» Notre ligne de conduite ne change pas… « 

Voici pourquoi le patron de Sclessin n’est pas du genre à céder à l’ivresse du succès… ou à la panique de la défaite.

Entre deux réveillons de la Saint-Sylvestre, le Standard a vécu une année civile 2009 particulièrement riche, couronnée de magnifiques gerbes de fleurs mais aussi, et ce fut plus inattendu, de bouquets d’épines. A l’heure où les verres se lèvent pour trinquer à demain, une phrase d’Amélie Nothomb peut facilement se glisser sous les zakouskis des joueurs de Sclessin : – Il y a un instant, entre la 15e et le 16e gorgée de champagne où tout homme est un aristocrate.

A partir de janvier, il s’agira pour les Rouches de retrouver toute la noblesse de leur jeu de la première à la dernière seconde de chaque rencontre de championnat,… sans négliger les rendez-vous européens. Le vice-président exécutif Lucien D’Onofrio veille au grain, avec un calme du vieux marin…

La D1 a déposé deux journées de championnat au pied du sapin de Noël. Est-ce une expérience intéressante pour la D1 ?

Lucien D’Onofrio : Cela a le mérite d’exister. Il faudra dresser le bilan en fin de saison, pas avant, et ajuster l’une ou l’autre chose si nécessaire. Cela dit, si nos clubs de pointe veulent être à leur meilleur niveau dans les compétitions européennes, un championnat belge de 40 journées est trop éprouvant. Nos budgets ne nous permettent pas d’entretenir des effectifs bien balancés comprenant 28 joueurs dont 15 titulaires de haut vol. Je n’étais pas partisan de cette réforme et j’aurais préféré un championnat traditionnel à 16 équipes.

Quel est votre sentiment à propos de la saga de Mouscron ?

Il fallait trancher plus vite afin d’éviter la situation actuelle. La position de la fédération aurait bien sûr été combattue par le club concerné, mais c’est le travail d’une fédération : elle existe pour prendre des décisions. Or, il me semble qu’elle permet à d’autres de prendre des décisions qui sont de son ressort. Je ne comprends pas pourquoi le politique s’implique dans la gestion sportive d’un club. Un gouvernement doit soutenir les efforts de chacun en matière d’infrastructures mais investir des fonds en faveur de la ligne de conduite sportive, c’est autre chose !

 » A quoi sert-il d’avoir une vision si c’est pour la changer au moindre coup de vent ? »

La phase traditionnelle du championnat est encore longue mais que se passerait-il si le Standard n’était pas présent dans le top 6 ?

Dans ce cas-là, nous lutterons pour décrocher la septième.

Ah bon ?

Sans pépins, le Standard fait partie du top 4 belge. Si nous terminons dans ce carré, notre saison sera réussie. Et si nous n’y arrivons pas, cela ne constituerait pas un drame. Ce serait regrettable pour l’image du club mais une saison sans football européen ne constituerait en aucun cas une catastrophe. Nous sommes préparés à cette éventualité. Les recettes européennes ne sont pas reprises dans notre budget prévisionnel.

Vous renforcerez-vous durant le mercato d’hiver ?

Nous avons une ligne de conduite. Elle ne changera pas, dans le succès ou les problèmes. A quoi sert-il d’avoir une vision si c’est pour la changer au moindre coup de vent ? Si nous dénichons une opportunité durant le mercato, c’est que cela cadrera avec nos plans et notre vision à long terme. Il sera peut-être possible d’embrigader quelqu’un qui n’était pas à notre portée en juin. Et il se peut aussi que le moment ne soit pas indiqué et que nous agissions plus tard, au terme de la saison.

Laszlo Bölöni a subi pas mal de critiques en décembre : avez-vous songé à le remplacer ?

