Noir, jaune, BELGE

Voici pourquoi Wilmots reste calme après le succès sur les Pays-Bas et ce qu’il reste à faire pour que les Diables Rouges se rendent au Brésil en 2014.

Même s’il a décroché son premier succès en tant que coach national un 15 août, au soir d’une fête religieuse, l’Assomption, Marc Wilmots refuse de monter aux cieux. Il sait mieux que personne lire les progrès et détecter les imperfections à gommer avant les batailles de septembre et d’octobre contre le Pays de Galles, la Croatie et la Serbie. C’est dans deux mois qu’on saura ce que notre équipe nationale a exactement dans le ventre et dans le c£ur.

Prudent, Wilmots a eu raison de déclarer après un 125e choc contre nos voisins et amis du nord :  » Ce 4-2 est bien agréable mais nous ne sommes nulle part. Le vrai challenge, c’est pour bientôt. Pour le Brésil, rien n’a commencé et nous avons toujours zéro point.  » Wilmots est dans le monde du foot depuis trop longtemps pour céder à la griserie après un match amical. N’empêche, le T1 et ses Diables Rouges ont rêvé d’un match-référence : ils l’ont. C’est un acquis, le premier d’une jeune génération qui doit encore mériter son avenir. Cette fois, elle a joint le geste à la parole.

Dix minutes résument bien ce qui s’est passé : de la 56e à la 66e minute de jeu, Wilmots a procédé à des changements stratégiques importants. Au début de ces grandes man£uvres, le score indique 1-2 pour les Pays-Bas qui ont pris le jeu à leur compte après le repos. Jeune coach fédéral, Wilmots a une image d’entraîneur énergique mais pas de fin tacticien capable de bouleverser le cours d’un match en rebattant ses cartes. Là, il a surpris une partie de la presse qui a longtemps estimé que Georges Leekens est plus inventif que lui. Etonnant alors que le Brugeois a échoué avec une génération dorée. La Belgique est en tout cas bien entrée dans l’ère Wilmots.

Un coach jeune qui a autant à prouver que ses jeunes joueurs

Avant ce Belgique-Pays-Bas, il faut remonter au 11 novembre 2011 pour trouver trace d’un succès, 2-1 contre la Roumanie. Neuf mois sans rien à se mettre sous la dent, c’est une interminable traversée du désert. Intérimaire contre le Monténégro (2-2) et en Angleterre (1-0), Wilmots a signé son contrat le 6 juin 2012. Les joueurs ont apprécié ce choix en faveur d’un coach jeune qui a autant à gagner et à prouver qu’eux. Ses différents changements ont eu du rendement contre les Pays-Bas : Kevin De Bruyne à la place de KevinMirallas, Moussa Dembélé pour Eden Hazard, Romelu Lukaku pour Christian Benteke et Dries Mertens pour Nacer Chadli. Les effets sont immédiats sur le terrain. 24 minutes plus tard, la messe est dite : 4-2 !

Changements judicieux pour le film d’un match et, plus important, pour la vie et les richesses d’un effectif. Aucun remplacé n’a démérité. Ils ont usé et étonné les Pays-Bas avant que Wilmots n’injecte une forte dose de fraîcheur et tout s’est déroulé dans une parfaite harmonie. Mertens a joué un rôle essentiel dans ce renversement de situation avec un but et deux passes décisives en quelques minutes. Or, il faut savoir qu’il n’a pas entamé la saison de façon retentissante au PSV Eindhoven. Wilmots a trouvé les mots justes pour le relancer. Le coach a déjoué facilement les plans de ceux qui entendent opposer Hazard et Mertens. Le Londonien a travaillé mais sans plus. Ses débuts de saison ne sont pas souvent tonitruants et il doit digérer son passage à Chelsea.

