Nomade aux trois passeports

Après la Pologne, le Canada et la Belgique l’ancien attaquant d’Anderlecht vit en Angleterre.

Après un début d’été mouvementé, au cours duquel ses sautes d’humeur avaient quelques fois irrité ses anciens partenaires d’Angleterre, Tomasz Radzinski commence à retrouver la sérénité. Son transfert vers Everton, auquel il aspirait, s’est enfin réalisé. La page bruxelloise est tournée pour lui. « Que se serait-il passé si la transaction avait capoté? Franchement, je l’ignore. C’est vrai que j’étais de mauvaise humeur lors des premiers entraînements d’Anderlecht, mais il y avait de quoi. J’aurais pu commencer depuis belle lurette avec Everton, mais le Sporting n’a cessé de me mettre des bâtons dans les roues. A un moment donné, j’étais fou furieux. Aujourd’hui, ma rancoeur s’est un peu estompée. Mais j’ai peu apprécié la manière dont j’ai été traité. Alors que les deux clubs s’étaient déjà mis d’accord, Anderlecht m’a obligé à renoncer à mon pourcentage sur le transfert. J’estime que le club avait gagné assez d’argent avec la Ligue des Champions pour ne pas vouloir s’approprier, en plus, ma part personnelle. Après tout ce que j’ai apporté au Sporting, j’avais espéré un plus plus de collaboration ».

Tomasz Radzinski n’avait plus l’esprit en Belgique depuis plusieurs mois.

Eviter le flou anderlechtois

« C’est en mars que j’ai pris la décision de quitter Anderlecht. J’ai vu partir Didier Dheedene, Bart Goor, Patrick van Diemen et je me doutais que mon compère Jan Koller suivrait le mouvement. En attendant, peut-être, Alin Stoica. Reconstruire une équipe prend trois ou quatre mois. Je parle en connaissance de cause, car j’ai connu ce phénomène à Ekeren, où l’exode était massif lors chaque entre-saison ».

Il y avait aussi le sentiment d’avoir fait le tour de la question : « En sept années, j’ai tout connu en Belgique. J’ai remporté la Coupe de Belgique avec Ekeren. J’ai enlevé deux titres de champion avec Anderlecht et je viens de vivre une campagne phénoménale en Ligue des Champions. J’ai aussi conquis le titre de meilleur buteur du championnat. Je suis reconnaissant au Germinal et au Sporting pour tout ce qu’ils m’ont apporté. Mais, à un moment donné, il faut se fixer d’autres objectifs. J’estimais que ce moment était venu ».

Tomasz Radzinski a donc pris la direction de l’Angleterre. Au départ, on pensait plutôt que son avenir se situerait en Espagne : « Il y a eu des contacts, mais tous les clubs intéressés ont reculé devant la somme de transfert exigée par Anderlecht. Ils étaient disposés à mettre 220 ou 240 millions sur la table. Pas 400 ».

Finalement, Everton a conclu le marché pour 300 millions. « C’est une somme courante en Angleterre? Peut-être, mais cela reste, quoi qu’on en dise, le deuxième transfert le plus onéreux du Sporting. Anderlecht a fait une bonne affaire. L’an prochain, ma valeur marchande n’aurait plus été aussi élevée ».

Tomasz Radzinski n’a pas perdu au change non plus. « Combien d’argent je gagne en plus qu’au Sporting? Beaucoup! Quand on réalise un transfert, c’est pour progresser à la fois sur le plan sportif et financier ».

Sportivement, Everton constitue-t-il réellement une promotion? Le club ne dispute ni la Ligue des Champions, ni la Coupe de l’UEFA, et l’an passé, il avait dû lutter jusqu’au bout pour assurer son maintien en Premier League. « Qu’on ne s’y trompe pas! », corrige Tomasz Radzinski. « Ici, on dispute un match de niveau européen chaque week-end. On rencontre Manchester United, Arsenal, Chelsea, Liverpool, Leeds, Newcastle et tous les autres dans des stades pleins à craquer. Et si, la saison dernière, Everton a effectivement assuré son maintien sur le fil, il y a des raisons à cela: l’équipe a subi 20 opérations! Paul Gascoigne, à lui seul, est passé cinq fois sur le billard. Je mets au défi n’importe quel club de réussir un bon championnat avec une telle hécatombe de blessés. Pour cette saison, Everton espère se situer aux alentours de la dixième place à la période de Noël, traditionnellement fort chargée en Angleterre et souvent décisive pour l’orientation de la compétition. Après, l’équipe espère éventuellement se mêler à la lutte pour l’Europe. Notre début de calendrier n’est pas facile. Au cours des six premières journées, nous accueillerons Tottenham et Liverpool, et nous nous déplacerons à Manchester United et à Leeds. Mais existe-t-il des matches faciles en Angleterre? »

Le stock de maillots n°8 est déjà épuisé

« Ce qu’on attend de moi? Que je marque des buts, probablement. Pour l’instant, le noyau comporte cinq attaquants. Deux grands gabarits: Duncan Ferguson et Kevin Campbell. Un petit format, vif et rapide: Jeffers. Ainsi que l’Américain Joe Max Moore. Je me suis ajouté au lot. Ma place de titulaire est-elle assurée? En Angleterre encore plus qu’ailleurs, on ne peut jamais être assuré de rien. J’ignore comment je réagirai si je n’étais pas titulaire. On verra à l’autopsie ».

Tomasz Radzinski a en tout cas déjà été adopté. « Au Fan Shop, le stock de maillots avec le n°8 -celui qui sera le mien cette saison- est déjà épuisé. Le stock de lettres qui composent mon nom est également épuisé. La mentalité est différente en Angleterre. Pourtant, je décèle beaucoup de points communs entre les supporters d’Everton et ceux d’Anderlecht. Avant même que je n’ai disputé le moindre match, ils m’ont prodigué leurs encouragements. C’était pareil lorsque j’ai débuté au Sporting. Par contre, les relations avec la presse sont très différentes. En Belgique, les journalistes contactent les joueurs à peu près quand ils veulent. Ici, il faut prendre rendez-vous avec l’attaché de presse plusieurs jours à l’avance pour obtenir une interview. Si je réponds que, ce jour-là, je n’ai pas le temps ou tout simplement pas envie, le journaliste ne doit pas insister: il n’aura pas droit à la moindre déclaration. Combien d’interviews j’ai déjà accordé à la presse britannique depuis mon arrivée? Croyez-le ou non: aucune! Simplement, une petite intervention de cinq minutes à la télévision après un match amical. C’est tout. Franchement, j’ignore quel est le meilleur système. On verra à l’autopsie, lorsque j’aurai droit à certains commentaires dans la presse anglaise ».

Quelles ont été les questions que l’on vous a posées lors de cette interview télévisée? « Les questions habituelles: comment se déroule mon adaptation, etc. Ce que j’ai répondu? (il rit) Banalement, que mon intégration se déroulait sans heurts. C’est la vérité. Cela se passe mieux que je l’espérais. Le seul petit problème est de vivre à l’hôtel, ce n’est pas drôle. Gascoigne loge dans le même hôtel que moi, mais il est encore blessé. C’est une véritable star, ici. Il a suffi qu’il fasse quelques tours de terrain pour être acclamé par tout le stade. Sa famille était ici aussi, récemment. Un gars un peu fêlé, mais très sympathique. J’irai un jour pêcher avec lui, je le lui ai promis ».

Recommencer à zéro

Outre Paul Gascoigne, Everton compte également dans ses rangs le Portugais Abel Xavier, qui avait commis la fameuse faute de main en demi-finale de l’EURO 2000, contre la France. « Je suis déjà allé au restaurant et au cinéma avec l’un ou l’autre de mes partenaires. Mais, en période de préparation, c’est difficile. On n’a pas beaucoup de temps libre et il y a des problèmes administratifs à régler. Récemment, je suis rentré un jour en Belgique pour mon déménagement. Au retour, je n’avais plus mon passeport canadien. Je l’avais glissé dans mon sac à main pour prendre l’avion, mais le préposé à l’enregistrement a estimé que le sac était trop volumineux et m’a obligé de le glisser dans la soute à bagages. Le sac n’est jamais arrivé à destination. Heureusement, j’avais toujours mon passeport polonais. C’est l’avantage d’avoir la double nationalité. Bientôt, j’aurai trois passeports, puisque je devrais recevoir sous peu mon passeport belge. C’est une question de jours ou de semaines ».

Selon Tomasz Radzinski, la ville de Liverpool n’est pas aussi grise qu’on veut bien le dire. Le quartier des docks, complètement restauré, est l’un de ses endroits favoris. On y trouve notamment le musée des Beatles et le Yellow Submarine, un bus touristique jaune qui, après avoir fait le tour du quartier par la route, escamote ses roues pour naviguer dans les bassins. C’est dans ce coin-là aussi qu’on trouve les meilleurs restaurants.

« On m’avait dit pis que pendre de la nourriture mais alors que je suis ici depuis trois semaines, il ne m’est pas encore arrivé une seule fois de mal manger. Le piétonnier, dans le centre-ville, me plaît beaucoup également. Avec tous ses magasins, il me rappelle un peu le Meir, à Anvers. Et puis, le beau temps fut aussi au rendez-vous. Par contre… quel horrible accent ils ont ici! Et les Ecossais, c’est encore pire. Lorsque j’écoute Duncan Ferguson, cela me rappelle la première fois où j’ai entendu parler Yves Vanderhaeghe! »

En permanence légèrement blessé

« Si je suis impatient de voir le championnat commencer? Non, pas vraiment. D’autant que je ne suis pas encore à 100% de ma condition. L’an passé, je n’ai jamais été blessé, mais ici, pendant la préparation, j’ai toujours ressenti une petite douleur. Je n’ai pas joué le premier match amical à Preston, j’ai joué une demi-heure à Burnley et la première mi-temps à Tranmere. Mais les choses vraiment sérieuses doivent encore commencer. Je veux prendre le temps de bien m’acclimater. Car je dois tout recommencer à zéro. A un moment donné, j’étais habitué à une vie de nomade. J’ai quitté la Pologne pour l’Allemagne. Puis, je suis parti au Canada. Je suis arrivé en Belgique. Mais aujourd’hui, après sept ans en Belgique, j’ai assimilé des habitudes de sédentaire. J’ai pris de l’âge, aussi, je ne change plus de vie aussi facilement. Et puis, je conserve vraiment de très bons souvenirs de la Belgique. C’est difficile de se passer de tout cela. Ce qui me manque le plus? Mes amis. En Belgique, ils m’appréciaient pour ce que j’étais. Pas parce que j’étais un joueur de football. Ici, je n’ai pas encore pu tisser un tel réseau de relations ».

Daniel Devos, envoyé spécial à Liverpool

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire