Nolle Badjou, le dernier témoin

En cette période de Coupe du Monde, une rencontre me revient en mémoire : celle de l’ancien portier international du Daring, ArnoldBadjou qui, en 1990, était l’ultime témoin de la sélection des Diables Rouges présente lors de la toute première phase finale du Mondial en Uruguay en 1930. Le Nolle, âgé de 20 ans à peine au moment de l’événement, était numéro 1 dans la hiérarchie des portiers, devant Jan De Bie, son vis-à-vis du Racing de Bruxelles, de 18 ans son aîné. Et, en ces temps reculés déjà, la concurrence n’était pas un vain mot entre l’ancien et le moderne, qui en vinrent même aux mains, un beau jour, en pleine traversée.

Car, à l’époque, il n’était guère question de prendre l’avion pour se déplacer à l’autre bout du monde. Non, cette lointaine expédition se faisait alors en bateau. Et, au départ de notre bonne vieille Europe, la délégation belge n’était pas la seule à embarquer à bord du paquebot, le Conte Verde. La France et la Roumanie étaient du voyage aussi. A tour de rôle, les joueurs de ces trois pays se relayaient d’ailleurs sur le pont principal, histoire d’entretenir leur condition. Il n’empêche qu’au bout de trois semaines, placées sous les célébrations les plus diverses, telles la traversée de l’équateur notamment, certains avaient pris du poids. Comme l’avant lierrois Bernard Voorhoof qui, à l’arrivée, accusait 8 kilos de plus qu’au départ.

Badjou avait disputé sur place les deux matches de nos couleurs contre les Etats-Unis d’abord (défaite 3-0), puis face au Paraguay (revers 1-0). Au total, il allait disputer 34 matches pour le compte des Diables, jusqu’en 1939, avant que la guerre n’interrompe sa carrière. Au cours des hostilités, il resta attaché au Daring avant de se tourner vers l’ABSSA où, durant bon nombre d’années, il défendit les intérêts du club Fleur Bleue. Et ce, jusqu’à ce que la fatalité s’en mêle, puisqu’il resta paralysé des membres inférieurs à la suite d’un choc sur le terrain. Malgré son handicap, l’homme n’aurait raté pour rien au monde un match de son Daring. Pour ce faire, il pouvait compter sur le soutien précieux de son ancien coéquipier chez les Rouge et Noir, Albert Heremans, qui le véhiculait toujours gentiment jusqu’au stade, avant de pousser son fauteuil roulant jusqu’à l’ascenseur menant à la tribune.

Jusqu’au bout aussi, notre doyen fut un supporter invétéré des Diables. Avec un faible pour les keepers, évidemment, et Michel Preud’homme en particulier.  » Entre lui et moi, il n’y aurait pas eu photo  » dit-il.  » Mais face à JeanMariePfaff, j’aurais eu ma chance « …

PAR BRUNO GOVERS

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