Nostalgique de Waseige

L’Anderlechtois n’a effectué ses débuts en équipe nationale qu’à 25 ans mais a collectionné 72 sélections. Avant le match contre le Kazakhstan, retour sur huit années de hauts et de bas avec les Diables Rouges.

B art Goor a 34 ans. Des Diables Rouges toujours en activité, il est le plus chevronné. Il a déjà déclaré vouloir se produire en équipe nationale au moins jusqu’à 35 ans. La Belgique n’étant pas qualifiée pour le prochain Euro, Goor en restera sans doute à une participation au Mondial et à l’Euro. Il revient sur huit saisons au service de l’équipe nationale.

3 février 1999 : Leekens le lance à Chypre.

Bart Goor : J’ai reçu ma chance suite au forfait de Gert Claessens. Je suis entré au jeu à l’arrière gauche dans un tournoi à Chypre contre l’équipe nationale de ce pays. Nous nous sommes imposés 0-1. J’avais déjà 25 ans mais je suis arrivé tard en D1. Mon transfert à Anderlecht a donné un coup d’accélérateur à ma carrière. J’ai été très bien accueilli en équipe nationale. Le groupe était très ouvert, avec des gars comme Marc Wilmots, Eric Van Meir, Nico Van Kerckhoven, Gert Verheyen… Tous étaient très accessibles. Malgré mes débuts tardifs, j’ai finalement accumulé beaucoup de sélections.

4 septembre 1999 : 5-5 aux Pays-Bas sous Waseige et premier but

En août 1999, Georges Leekens est limogé après neuf matches sans victoire et remplacé par Robert Waseige. Un super match, très ouvert et un beau jeu des deux équipes. Le départ parfait pour un entraîneur. L’ambiance, qui n’était pas parfaite, a changé. Je me souviens que Branko Strupar a été brillant. La transition entre Leekens et Waseige n’a pas été aussi brutale que les gens l’imaginent. Seuls quelques noms ont changé et la tactique était un rien différente. A posteriori, l’ère Waseige a été une période dorée, ponctuée de nombreuses victoires, agrémentée d’un football de qualité et d’une rage de vaincre fantastique.

J’ai toujours retrouvé cette mentalité en équipe nationale mais encore faut-il avoir la chance de jouer un moment avec le même noyau, comme ce fut le cas avec Waseige. Alors, on peut obtenir des résultats. Je demeure convaincu que nous revivrons pareille période. Une carrière footballistique est faite de hauts et de bas. Cette génération avait un atout : elle formait une vraie équipe et elle marquait facilement. On a façonné une équipe pendant des années. Il ne faudrait pas l’oublier. Nous sommes à nouveau en train de construire ça.

Juin 2000 : 2-1 contre la Suède et but !

Les Pays-Bas et la Belgique organisent l’Euro. On débute bien contre la Suède mais on sombre contre l’Italie et la Turquie. On est éliminé au premier tour. Je pense que nous pensions trop à battre la Turquie. Nous avons gaspillé notre énergie en première mi-temps, ce qui a permis à notre adversaire de prendre ensuite le dessus. Nous avons encaissé sur une bourde de Filip De Wilde. C’est regrettable car nous avions bien entamé le tournoi. La malchance et un enthousiasme excessif nous ont valu notre bon de sortie. Triste.

J’ai pourtant savouré cet Euro au pays. On ne voit pas souvent les tribunes combles et l’ambiance du tournoi a été particulièrement bonne. En fin de compte, on ne sent pas vraiment que la compétition a lieu dans son pays puisqu’en dehors des matches, on est au vert et on a peu de contacts avec le monde extérieur. Quoi qu’il en soit, cet Euro a constitué une expérience fantastique. Disputer un tournoi confère une dimension supplémentaire à une carrière. J’ai joué tous les matches, en plus. Cet Euro a été la confirmation que j’avais le niveau international. J’ai progressé par étapes durant ma carrière. De tels tournois vous permettent de vous bonifier. J’ai aussi eu le sentiment d’être parmi les 22 meilleurs footballeurs du pays.

Novembre 2001 : deux matches de barrage contre la Tchéquie pour le Mondial

Ces barrages font partie de mes meilleurs moments avec les Diables Rouges. Les observateurs nous accordaient peu de chances de qualification, d’autant que nous disputions le retour en Tchéquie. Se qualifier au détriment d’une telle équipe, et pour un Mondial encore bien, a été fantastique.

Je me souviens que Verheyen a obtenu un coup de réparation, parfaitement converti par Wilmots. L’équipe était particulièrement bonne. J’étais impatient de vivre ce Mondial asiatique. La technologie y est plus avancée qu’ici et tout allait être parfaitement organisé, dans des stades flambant neufs. Et puis, le monde entier regarde un tel événement…

Mondial 2002 : huitièmes de finale et élimination par le Brésil et l’arbitre jamaïcain Prendergast.

Nous avons vécu un très beau Mondial. Nous avons remporté les matches qu’il fallait et nous avons livré un grand match contre le Brésil. Nous avons seulement eu de la poisse avec ce but de la tête de Wilmots, injustement annulé. A ce moment, nous pouvions espérer davantage. D’un côté, je considère ce moment comme une chance ratée mais de l’autre, des nations comme le Brésil forcent toujours la chance. On les voit d’un £il légèrement différent. Cela se sent parfois. Pas toujours car je vis une situation similaire avec Anderlecht : les clubs plus modestes se plaignent constamment qu’on privilégie Anderlecht. Mais au bout d’un moment, on se rend compte que c’est une lame à double tranchant : pour éviter toute critique, certains arbitres en arrivent à ne pas siffler certaines fautes. Parfois, c’est une question de hasard. Cela fonctionne dans les deux sens.

Le Brésil pouvait faire la différence grâce à sa classe individuelle, en de tels moments. Rivaldo a connu un instant de grâce contre nous. Par contre, collectivement, nous étions meilleurs. Ce Mondial a également été le tournoi de Wilmots. Il a pris l’équipe en main et a répondu présent à chaque match. Sa motivation sur le terrain était contagieuse. Nous avons pourtant peiné durant les premiers matches et la presse ne nous a pas ratés. C’est elle qui vous fait ou vous défait. Cela fait partie du jeu. Je trouve normal que Waseige ait réagi, à l’époque. Il faut parfois laisser parler sa fierté, son honneur.

L’après Waseige : pas d’Euro 2004

Wilmots, Verheyen et Waseige quittent l’équipe nationale. Aimé Anthuenis est engagé. On ne se qualifie pas pour le tournoi suivant, l’Euro 2004, au Portugal. Gert n’avait plus envie de jouer mais il a arrêté trop tôt. Il aurait pu encore apporter quelque chose aux Diables Rouges. Mais bon, il a préféré quitter l’équipe sur un haut fait et je respecte sa décision. Anthuenis m’a demandé d’être capitaine. Etant une valeur sûre de l’équipe, je me devais d’assumer mes responsabilités.

Nous avons traversé une période moins faste, suite à un faisceau de circonstances. Nous avons été en proie à une avalanche de blessures, ce qui nous a empêchés de former une équipe type. Le talent ne manquait pas. Nous avons terminé avec 16 points. Dans une autre poule, ce bilan eût suffi à notre qualification. Il y a aussi eu cette gaffe de Pïerluigi Collina dans le match de qualification très important, contre la Bulgarie. Il y avait clairement penalty sur Mbo Mpenza mais il ne l’a pas sifflé. Il a admis par la suite qu’il y avait bel et bien eu faute. J’ai amèrement regretté notre échec, d’autant que l’équipe nationale a été bombardée de critiques. C’était pourtant l’époque du triangle doré avec Wesley Sonck, Thomas Buffel et Emile Mpenza. Ces trois-là s’entendaient remarquablement mais ils ont peu joué de concert à cause de blessures. Emile surtout aurait dû compter beaucoup plus de sélections. Mais sous la direction d’Anthuenis nous ne sommes jamais parvenus à créer des automatismes.

9 octobre 2004 : pétage de plombs en Espagne

Je suis exclu pour avoir craché. La Belgique a été battue 2-0 et j’ai été suspendu pour cinq matches. C’était le début d’un long calvaire durant ces éliminatoires pour le Mondial allemand. Tout avait commencé avec une faible prestation contre la Lituanie. Nous menions 1-0 mais nous avons laissé filer notre avantage. En Espagne, Eric Deflandre a été exclu. Nous avons joué un match convenable en infériorité numérique, jusqu’à ma carte rouge. Je n’ai pas craché vers quelqu’un mais on l’a interprété ainsi. Nous voulions gagner à tout prix. Je me suis laissé déborder par mes émotions. J’attendais énormément de cette campagne et j’étais amèrement déçu après le partage contre la Lituanie. La frustration a envahi l’équipe. Peu avant le match contre l’Espagne, nous avons été mis à l’épreuve par le traitement de faveur réservé à nos adversaires. Il régnait un climat anti-belge. Par exemple, nous avons dû nous défaire de tous nos bijoux mais pas eux. Sur le terrain, nous étions en rage.

Nous avions déjà été la cible de vives critiques avant ce déplacement. La Belgique avait une bonne équipe. D’accord, certains avaient des préférences, généralement dictées par leur langue maternelle mais c’est normal, non ? A l’étranger, cela ne pose jamais problème, pas plus qu’à Anderlecht, où la tactique est systématiquement dispensée en trois langues. La Belgique est bilingue mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas nous entendre. L’ambiance dépend avant tout des résultats. Quand ils étaient bons, on n’entendait pas beaucoup parler de tensions communautaires. Il faut essayer de rester au-dessus de la mêlée. Dès que nous progresserons, nous serons plus détendus sur le terrain. Je le répète : il n’y a jamais eu de problème au sein du groupe. Il y a beaucoup plus de bagarres dans les clubs qu’en équipe nationale. C’est normal puisqu’au club, on se côtoie jour après jour.

Le regret de ne pas aller au Mondial allemand est resté tenace longtemps. Un club a l’occasion de se ressaisir chaque week-end, pas l’équipe nationale. Cependant, je ne considère pas qu’avoir été capitaine de la première équipe depuis 1978 à n’être pas qualifiée pour un Mondial constitue une honte. Anderlecht ne joue pas la Ligue des Champions cette saison. On ne peut pas se qualifier à tous les coups. L’essentiel est de tirer des leçons de ses échecs. Même des clubs comme le Real traversent des périodes moins fastes.

Après l’échec de 2006, Vandereycken arrive

J’ai 34 ans, mais je n’ai jamais songé à arrêter. J’aime trop jouer. Abandonner parce que je n’ai pas été sélectionné une fois n’est pas non mon style. D’ailleurs, au début, René Vandereycken m’a téléphoné pour me tranquilliser : ce n’est pas parce que je n’étais pas repris une fois qu’il m’avait classé. Cette forme de respect m’a fait un plaisir fou. Si, un moment donné, il me dit qu’il n’a plus besoin de moi, je l’accepterai. J’aime la clarté. L’entraîneur est occupé à former une équipe.

Nous avons une génération très talentueuse mais nous avons besoin d’un mélange subtil de jeunesse et d’expérience. On a besoin des aînés, comme Timmy Simons, Philippe Clement et moi, pour rectifier le tir dans les moments difficiles ou pour veiller à l’ambiance du vestiaire. La mentalité des jeunes ne me pose pas problème globalement mais je constate qu’il y a moins de soucis de ce point de vue à l’étranger. Les jeunes s’adaptent et savent qu’ils doivent se battre pour leur place. Ici, les jeunes reçoivent de nombreuses occasions, qu’ils estiment naturelles. Cependant, nous avons des qualités. Ma remarque se veut donc positive. Nous avons un avant génial, Moussa Dembélé, qui va certainement être transféré dans un grand club et s’y épanouir encore. Beaucoup de jeunes ont eu une formation de qualité à l’étranger aussi. Leur contrôle du ballon, leur passing et leur vitesse d’exécution atteignent un très haut niveau. En ce sens, l’exil de nombreux jeunes a été positif. Mais je n’oserais prétendre que la nouvelle génération a une meilleure technique et beaucoup plus de talent que la précédente. Elle connaît plus de trucs grâce à la télévision, elle ose prendre davantage de risques mais avant, cette technique était déjà présente. Simplement, il fallait avant tout prendre garde à ne pas perdre le ballon.

par matthias stockmans

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire