» Non, je n’étais pas au point ! Et alors ? On est champion ! »

Etait-ce la dernière interview du capitaine en Mauve et Blanc ? L’avenir nous l’apprendra. L’Argentin revient sur sa saison.

Lucas Biglia n’en fait plus mystère : le moment est venu, pour lui, de relever un nouveau défi. En six ans, il aura remporté trois titres. Il se place, ainsi, dans la moyenne du Sporting d’Anderlecht qui, depuis un demi-siècle, remporte un titre sur deux.

Heureux que la saison soit terminée ?

LucasBiglia : Heureux qu’elle se soit bien terminée, surtout. L’objectif a été atteint, sur le plan national en tout cas : on est champion. La pression était maximale et cela s’est ressenti durant les play-offs : le titre était une obligation, d’autant qu’en cas de victoire du Bayern Munich samedi il nous assurerait un accès direct aux poules de la Ligue des Champions. Sur l’ensemble de la saison, nous avons démontré que nous étions les plus forts. Sur le plan européen, en revanche, je garde un goût de trop peu. J’ai l’impression que nous n’avons pas donné le maximum contre l’AZ. C’est une leçon à retenir : nous devons respecter tous nos rivaux.

L’absence de Suarez, au coup d’envoi du match aller à Alkmaar, fut-elle décisive ?

Mati était malade, je peux comprendre que l’entraîneur ait pris la décision de ne pas l’aligner car il faut des joueurs à 100 % pour ce genre de confrontation. Néanmoins, nous aurions dû être capables de compenser cette absence.

Pendant les play-offs, il a souffert du genou et cela s’est également ressenti…

Lorsqu’on est privé d’un joueur capable de faire la différence, c’est toujours plus difficile.

 » Mon cas personnel n’est pas important « 

Pour vous-même, la double confrontation contre l’AZ n’arrivait-elle pas un peu tôt après vos problèmes d’épaule ?

Peu importe. Lorsque je dresse le bilan en fin de saison, je ne regarde jamais mon cas personnel. Je pratique un sport collectif et seule l’équipe compte. Pour différentes raisons, on a été éliminé prématurément de l’Europa League.

J’ai surtout tenu ma parole. Lorsque j’ai dû être opéré de l’épaule, Herman Van Holsbeeck aurait voulu que je me fasse soigner en Belgique. Moi, je préférais être soigné en Argentine, car j’ai pleine confiance en mon médecin là-bas. Il a accepté parce que je lui ai promis que je serais de retour le 15 janvier, lors du match contre Bruges. Après une telle opération, il faut théoriquement quatre mois pour redevenir opérationnel. Je l’étais après deux mois. En Argentine, je me suis uniquement efforcé de récupérer la mobilité de mon bras. J’ai très peu travaillé avec le ballon. Par conséquent, j’ai beaucoup perdu sur le plan physique. J’ai recommencé à jouer en sachant que je n’étais pas au top physiquement. Mes prestations personnelles s’en sont ressenties et l’équipe n’a pas toujours répondu à l’attente. Ma confiance en a pris un coup.

Estimez-vous que vos efforts pour revenir rapidement n’ont pas été appréciés à leur juste valeur ?

Les supporters ne sont pas obligés de tenir compte des circonstances. Ce qui compte, c’est ce qu’ils voient : les prestations sur le terrain. S’ils me disent qu’après janvier, je n’ai plus réédité mes prestations du premier tour, je suis d’accord. J’accusais un retard sur le plan physique et j’en étais le premier conscient. Mais tout s’est bien terminé, puisqu’on a été champion. Alors, pour moi, ce n’est que du bonheur. Les critiques, je les assume.

Avez-vous été touché par les critiques ?

Je les ai toujours acceptées… lorsqu’elles étaient formulées de bonne foi. Je suis le premier à faire mon autocritique en sortant du terrain. Ce que je n’accepte pas, ce sont les critiques mal intentionnées.

On voudrait que vous fassiez tout à la fois : que vous récupériez des ballons, que vous adressiez des passes décisives, que vous marquiez…

Mais… moi aussi, je voudrais réussir tout cela !

N’est-ce pas trop pour un seul joueur ?

Non, pas du tout. J’assume mon rôle. Et je travaille pour répondre aux attentes. Cela ne réussit pas toujours. J’assume mes échecs, comme j’assume mon opération et le moment où elle s’est déroulée. La seule chose que je regrette, c’est de n’avoir pas passé assez de temps avec mon épouse et ma fille. Je n’avais qu’un objectif en tête : revenir pour le 15 janvier. Je l’ai atteint.

 » Jacobs est le meilleur entraîneur du pays « 

Ariel Jacobs a aussi été critiqué. Dans son cas également, le travail n’a-t-il pas été apprécié à sa juste valeur ?

L’entraîneur qui remporte le championnat est le meilleur entraîneur du pays, c’est aussi simple que cela. Même s’il travaille dans le meilleur club du pays et s’il possède le meilleur effectif.

Il vient d’annoncer son départ…

C’est dommage. Si cela n’avait tenu qu’à moi, il pouvait rester. Sans hésitation.

Le public s’est-il montré trop dur envers Anderlecht ?

Depuis que les play-offs ont été instaurés, c’est-à-dire trois ans, Anderlecht a été champion à deux reprises avec une belle marge sur ses poursuivants. Selon moi, il n’y a aucune raison de faire la fine bouche. L’an passé, Genk a été champion lors de la dernière journée, en réalisant un partage à domicile contre le Standard, et tout le monde était heureux. C’était un beau champion. Cherchez l’erreur.

C’est la rançon de la gloire pour un club comme Anderlecht…

Nous avons toujours assumé nos responsabilités. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Ici en Belgique, on considère Bruges et le Standard comme des grands clubs. Jamais, cette saison, ils n’ont assumé leurs responsabilités. Jamais, je n’ai entendu leurs dirigeants affirmer que la conquête du titre était une obligation. Nos supporters devraient davantage apprécier ce qui a été accompli. Lorsqu’on a décroché le titre, contre Bruges, j’ai eu l’impression qu’ils ne le savouraient pas. Ils étaient déjà en train de discuter de la saison prochaine, des secteurs qu’il faudrait renforcer pour faire bonne figure en Ligue des Champions, des erreurs à ne plus commettre pour renouveler le titre dans 12 mois.

 » Si l’on critique Anderlecht, que doit-on dire de Manchester United ? « 

Chacun sait qu’à Anderlecht, gagner n’est pas suffisant. Il faut aussi produire du football-champagne.

Je reconnais que, pendant les play-offs, nous n’avons bien joué qu’en trois occasions : à Bruges, à Gand et à Genk. Mais ces trois matches nous ont suffi pour être champion. Par ailleurs, il ne faut pas nous juger uniquement sur les play-offs. Si l’on considère la saison complète, sur dix mois, elle fut excellente. Dans le monde, il n’y a que deux équipes qui jouent tous les matches à un très haut niveau : le Real Madrid et le FC Barcelone. Je n’en vois pas d’autre. Regardez en Angleterre : Manchester United comptait encore huit points d’avance il y a quelques semaines. Et au final, c’est Manchester City qui est champion ! Et nous, on nous critique ?

Avez-vous douté, cette saison ?

Non. Parce qu’on a toujours été maîtres de notre sort. Bien sûr, on aurait pu perdre notre première place lors du déplacement à Bruges, mais on s’est imposé. On nous prédisait aussi le pire également avant notre déplacement à Genk. Là aussi, on a triomphé, et avec la manière en plus.

Pourquoi Anderlecht n’est-il jamais aussi fort que lorsqu’il est dos au mur ?

Anderlecht est préparé à faire face dans les moments difficiles. Lorsqu’on est attendu au tournant, on montre ce dont on est capable.

Pendant ces play-offs, vous avez disputé vos meilleurs matches en déplacement. Y a-t-il une explication à cela ?

Oui : les sifflets du public. Les supporters ont exercé une pression supplémentaire sur nos épaules et nous nous sommes sentis plus à l’aise à l’extérieur.

Le public avait-il raison de siffler ?

Le public a toujours raison. Il juge en fonction de ce qu’il voit, point à la ligne. Je suis le premier à reconnaître que, contre Courtrai, Bruges et même Gand, nous n’avons pas développé notre meilleur football. Mais il est impossible d’expliquer à 25.000 personnes pourquoi nous sommes moins bons.

Avez-vous déjà discuté avec des supporters ?

Non, jamais.

Ce serait peut-être utile, un jour, de vous rendre à une réunion d’un club de supporters pour faire valoir votre point de vue ?

A quoi bon ? Sur le coup, ils répondront certainement :  » C’est vrai, vous avez raison ! » Mais lors du match suivant, si nous avons le malheur de livrer une nouvelle prestation qui ne répond pas à leur attente, ils recommenceront à siffler.

 » A domicile, il y a eu une Suarez-dépendance « 

Le fait que vous bénéficiez de plus d’espaces, en déplacement, peut-il aussi expliquer de meilleures prestations hors de vos bases ?

Les équipes qui se produisent au Parc Astrid prennent généralement des précautions défensives. Face à deux rideaux de quatre joueurs, ce n’est pas simple de trouver l’ouverture. Lorsqu’Anderlecht se déplace, l’équipe locale a également envie de faire bonne figure devant ses supporters et essaie de gagner. Et là, des joueurs comme Mati, Milan Jovanovic ou Dieumerci Mbokani font la différence. Face à des blocs compacts, nous n’avons qu’un seul joueur capable de faire la différence, et c’est Mati.

Cela peut expliquer aussi les difficultés éprouvées contre les sans-grade, comme l’OHL ou Saint-Trond ?

Ces équipes-là viennent toujours disputer leur match de l’année lorsqu’elles se déplacent à Anderlecht. Saint-Trond descend en D2, mais ses joueurs sont heureux parce qu’ils ont réussi un partage au Parc Astrid.

Il y a donc une Suarez-dépendance à domicile ?

Oui, on peut voir les choses de cette manière. Mais on doit composer avec les éléments dont on dispose. Ceux dont on ne dispose pas, on devra les acquérir pour progresser à l’avenir ou travailler avec les jeunes pour qu’ils puissent apporter ce qu’il manque.

Comment expliquez-vous la métamorphose de Suarez, cette saison ?

C’est simple. Lorsqu’il s’est adapté à la Belgique, Mati a retrouvé le niveau qui était le sien en Argentine. Et lorsque l’entraîneur lui a accordé sa confiance, il a démontré qu’il la méritait. Je comparerais le cas de Mati à celui de Lionel Messi à Barcelone. A partir du moment où Pep Guardiola lui a accordé sa confiance, il lui a rendu tout ce qu’il pouvait apporter.

Conquérir le titre avec le brassard de capitaine vous a procuré une saveur particulière ?

Lorsqu’on porte le brassard, il faut pouvoir être à l’écoute de ses coéquipiers, savoir les défendre lorsque le besoin s’en ressent. Et être le capitaine d’un groupe aussi talentueux, c’est un réel honneur.

Pouvez-vous expliquer les raisons qui vous ont poussé à décréter un boycott de la presse ?

D’abord, ce n’était pas un boycott. Un boycott, cela dure plusieurs semaines. Ici, cela n’a duré qu’un match. Nous, joueurs, avions le sentiment d’avoir été privés de Marcin Wasilewski de manière injuste. Au-delà du fait qu’il y ait eu, ou pas, un coup de coude du Polonais, il y a eu ce coup de sifflet de l’arbitre ( NDLR : pour une faute d’un autre joueur, a-t-il prétendu). A partir de là, on ne pouvait plus juger Wasyl sur base des images télés. Des déclarations de notre part n’auraient rien changé à l’affaire. C’était à vous, les journalistes, qu’il incombait de décrire les faits comme ils se sont produits.

Etait-ce aussi pour renforcer l’esprit de groupe ?

Non, pas du tout. L’ambiance a toujours été excellente au sein du groupe. Il n’y a jamais eu de problèmes internes. C’est la raison pour laquelle nous avons décroché le titre : même dans les moments décisifs, nous avons fait bloc. Je joue à Anderlecht depuis six ans et cette équipe-ci est la meilleure dans laquelle j’ai évolué.

 » Khedira est un joueur normal qui joue avec les meilleurs « 

Et maintenant ? vous partez ?

Oui, à la maison ! ( Ilrit)

D’accord, mais était-ce votre dernière interview en Mauve et Blanc ?

Je n’ai jamais caché qu’à mes yeux, le moment était venu de placer la barre plus haut. Je veux découvrir où se situent mes limites. Il est possible que j’échoue. Mais au moins, j’aurai essayé. Je suis confiant.

Pour partir, il faut des propositions…

C’est clair.

Il y a du concret, actuellement ?

Non. On a lancé beaucoup de bruits, mais ce n’étaient que des bruits. Lorsque je serai en Argentine, j’analyserai sereinement la situation. Si je reçois une proposition d’un meilleur club qu’Anderlecht, j’aviserai. En cas contraire, je reviendrai.

Avez-vous reçu, dans le passé, des propositions concrètes ?

Oui. Je ne citerai pas les clubs, mais il y en a eu.

Emanaient-elles de clubs meilleurs qu’Anderlecht ?

Non, puisque je n’y ai pas donné suite.

Vous les avez déclinées ou c’est Anderlecht qui ne vous a pas laissé partir ?

Je les ai déclinées.

A combien situez-vous votre prix de transfert ?

Je ne citerai pas le chiffre, mais il existe une clause dans mon contrat qui précise pour quel montant je peux partir.

Vous exigerez un certain temps de jeu, aussi ?

Cela dépend dans quel club j’évolue. Au Real Madrid, j’accepterais d’être sur le banc ou même de ne jamais jouer. C’est le Real Madrid, évidemment…

Où se situe votre ambition, alors ?

Faire partie d’un grand club, remporter des trophées… et relever des défis. Si je ne joue pas au Real Madrid la première saison, mon défi sera de travailler à l’entraînement pour intégrer l’équipe progressivement. A mes yeux, Sami Khedira est un joueur normal. Un bon joueur, mais un joueur normal, capable de jouer avec les meilleurs du monde. Or, pour José Mourinho, Khedira est indiscutable au Real.

PAR DANIEL DEVOS – PHOTOS: IMAGEGLOBE/HAMERS

 » Nous n’avons pas assez respecté l’AZ. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire