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 » Non, ma langue n’a pas fourché lorsque j’ai dit que nous visions le titre « 

 » La Gantoise fait désormais partie du top belge et luttera dorénavant pour les trophées. Tous les départements du club seront mobilisés à cet effet.  » Entretien avec le président gantois Ivan De Witte, plus ambitieux et déterminé que jamais.

Ivan De Witte nous accueille dans les bureaux de Hudson Belgium, l’entreprise de ressources humaines dont il est le CEO. La Gantoise a terminé le championnat à la troisième place, a été éliminée en quarts de finale de la Coupe de Belgique et en huitièmes de finale de l’Europa League. Quelle cote le président attribue-t-il à son personnel pour l’ensemble de la saison ?  » Sept sur dix « , dit-il.  » Et je suis globalement satisfait. Nous avons connu de bonnes et de moins bonnes périodes mais le bilan est positif. Nous avons bien fait d’intervenir à la trêve car nous avions décelé des lacunes dans certains matches. Mais 70 %, c’est une distinction.  »

En décembre, vous n’étiez plus dans le top 6. Ça a été la sonnette d’alarme ?

IVAN DE WITTE : Oui, mais ce n’était pas une surprise. Nous savions que nous devrions intervenir à la trêve. En été, nous avions perdu Sels, Kums et Depoitre, des joueurs talentueux. Nous avons bien joué jusqu’au dernier match de Sven, fin août. Mais son départ nous a fait mal.

Kums et Depoitre sont partis en août. Si vous pouviez décider, vous décréteriez la fin du mercato avant le début du championnat ?

DE WITTE : Peut-être bien. C’est évidemment une décision qui doit être prise à l’échelle européenne mais j’ai parfois l’impression que la ligue et la fédération se soucient peu de ce genre de sujets. Il faudrait un débat. Je constate que même au niveau international, on y accorde trop peu d’attention. Il y a d’autres aberrations, comme la finale de la Coupe de Belgique en mars. Neuf fois sur dix, le vainqueur prend part aux play-off 1. Avec quelle motivation, s’il est déjà sûr d’être européen ? La finale de la coupe, ça doit être l’apothéose de la saison, comme partout ailleurs. Ça doit changer !

Comment est-il possible qu’un club qui présente autant d’atouts que le vôtre ait failli louper les Play-offs 1 ?

DE WITTE : Comme nous avons perdu de bons joueurs sur le tard, nous avons dû transférer à la hâte et nous avons manqué de rigueur. J’espérais que Sven reste, je n’ai pas vu le coup arriver car, pendant très longtemps, il n’y avait pas d’intérêt réel. C’est un type de joueur rare, qui récupère des ballons et joue très vite en profondeur. C’est pourquoi nous aurions voulu le récupérer mais, malheureusement, nous ne pouvions pas lui proposer de jouer la Champions League.

Sans les arrêts exceptionnels de Lovre Kalinic, La Gantoise aurait disputé les Play-offs 2, non ?

DE WITTE : Les autres transferts hivernaux (Kubo, Gigot et Kalu)ont aussi joué un rôle important. Nous avions déjà pris les premiers contacts en été mais ils ne pouvaient pas partir et Kalinic rêvait de l’Angleterre. En hiver, nous avons négocié très rapidement car nous étions bien préparés et nous avons fait des efforts en matière de salaire. Sans eux, nous n’aurions sans doute pas atteint les Play-offs 1.

Et au début de ces play-offs, vous croyiez encore au titre ?

DE WITTE : Oui mais pour cela, il aurait fallu battre Anderlecht chez nous et gagner à Ostende.

Vous avez pris un excellent départ (11 sur 15). Et ensuite ?

DE WITTE : Anderlecht s’est montré difficile à manoeuvrer. Ce n’était pas toujours académique mais il y avait de la volonté dans cette équipe. René Weiler en a fait un ensemble solide et Adrien Trebel a rempli un rôle important aux côtés de Tielemans et Dendoncker.

 » Nous avons été naïfs  »

Quelle leçon avez-vous tirée de l’échec du transfert d’Adrien Trebel à la trêve ?

DE WITTE : Que quand un transfert a été négocié, il ne faut pas traîner. Trebel devait effectuer la deuxième partie de ses examens médicaux le lendemain mais, entretemps, il a été approché par Anderlecht et a signé là-bas. Anderlecht est allé très vite pour le convaincre.

Le Sporting a été plus malin ?

DE WITTE : Plus habile. Je ne veux plus le montrer du doigt. Quand une décision est prise, il faut la finaliser le soir même. C’est une leçon.

Vous seriez capable de faire ce qu’Anderlecht a fait ?

DE WITTE : Disons que ce qui m’a le plus dérangé, ce sont les intermédiaires.

Mogi Bayat ! Pourtant, c’est un ami de Michel Louwagie et Patrick Turcq.

DE WITTE : Mais manifestement plus encore un ami d’Anderlecht ! Parfois, on a deux belles femmes mais il y en a une qu’on préfère. C’est pareil pour Mogi. Il aime La Gantoise mais à l’heure de vérité, son coeur bat plus fort pour Anderlecht.

Vous étiez fâché ?

DE WITTE : Oui, très fâché même. Mais en football, on ne peut pas trop laisser parler ses émotions. C’est un cercle restreint, on a besoin de tout le monde. Il faut donc mettre les choses à plat et c’est ce que nous avons fait avec Mogi.

Vous ne deviez pas avant tout vous en prendre à vous-même ?

DE WITTE : Oui, nous avons été naïfs. Nous sommes partis du principe que le joueur viendrait signer le lendemain matin.

Comment est-ce possible ? Michel Louwagie et vous avez tellement d’expérience !

DE WITTE : Nous ne sommes pas les seuls à qui ça arrive. Avec les types de joueurs rares, il faut agir vite. C’est ce que nous avons fait avec Sylla, sans quoi il serait à Genk ou à Bruges.

Travailler main dans la main

Mogi Bayat est également l’agent de Hein Vanhaezebrouck. Il n’a pas failli rejoindre Anderlecht ?

DE WITTE : Ce petit jeu fait partie du football. Ils ont sans doute flirté mais Hein entame sa quatrième saison chez nous. Il sait que nous sommes ambitieux, que nous visons le titre, que nous avons construit un nouveau centre d’entraînement auquel il a apporté sa pierre et qu’il sera dorénavant impliqué davantage dans la gestion sportive.

On dit qu’au club, tout le monde ne l’apprécie pas car il critique régulièrement les autres dans la presse.

DE WITTE : Hein et son staff doivent se rapprocher de la cellule recrutement. Nous avons revu le mode de fonctionnement, qui n’était bon pour personne. Et puis, Hein est comme il est mais il a plus de côtés positifs que négatifs. Il y a toujours des choses à mettre aux point. Je suis psychologue de formation, je sais qu’il faut du temps pour que les pièces du puzzle se mettent en place. Nous ne parlons plus du tout de la même façon que lorsqu’il est arrivé et je trouve que nous fonctionnons bien, main dans la main. Avant, Hein disait parfois : vous faites ceci ou cela, comme s’il n’était qu’un observateur. Aujourd’hui, c’est fini : il est un rouage très important du club.

Vous avez milité pour que les clubs évoluant le jeudi en Europa League puissent jouer le lundi en Jupiler Pro League.

DE WITTE : Mais, à ma grand surprise, ce sont les grands du football belge qui étaient contre cette idée pourtant défendue par des scientifiques et des médecins. La proposition est sur la table mais rien n’a encore été décidé et c’est frustrant. J’espère qu’on trouvera une solution car c’est très important. Demandons un rapport médical à des spécialistes plutôt que de lancer des idées en l’air.

Vous avez déclaré voici peu que l’objectif de La Gantoise la saison prochaine était d’être championne. Vous ne nous avez pas habitués à cela. Vous étiez sérieux ?

DE WITTE : Bien sûr (il grimace). Ma langue n’a pas fourché. Je veux donner le ton, être clair et je sens que ça bouge en interne. Bien sûr, être champion, ça dépend de plusieurs facteurs mais La Gantoise fait désormais partie du top et jouera dorénavant pour gagner des trophées. Tous les départements du club seront mobilisés à cet effet.

Communication

La rivalité entre La Gantoise et le Club Brugeois est-elle saine ? Les dirigeants des deux clubs ne devraient-ils pas être plus respectueux les uns envers les autres ?

DE WITTE : Vous avez raison. Nous avons déjà fait un premier pas dans ce sens lors du dernier match. L’ambiance était au beau fixe. Bart Verhaeghe, Vincent Mannaert, Michel et moi devrions nous rencontrer pour en parler. Je suis sûr qu’ils seront d’accord. Nous ne mesurons pas toujours l’influence que nous avons sur la foule. À ce sujet, je suis très fier du comportement de nos huit mille supporters à Londres lors du match contre Tottenham. C’est vers ça que l’on doit tendre : je veux inculquer certaines valeurs à ce club.

Votre club a beaucoup critiqué les arbitres la saison dernière : vous, le manager et surtout le coach. Vous ne devez pas veiller à ça également ?

DE WITTE : Sur ce point aussi, je suis d’accord avec vous mais je pense que le semi-professionnalisme dans l’arbitrage constitue un grand pas en avant. Nous devons former huit grands arbitres. Des professionnels comme Sébastien Delferière qui préparent leurs matches et tirent les leçons de leurs erreurs. Mais ça a longtemps été un dialogue de sourds, c’est pour ça qu’on réagit. Nos arbitres doivent être proches du top niveau européen, où neuf matches sur dix se passent bien. Ici, on voit trop les arbitres. Une analyse a certes démontré que 80 % de leurs décisions étaient justes mais dans les 20 % de décisions erronées, combien ont porté préjudice aux grands clubs ? Lors du dernier match à Bruges, nous avons été désavantagés à trois reprises. Est-il normal que Marcel Van Langenhove, qui s’occupe des arbitres à Anderlecht, soit constamment dans leur vestiaire ? En Coupe d’Europe, on ne peut même pas approcher les arbitres.

Changement

Michel Louwagie et vous avez déclaré que vous aimeriez encore fêter un titre avant d’arrêter. On doit donc s’attendre à du changement si La Gantoise est championne la saison prochaine ?

DE WITTE : Michel et moi ne partirons pas en même temps. L’un de nous deux devra rester plus longtemps pour former nos successeurs. Diriger un club, c’est difficile. Si Michel ou moi avions dû arrêter plus tôt, le club aurait souffert. Désormais, nous avons de très bons collaborateurs. S’il nous arrivait quelque chose, le club ne devrait pas repartir à zéro. Mais il vaut mieux que nous ne prenions pas le même avion.

Vous voyagez séparément ?

DE WITTE : Non. C’est une règle dans le monde de l’entreprise mais nous ne la respectons pas encore.

Quelle est la marge de progression de La Gantoise ? Le stade est comble à chaque match. Qu’est-ce qui vous empêche d’investir huit millions d’euros pour y ajouter 5.000 places assises ?

DE WITTE : Nous donnons la priorité à l’aspect sportif, c’est le plus important. Sur le plan financier, nous ne sommes pas près de rivaliser avec Anderlecht et Bruges mais cela ne me fait pas mal au ventre. Vous allez encore entendre parler de nous.

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE & FRÉDÉRIC VANHEULE – PHOTOS BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

 » La finale de la coupe en mars, c’est insensé : ça doit changer !  » – Ivan De Witte

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