Nom propre

Son transfert a Lokeren avait été réglé pendant qu’il enterrait son beau-père en Gambie.

Seyfo Soley a rejoint Genk in extremis. Malgré les circonstances, le manque de rythme et d’automatismes, le Gambien de Lokeren ne se débrouille pas mal du tout. Avec son 1,95 mètre et ses 86 kilos, il doit conférer plus de puissance à la défense de Genk. Il est le troisième Gambien à évoluer dans un grand club belge, après Sonko (Anderlecht, maintenant aux Pays-Bas) et Ebou (Club Brugeois puis Pays-Bas).

« Il y a encore Gomez Ato qui joue à l’Antwerp et Latif qui est en D3 », ajoute-t-il. « La Gambie est un petit pays mais son équipe nationale comporte 17 professionnels qui évoluent à l’étranger. Là-bas, j’ai joué pour le Hawks Football Club, l’un des trois grands clubs locaux. J’ai été surpris en apprenant l’intérêt de Lokeren, même si je rêvais d’un tel transfert, comme tous les footballeurs africains. Je comptais trois sélections nationales à ce moment. J’étais le cadet mais Sammy Kargbo, qui jouait à Deinze, s’était blessé ».

Vous avez entamé votre carrière à St-Nicolas.

Seyfo Soley : Ce fut un excellent apprentissage car la D3 est plus dure que la D1, plus agressive. Peu de mes coéquipiers ont atteint un niveau supérieur. J’avais obtenu un contrat de trois mois, le temps pour Lokeren de me juger mais au bout d’un mois, on m’a offert un contrat d’un an. Après un bon semestre, j’ai été enrôlé pour cinq ans. C’est Georges Leekens qui m’a repris dans l’équipe fanion de Lokeren. Mon transfert à Genk n’a pas tardé. Je me trouvais en Afrique, pour enterrer mon beau-père, quand Lokeren m’a téléphoné pour m’annoncer qu’il avait réglé mon transfert. Cela allait trop vite à mon gré. Je n’avais pas joué depuis trois semaines, à cause du voyage et d’une blessure, et huit jours plus tard après je devais me produire contre le Sparta Prague. Au bout de 20 minutes, j’ai réalisé que je devais jouer différemment. Heureusement, les autres étaient bien dans le match, faute de quoi nous aurions eu des problèmes. Deux clubs étrangers s’étaient intéressés à moi. Des gens me téléphonent régulièrement pour m’annoncer que des clubs me convoitent mais ils ne veulent jamais citer de noms. C’est typique. Autre filière

La plupart des Africains de Lokeren sont francophones et y sont arrivés via Abidjan. Vous êtes anglophone et vous venez de Gambie. Quels étaient vos contacts?

Difficiles. Au début, je ne parlais pas français et ils se moquaient de moi quand j’essayais de m’exprimer, mais ça n’a pas duré.

Où en est votre néerlandais?

C’est difficile…Sonko le parle mieux mais il est là depuis deux ans.

Vous avez vécu à Hamme, chez Roger Everaert, qui vous considérait comme son fils…

Quand vous débarquez d’Afrique, vous devez tout apprendre. Mieux vaut ne pas vivre seul. A cette époque, St-Nicolas s’entraînait comme Lokeren et non comme la plupart des équipes de D3: même système de jeu, mêmes horaires. Nous devions rejoindre Lokeren, après tout. Roger me répétait que je devais travailler dur. Donc, pendant mes loisirs, je courais et je faisais du vélo. A Lokeren, j’ai appris à surveiller mon poids. Quand j’avais des kilos en trop, je devais les éliminer ou m’acquitter d’une amende. Je continuerai à me comporter de la sorte à Genk.

Vous avez passé quelques années dans une famille belge. Avez-vous changé?

Oui, ce qui est normal en trois ans. Je le remarque quand je retourne en Afrique. Quand j’assiste à un match, je me rappelle que j’ai joué là-bas. Tout le monde veut me voir, passe dire bonjour. C’est gentil, mais à la longue cela devient irritant. J’ai envie d’avoir du temps à moi, de m’entraîner, de dormir, mais c’est difficile. Certaines personnes ne comprennent pas. Il vous téléphonent à trois heures du matin. Parfois, je dois me rappeler que c’est ça, l’Afrique. En Belgique, c’est impensable. Bien que je puisse appeler Syllah à trois heures! Le temps passe trop vite. Quand je veux m’entraîner à cinq heures parce qu’il fait trop chaud à midi, tout le monde débarque et il est sept ou huit heures avant que je l’aie remarqué. Si je leur explique qu’ils doivent venir à telle heure, ils rétorquent: -Ah, il a changé, il a attrapé le gros cou. C’est moi qui rends visite à mes anciens copains de classe. Le problème, c’est qu’ils estiment que puisque j’ai de l’argent, je dois m’occuper d’eux. éa ne marche pas comme ça, même si j’envoie tous les mois de l’argent pour payer les frais scolaires de mes frères et soeurs. Défense à quatre en ligne

Comme Lokeren, Genk joue avec une défense à quatre en ligne.

Il y a peu de différence mais Genk soigne son jeu, même quand il éprouve des difficultés alors que dans ce cas, Lokeren jouait simplement, par longs ballons. Genk continue à combiner.

A Lokeren, on disait aussi que vous aviez besoin d’un soutien mental, pendant le match.

Nous sommes jeunes, nous avons beaucoup à apprendre. Je ferai de mon mieux pour m’améliorer à Genk. C’est important, car on peut encaisser un but si on quitte sa place quelques secondes. Peut-être ce défaut va-t-il s’estomper à Genk. A Lokeren, qui parle, sur le terrain? Vidarsson. Pas Katana ni Zéré. Ici, tout le monde parle. Mais à Daknam, il fallait qu’on me pilote, puisqu’un seul joueur s’exprimait. Genk est plus professionnel que Lokeren.

Comment fonctionnez-vous dans l’axe avec Zokora?

Très bien. Regardez à Lokeren: Conté, Zéré, Coulibali et moi, nous étions tous des blacks mais ça marchait. Lokeren possède d’excellents joueurs et peut terminer quatrième ou cinquième. La saison dernière, Zoundi, Bangoura et moi avons été blessés plusieurs semaines mais l’équipe a continué à tourner. Lokeren a une bonne équipe. Evidemment, Genk représente une étape supplémentaire. Il reste fidèle à son style de jeu, quel que soit son adversaire. Ce n’était pas toujours le cas à Lokeren: si la défense restait identique, l’entrejeu et l’attaque variaient en fonction de l’adversaire.

Pourquoi a-t-il fallu attendre votre transfert à Genk pour apprendre que votre prénom est Seyfo et non Soley?

Je voulais que ça change. J’avais déjà dit à Lokeren que je m’appelais Seyfo Soley et pas Soley Seyfo, mais on l’oubliait tout le temps. Je m’étais juré de rectifier le tir quand je quitterais Lokeren.

Quand un joueur tel que Balakov, que vous avez affronté en Coupe Intertoto, a dit que vous étiez un joueur de niveau européen en devenir. Cela ne doit pas laisser insensible, quand même?

Lors de notre premier match contre Stuttgart, j’ai commis une faute mais je lui ai pris le ballon lors des deux duels suivants. A Lokeren, au retour, ce fut pareil: après une faute, j’ai remporté tous les duels. Après le match, il m’a demandé quel âge j’avais et il m’a dit que j’étais un tout bon joueur, mais j’ai répondu: « Non, j’essaie de le devenir ». Il était étonné que Lokeren soit ma première équipe en Europe et il estimait que je devais viser plus haut.

Raoul De Groote

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