblement égale, comme nous l’avons vérifié en Ligue des Champions contre la Lazio Rome ou le Real Madrid. Chez eux, une rotation de l’effectif est parfaitement envisageable sans que le bât blesse au niveau des performances. Ce constat reste toutefois à prouver au sein de clubs comme les nôtres.

Verheyen: Si le turn-over reste limité, c’est à la fois parce qu’il n’y a pas opulence, en matière de talents, dans les clubs mais aussi, en partie, parce que cette option-là a toujours une connotation négative, allégrement entretenue, d’ailleurs, par la presse. Chez nous, elle n’admet pas facilement qu’une valeur sûre puisse se retrouver sur le banc. Alors que, pour le bien de l’individu, il n’y a tout de même aucune honte à ce qu’il fasse l’impasse sur une joute de temps en temps.

« Sollied et Anthuenis ont souvent la main heureuse »

C’est vrai:les medias ont peut-être leur part de responsabilité. Mais nous n’aurons quand même pas été les seuls à nous demander, ces derniers mois, ce qui pouvait bien pousser Trond Sollied et Aimé Anthuenis à jouer invariablement la carte de Rune Lange et de Tomasz Radzinski, alors que ces joueurs n’étaient pas au mieux de leur forme?

Verheyen: On a dit pis que pendre du Norvégien depuis son arrivée chez nous. Je constate quand même qu’au cours de cette campagne de préparation, face à des oppositions de renom, Rune Lange aura été le seul à trouver l’ouverture pour nous, contre le FC Nürnberg et le Hansa Rostock. Dès lors, il mérite plus d’indulgence. A l’instar de notre défense, d’ailleurs, qui a été trop souvent décriée ces derniers temps. Je dis et je maintiens que quand nous serons aussi performants dans nos seize mètres, ou la surface de réparation adverse, qu’entre ces deux rectangles, il faudra être fort pour nous devancer.

De Boeck: Le Canadien a terminé en tête du classement des buteurs. C’est la preuve que l’entraîneur avait raison d’avoir foi en lui. Je trouve d’ailleurs que, chacun de son côté et à sa manière, Trond Sollied et Aimé Anthuenis ont la faculté de pouvoir transmettre un message. Le Norvégien joue sur la confiance en soi en disant que, dans un bon jour, ses ouailles sont parfaitement capables de battre le Real Madrid. Chez nous, l’entraîneur nous maintient sans cesse en éveil en insistant, parfois exagérément, sur les qualités de l’adversaire. Il n’en demeure pas moins que tous deux auront atteint leur but, la saison passée, en procédant de la sorte.

Qu’est-ce qui pourrait, dans les mois à venir, entraver la bonne marche de vos clubs respectifs?

Verheyen: L’état d’esprit de l’adversaire. Au départ, la saison passée, tout le monde était manifestement soucieux de jouer résolument le jeu contre nous. Après la trêve, ce comportement changea soudain du tout au tout, expliquant en définitive, pourquoi nous avons dû reconnaître notre maître dans le Sporting. Certains disent que Bruges aura manqué de créativité pour inquiéter Anderlecht et le pousser jusqu’au bout dans ses tout derniers retranchements. Moi, je prétends que quand un opposant n’est mû que par le seul souci de s’arc-bouter nonante minutes devant son goal, c’est peine perdue. Si le Real Madrid, avec ses artistes, n’est pas parvenu à contourner le Bayern Munich, qui n’a franchement songé qu’à bétonner à Chamartin, je me demande comment le Club, avec ses moyens, pourrait faire mieux.

De Boeck: Nous risquons d’être exposés à la même problématique pour peu que nous nous qualifiions en Ligue des Champions. La saison passée, nous avions bénéficié de l’effet de surprise à ce niveau. A présent, tout porte à croire que l’opposant se méfiera d’une phalange qui a quand même réussi la gageure, chez elle, de battre tour à tour le PSV, Kiev, Manchester United, la Lazio

et le Real. A cet échelon-là, c’est sûr, nous jouirons de plus de respect. Avec tous les inconvénients que ce statut comporte.

« L’affaire-Stoica n’est pas comparable à l’affaire-Anic »

Dans un passé récent, l’affaire-Anic avait sérieusement ébranlé Bruges. Un même cas est-il susceptible de surgir à Anderlecht avec Alin Stoica?

De Boeck: Non, dans la mesure où le différend oppose la direction et le joueur et non pas celui-ci et le groupe pro comme ce fut le cas au Club entre Darko Anic et une partie du noyau. Chez nous, il n’y a jamais eu le moindre problème relationnel avec le Roumain. Ce que nous espérons, c’est qu’un terrain d’entente puisse être rapidement trouvé entre les responsables et l’intéressé afin que chacun sache à quoi s’en tenir. Car un bon Stoica ne se refuse pas.

Verheyen: Le cas posé par Alin Stoica est plus proche de celui de Nzelo Lembi, actuellement, que de celui de Darko Anic. Le médian serbe s’était mis complètement hors-jeu, ce qui ne se vérifie nullement dans le chef du Congolais, qui reste un modèle de professionnalisme en toutes circonstances. Pour lui aussi, j’espère que le bon sens l’emportera.

Bruno Govers

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