Non, pas du tout. Tout est une question d’équilibre. Il ne faut pas être aveuglé par le succès tout en ne négligeant pas l’impact des résultats. Et, dans ce contexte aussi, il s’agit de donner du temps au temps. Les résultats donnent raison à Bölöni quand il évoque les spécificités de l’effectif. Il a son avis sur la formation et je le respecte. Nous avons le nôtre qui a fait ses preuves aussi. Un entraîneur aura toujours ses partisans et ses opposants. Et c’est le cas dans l’adversité comme dans le succès. Il en allait ainsi la saison passée et Michel Preud’homme comptait lui aussi, comme Bölöni, des opposants, même au sein de l’effectif. Ce n’est pas parce qu’on gagne que tout va bien ou que tout va mal quand on perd.

N’a-t-il pas été question de la venue de Trond Sollied ?

Pas du tout. Je n’ai jamais songé à une telle éventualité. J’ai été étonné de lire cela. Et cela m’a fait penser au cas de Bruno Metsu. Avant que Bölöni n’arrive chez nous, j’avais lu dans la presse que le Français évoquait des conversations avec moi pour le poste de coach au Standard. Dans ce cas-là, c’était également inexact. Vous savez, Bölöni a des qualités de leader, une bonne vision du football, est très fort tactiquement, sait motiver ses joueurs, etc. Il le fait à sa manière, comme Preud’homme, mon frère Dominique ou Robert Waseige le faisaient. Il n’y pas qu’une manière de guider une équipe vers le succès.

Pas du tout, je ne me souviens pas avoir dû rassurer qui que ce soit.

Votre coach n’a-t-il pas mis le doigt sur le grand problème du Standard : un effectif trop jeune pour parer aux blessures et suspensions des piliers ? L’absence de Steven Defour, par exemple, a eu pour conséquence de devoir lancer des joueurs en pleine post-formation…

Quand des titulaires se retrouvent sur le flanc, il arrive souvent que d’autres prennent le relais. Au Standard, ce n’est pas arrivé quand Steven fut blessé. Nous ne savons pas encore quand il rejouera. À la Juventus, Sissoko a subi la même blessure mais à l’autre pied : il rejoue mais un an après sa blessure, il n’a pas encore retrouvé son niveau.

 » Le Standard ne joue même pas à 80 % de ses possibilités « 

En plus des blessures et absences, n’y a-t-il pas un problème de mentalité dans cet effectif ? Il peut se dépasser sur la scène européenne avant de sombrer face à un sans grade belge…

Pour le moment, le Standard ne joue pas à 80 % de ses possibilités en championnat. Quand on vise le top, toutes les rencontres sont importantes. Même quand on affronte Roulers qui s’engage à fond, car le voyage à Sclessin, chez le champion, est son match de Ligue de Champion de la saison… Là, on paye peut-être le poids de la fatigue et la chute du taux d’adrénaline. Mais il faut s’habituer à jouer à un très haut niveau et cela passe par plus d’affiches. Même dans des circonstances comme face à Roulers, on peut alors offrir du bonheur à tout le monde en donnant le meilleur de soi. Il ne faut pas songer qu’à son plaisir, au travers du jeu, mais aussi à celui de 25.000 spectateurs. Tout cela passe surtout par une culture du succès. La saison passée, il y a eu des matches difficiles mais le Standard les remportait car l’équipe était confiante. Quand les résultats ne suivent plus, le doute peut s’installer, surtout chez les jeunes. La solution, c’est d’évoluer à du 150 % sur la scène européenne. Cela s’apprend, se cultive et, en championnat, il suffit parfois de jouer à 100 % pour éviter certains problèmes. Mais nous n’avons pas pu tourner à 150 % puis à 100 %. En plus de nos soucis, c’est une question d’habitude au top.

La faute d’Axel Witsel sur Marcin Wasilewski n’a-t-elle pas terni l’image du Standard ?

Non, je ne crois pas. C’était un fait de jeu. Le prestige ou la réputation de Malines ont-ils été entamés par la faute sur Defour ? Non, c’était, comme dans le cas de Wasilewski, la conséquence d’un fait de jeu. La grande différence dans les deux cas réside dans ce qu’en ont fait les médias.