Wilmots a un système de jeu, pas de 11 de base fixé pour l’éternité. C’est ce qui lui a permis de se passer de quelques joueurs de base : Vincent Kompany et Marouane Fellaini en tête, ce qui n’est pas rien. Et c’est là que le travail mental de Wilmots entre en jeu. Il est toujours certain de trouver des solutions et de tout faire pour gagner. Daniel Van Buyten a été rappelé à la rescousse et a bien remplacé la star de Manchester City aux côtés de Thomas Vermaelen avant de céder sa place au repos à Toby Alderweireld pour cause de blessure. L’axe Kompany-Vermaelen a tout l’avenir devant lui mais Wilmots a des alternatives et le fidèle Big Dan en est une. Wilmots a avancé dans d’autres domaines où il dispose aussi de plus d’une solution. C’est le cas en ce qui concerne le gardien de but. Thibaut Courtois a pris le pas sur Simon Mignolet mais Wilmots n’a pas encore choisi son titulaire.

Witsel a bien négocié 29 de ses 31 passes : impressionnant !

La leçon essentielle provient probablement de la ligne médiane face à celle de cette équipe des Pays-Bas, affligeante sur les terrains de l’EURO 2012 mais finaliste de la dernière Coupe du Monde, il ne faut pas l’oublier. Sans Fellaini, Wilmots a misé sur un trio central qui a tenu la route : Chadli- Steven DefourAxel Witsel. Defour a effectué un immense boulot de récupération devant la défense et en marquage sur Wesley Sneijder. Il y a quelque chose de différent dans le chef de Defour. Wilmots l’explique par le fait que l’ex-Standardman a effectué cette fois toute la campagne de préparation à Porto où il est titulaire. Il y a un an, le même Defour a vécu la période délicate des joueurs dans l’attente d’un grand transfert. Tout cela est dans son dos et Wilmots a raison de miser sur ce grand travailleur, qui balaye comme personne devant la défense. Willie l’a relancé dans ce rôle avec une idée en tête : reformer le trio Defour-Fellaini-Witsel, qui a fait fureur au Standard.

Avec Defour derrière eux, Fellaini et Witsel ont une bonne assurance tous risques. Le sélectionneur ne s’accroche à aucune formule mais il entend profiter de tout ce que ces trois joueurs ont acquis à l’étranger. Ce ne sont plus des bleus et ils captent bien le discours de Wilmots, chaleureux mais plus concret et direct que Leekens. Le temps des mises en scènes et des cachotteries est terminé. Plus de cinéma et de chiqué. Cette époque est révolue et Wilmots a tourné cette page en quelques mois. Il faut croire que cela a de l’effet. Même s’il a surtout été question de Defour et Mertens, la palme revient à Witsel. Une fois de plus, et c’est normal, le coach ne parle que du collectif mais la classe du milieu de Benfica a fait la différence au c£ur du jeu. Il a frisé la perfection face aux Pays-Bas. Dans tous les coups, le Liégeois travaille, récupère et construit son jeu avec maestria. Il est présent dans les duels et percute. La Belgique n’a plus disposé d’un stratège aussi fin depuis Enzo Scifo. Axel a régné et les chiffres en disent long sur la qualité de sa production : il a bien négocié 29 de ses 31 passes, c’est impressionnant, la classe, on ne peut tout simplement pas se passer de lui.

Witsel est la plaque tournante d’une équipe qui joue à la Wilmots : attaquer mais être intelligent et mettre son bleu de travail à la récupération. Là, il faut se battre et se faire respecter comme des hommes. Leekens n’est pas parvenu à donner du caractère aux Diables Rouges, Wilmots y est arrivé en trois matches seulement. Il ne les lâchera plus après ce qui a été prouvé contre la bande à Louis vanGaal. Les statistiques prouvent que les Belges ont gagné plus de duels défensifs (96-90) et offensifs (74-59) que les Néerlandais. Wilmots a probablement apprécié ces chiffres. On ne joue plus avec les pieds des Diables Rouges. