NOSTALIÈGE

Les Sang et Marine évoluent en D3 et sont confrontés à de gros problèmes de trésorerie. Et pourtant, quelle belle équipe on pourrait composer avec ses anciens joueurs.

La situation du FC Liège, qui a élu domicile au Pairay après la démolition du vieux stade de Rocourt et un transit par Bureaufosse, n’est guère reluisante. Si, sportivement, l’équipe tire son épingle du jeu en D3, l’avenir est incertain. Les problèmes financiers ressurgissent de manière récurrente. Pourtant, combien d’excellents joueurs qui font aujourd’hui les beaux jours des clubs de D1 n’ont-ils pas été formés chez les Sang et Marine ? Nous avons composé une équipe qui tiendrait parfaitement la route au plus haut niveau, et avons demandé à JeanFrançoisdeSart û actuel entraîneur national des Espoirs et ancien joueur emblématique du FC Liégeois û de la commenter. De quoi raviver la nostalgie des anciens.

A l’exception d’un passage de deux saisons à Anderlecht (de 1991 à 1993), Jean-François de Sart n’a connu que le club de Rocourt comme joueur. Il s’y est affilié en 1970, à l’âge de huit ans, et y a débuté en équipe Première en 1982, pour y terminer sa carrière en 1995.  » Il y a toujours eu de bons jeunes à Liège « , remarque-t-il.  » Déjà, dans les années 70, nous décrochions souvent le titre de champion provincial dans notre catégorie. Plus souvent que le Standard. En Juniors UEFA, j’ai beaucoup appris d’un entraîneur comme JovanCurcic. De nombreux joueurs de ce noyau-là sont arrivés en D1 : BernardHabran, RaphaëlQuaranta, BernardWégria, JeanMarieHouben, PierreDrouguet et AlainAusten, par exemple. Liège s’est toujours senti une vocation de club formateur. Le recrutement était régional. Avec, parfois, l’intégration de l’un ou l’autre néerlandophone issu du Limbourg tout proche. C’était une différence par rapport au Standard, qui prospectait volontiers dans les provinces du Hainaut, de Namur ou du Luxembourg. Il régnait une bonne ambiance dans le club et les jeunes savaient qu’un jour, ils recevraient leur chance. Cela les incitait à signer à Liège plutôt qu’ailleurs. Aujourd’hui, malheureusement, Liège est en D3. Le club ne participe donc plus aux championnats nationaux, dans les catégories d’âge. De ce fait, les meilleurs jeunes de la région ont tendance à émigrer à Genk ou à Saint-Trond « .

Le gardien

 » Il est trop tôt pour affirmer si LoganBailly sera le grand gardien belge de l’avenir. C’est, en tout cas, une bonne chose qu’il soit parvenu à saisir sa chance à Heusden-Zolder. Jouer en D1 à 18 ans, c’est bénéfique. Il m’impressionne par sa présence, c’est une qualité importante chez un gardien. Je connais des gardiens qui passent inaperçu dans leur but. Lui, c’est tout le contraire : on le voit. Il dégage une autorité naturelle qui donne confiance à ses défenseurs. Il a aussi une grande confiance en lui : lors de son premier match contre Bruges, il avait commis une bourde de dimension sur le but d’ouverture des Flandriens, mais s’était parfaitement ressaisi par la suite. C’est le signe d’une grosse solidité mentale.

Les défenseurs

J’ai encore joué avec EricDeflandre. Il a réussi une carrière extraordinaire bâtie progressivement : Liège, Ekeren, Bruges et enfin Lyon, un grand club européen avec lequel il a fêté deux titres de champion de France. C’est à méditer : il n’a pas voulu brûler les étapes en privilégiant l’argent dès le début. Il a surtout pris en compte les critères sportifs. Et l’argent est arrivé de lui-même, plus tard, avec la réussite. Il n’a jamais rechigné à se mettre au service de l’équipe. C’est un garçon très agréable dans un groupe, car il est toujours de bonne humeur. Il est rapide et possède une bonne technique. Au début, il jouait plutôt dans l’entrejeu, comme demi défensif, puis il s’est reconverti avec bonheur à l’arrière droit. Il a toujours répondu présent dans les grands tournois : il a été très bon lors de la Coupe du Monde 1998 et lors de l’EURO 2000. C’est à ce niveau-là que l’on voit les grands joueurs.

Muhamet Yoldas est l’un de ces nombreux jeunes qui émigrent aujourd’hui de Liège vers le Limbourg alors qu’autrefois, c’était plutôt l’inverse. Il est Belge aujourd’hui, mais n’a jamais fait partie des sélections nationales de jeunes dans le passé. A Genk, il semblait barré et son transfert vers Mons, durant le mercato, devrait pouvoir lui permettre de lancer sa carrière. Il semble en tout cas saisir sa chance en position de stoppeur droit. Souvent, il est préférable de redescendre d’un niveau pour rebondir par la suite .

HansLeenders n’a pas été repris chez les Espoirs, car d’autres joueurs étaient plus performants à son poste à ce moment-là, mais il a tout de même été titulaire à Genk l’année où le club limbourgeois a remporté son premier titre. C’est un garçon qui jouait avec beaucoup d’engagement. Son passage à Heusden-Zolder pourra le relancer.

PascalRenier est un autre de mes anciens coéquipiers. A l’époque, il y avait trois gauchers pour deux places à Liège. Il a dû s’incliner devant la concurrence de Gert Claessens et Manu Godfroid, mais il a tout de même réussi une belle carrière : Bruges, l’étranger, l’équipe nationale. Défensivement, lors de sa meilleure période, il était très fort. Son intransigeance dans les duels en impressionnait plus d’un. Des blessures ont malheureusement brisé son élan.

Les médians

Gaëtan Englebert a joué en D3 avec Liège. Cela lui a fait un bien fou, car il a été confronté au football des adultes. A ce niveau-là, il faut se battre 90 minutes et on ne peut pas perdre un duel. C’est un message à faire passer aux jeunes : il est préférable de redescendre d’un échelon, pour jouer des matches à enjeu, plutôt que de perdre son temps en Réserve. A l’époque, en équipe nationale Espoirs, Gaëtan Englebert jouait à l’arrière droit, puis s’est reconverti avec bonheur dans l’entrejeu. A l’image d’Eric Deflandre, il a magistralement bâti sa carrière. Un joueur intelligent, toujours disponible pour ses partenaires, qui joue simple et possède un volume de course impressionnant.

Gert Claessens évoluait sur le flanc gauche, autrefois. Actuellement, il a été repositionné dans l’axe. J’ai eu la chance d’évoluer avec lui. C’est un garçon qui marquait très facilement : rapide, endurant, costaud. Il avait un bon jeu de tête. Malgré une période difficile à Oviedo, il a réussi une très belle carrière : Bruges, Vitesse Arnhem, Genk.

J’ai aussi eu la chance de jouer avec DannyBoffin, tant à Liège qu’à Anderlecht. Nous avions d’ailleurs été transférés ensemble, avec Jean-Marie Houben. Lui aussi a réussi une superbe carrière, au Sporting mais surtout encore à Metz, plus tard, lorsqu’on l’a repositionné dans un rôle libre derrière les attaquants. A Liège et à Anderlecht, il se distinguait surtout par sa vitesse et son endurance sur le flanc gauche. A Metz, et lors de son retour à Saint-Trond, il est devenu le régisseur de l’équipe, grâce à ses qualités techniques et à son centre de gravité très bas, tout en conservant sa mobilité qui lui a valu son surnom de Mobylette. Sa longévité s’explique par son hygiène de vie : il s’est toujours soigné, allait se coucher très tôt, accordait beaucoup d’importance à la récupération et ne buvait jamais un verre. Il n’y a pas de secrets.

ChristopheGrégoire, c’est un peu le style de Manu Godfroid, encore meilleur techniquement. Comme d’autres, il a commencé très jeune en D2 à Liège, et cela l’a aguerri. Un excellent pied gauche, d’où partent des centres magnifiques. Il est capable d’inscrire un but de temps en temps et est toujours en train de progresser, dans une équipe mouscronnoise qui tourne bien. Au début de sa carrière, on pouvait lui reprocher d’être trop léger dans les duels. Je l’avais emmené à la phase finale du Championnat d’Europe Espoirs en Suisse, mais il était barré par Koen Daerden dans sa catégorie d’âge.

Les attaquants

Je me souviens encore du jour où VictorIkpeba a débarqué à Liège, en compagnie de Sunday Oliseh, alors qu’il était tout jeune. Tout le monde a été émerveillé par ces deux footballeurs. J’ai toujours conservé d’excellents contacts avec Victor et je suis heureux qu’il puisse se relancer à Charleroi. Par rapport à sa période liégeoise, il a mûri. C’est logique, après des passages à Monaco et à Dortmund. On ne joue pas dans des clubs pareils si l’on ne possède pas d’immenses qualités : vitesse, sens du but. Et, ce qui ne gâte rien, c’est un garçon super sympa.

Luigi Pieroni a explosé ces derniers mois. Il n’avait pas ce niveau lorsqu’il était plus jeune. Ce qui me frappe chez lui, c’est son physique, beaucoup plus affûté. Il a perdu cinq ou six kilos, et cette meilleure condition est à l’origine de son meilleur rendement. Les gestes qu’il accomplit aujourd’hui, il était déjà capable de les réaliser précédemment, mais il ne tenait pas la distance. Passer d’un régime de quatre entraînements par semaine, à sept ou huit, cela change un homme. C’est un attaquant complet : pied droit, pied gauche, jeu de tête, que demander de plus ? Son frère Frédéric cartonne aussi, en 2e Provinciale avec Oreye. J’ai l’occasion de le suivre, car c’est le club de mon village natal. En outre, il est entraîné par ce vieux pote de LucErnes.

L’entraîneur

RobertWaseige fut mon entraîneur à Rocourt. Il avait une façon de travailler bien à lui, qui nous a tous marqués. Il était dur avec les jeunes, mais c’est logique et les résultats lui ont donné raison. Si beaucoup de joueurs de la belle équipe de Liège sont devenus entraîneurs aujourd’hui, c’est sans doute grâce aux connaissances qu’il nous a transmises. Il parlait souvent de son métier et avait l’art d’expliquer les choses. Il trouve toujours les mots justes au bon moment. Plus tard, j’ai collaboré avec lui lorsqu’il est devenu coach national « .

Daniel Devos

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