Votre réconciliation avec Roger Vanden Stock a fait couler pas mal d’encre, n’est-ce pas ?

Mais quelle réconciliation ?

Celle du château d’Hélécine…

Je me répète : -Quelle réconciliation ? Il n’y a jamais eu de problèmes entre nous. J’ai été un peu déçu par la façon dont Anderlecht a géré sa communication. Pour le reste, je n’ai rien contre Roger ou Anderlecht. Les Bruxellois se débrouillent très bien en championnat et ils méritent leur large avance au classement. Si Anderlecht ou Bruges s’empare du titre, je les féliciterai. Je serai content pour eux mais cela ne m’empêchera pas de tirer des conclusions pour mon club et voir ce qu’il conviendra de faire, pour relever les nouveaux défis.

Ces nouveaux défis passeront par des départs importants en fin de saison, non ?

Je ne sais pas…

Il faudra remplacer…

Remplacer qui ?

Jovanovic, Defour, Mbokani ?

Mais pourquoi dites-vous… remplacer ? Ils sont toujours là, que je sache. On n’arrête pas de dire depuis des années que le Standard va vendre ses valeurs sûres. Par rapport au début du championnat passé, seuls Dante et Onyewu ne sont plus là. Deux joueurs, pas plus. Notre politique est quand même claire.

 » Jova et Mbokani peuvent jouer dans n’importe quel grand club européen « 

Milan Jovanovic va-t-il quitter Sclessin ?

Oui, en juin prochain. Jovanovic signera probablement à l’AC Milan.

Jova a-t-il le niveau du top italien ?

Sans aucun doute. Jovanovic peut jouer dans n’importe quel grand club européen, Dieumerci Mbokani aussi. Il y a aussi beaucoup de demandes pour Dieu, notamment de clubs huppés, car ses qualités sont évidentes. Mbokani ne communique pas facilement et c’est dommage car il est un des trois meilleurs footballeurs de Belgique.

Avez-vous lu la lettre qu’Alex Ferguson a envoyée à Defour ?

Je savais que Manchester United et Fergusson le suivaient. Tout comme le Real Madrid, d’ailleurs…

Peut-on encore trouver des remplaçants de ce niveau en Belgique ?

Il y a de très bons joueurs en Belgique mais on ne déniche pas chaque année un Sinan Bolat ou un Mbokani. Des joueurs semblent taillés pour réussir mais ternissent quand ils doivent porter le poids d’un club comme le nôtre.

Ne rêvez-vous pas de réaliser avec le Standard ce qui avait été possible avec Porto : gagner une Coupe d’Europe ?

Je ne suis pas un rêveur. Le Standard ne jouit pas de la même situation économique que Porto, installé dans la région la plus prospère du Portugal. Ce n’est pas notre cas. La Belgique vit au rythme de deux grandes langues, pour une au Portugal ; et le nord, ainsi que Bruxelles, sont plus prospères. Chacun a évidemment sa façon de diriger un club. Je reste calme…

Quand on se souvient de la tête de Bolat contre AZ, cela donne une idée de la fragilité des choses…

C’était un beau moment. Le football est magique et imprévisible. On connaît le début d’un match mais personne ne peut en prévoir la fin. Il peut se passer tant de choses. Et il en va de même pour le déroulement d’une saison. Quelques jours après l’exploit de Bolat, nous sommes passés à une émotion moins agréable. Perdre contre Roulers, c’est dur évidemment mais cela arrive en football. Il faut l’accepter et noter ces émotions dans un cadre plus large, comme dans la vie, et ne pas réagir à chaud.

Avec quels sentiments avez-vous pris congé de la Ligue des Champions ?

Avec satisfaction : le Standard a été digne de son rôle et de ses retrouvailles avec la crème du football européen. Chez nous, face à Arsenal, et à Olympiacos, nous pouvions revendiquer la victoire. Avec un zeste de chance, le Standard aurait pu décrocher la deuxième place de son groupe. C’est excellent pour la réputation du club car, au complet, le Standard était de taille à continuer sa route en Ligue des Champions. Le club s’est bien débrouillé parmi les 32 meilleures équipes européennes et a été à deux doigts de figurer dans le top 16. J’ai déclaré un jour que je rêvais de placer le Standard entre les 20 à 30 meilleurs clubs européens…. Et il nous reste l’Europa League.

La présence des trois grands belges en EL prouve-t-elle que nos clubs sortent enfin la tête de l’eau ?

C’est un signe positif. Chacun des trois clubs belges qui a prolongé son aventure européenne a prouvé à sa façon ce dont il est capable. Tous les pays vivent des hauts et des bas. Pour le moment, la Belgique peut miser sur de bons jeunes joueurs. Ce n’est pas le fruit du hasard. Mais si d’autres remarquent ce talent, ils tâcheront de le prendre. Il faut donc résister aux offres importantes pour assurer la progression sportive de l’effectif. C’est ce que nous avons fait pour plusieurs joueurs qui pouvaient nous rapporter beaucoup d’argent. Onyewu est parti pour rien et ce sera aussi le cas de Jovanovic en fin de saison. Leur apport sportif était plus important qu’une rentrée d’argent. La vente de Jova aurait pu nous rapporter plus que notre campagne en Ligue des Champions !

 » C’est quoi une valeur sûre ? »

Plus de 20 millions d’euros ?

Ce chiffre ne correspond pas à la réalité. Avec les droits de télévision y compris, je serais heureux de recevoir 12 millions. Et si on déduit tous les frais, il devrait rester 5 millions d’euros. Jovanovic nous aurait rapporté plus que ça et nous avions reçu une proposition de 12 millions pour Mbokani. Nous l’avions repoussée… Et n’oublions pas que d’autres clubs travaillent très bien comme Gand sous les ordres de Preud’homme. Tout cela n’est pas seulement le résultat du talent (il y en a) mais aussi le produit d’une mentalité et de la personnalité des joueurs.

Quelle est la différence entre mentalité et personnalité ?

Pour être pro, il faut de la mentalité ; et le joueur qui a de la personnalité n’a pas peur de montrer et d’exploiter ses qualités lors des moments importants.

Marc Degryse affirme que le Standard a raté la chance de sa vie de se retrouver avec la crème de la crème européenne. Pour lui, il aurait suffi de recruter deux ou trois valeurs sûres pour y arriver…

Pas d’accord. C’est quoi une valeur sûre ? Avons-nous les moyens d’acquérir de tels éléments ? Et une valeur sûre n’est pas synonyme de qualification. De grands noms auraient-ils apporté un plus ? Rien n’est garanti en football. Robert Prosinecki était un joueur exceptionnel et un homme extraordinaire mais il n’a pas apporté de différence gagnante au Standard. Il y a des clubs d’un calibre bien plus important qui se sont renforcés et qui ont été éliminés en Ligue des Champions.

Ivan De Witte a dit à Studio 1-La Tribune que le renouveau européen des clubs belges s’explique peut-être par la nouvelle formule du championnat ?

Ivan De Witte, le président de la Ligue professionnelle, parle beaucoup. C’est vrai : il faut bien qu’il fasse quelque chose…

Que pensez-vous du tirage au sort de l’Europa League ?

C’est un bon tirage même si Salzbourg sera redoutable. Il faudra l’aborder comme nous avons négocié notre match contre Arsenal à Sclessin et pas de la façon qui fut la nôtre face à Braga la saison passée. Si le Standard est motivé à fond, il peut passer.

par pierre bilic – photos : laurent brandajs

« Jovanovic signera probablement à l’AC Milan en juin prochain. »

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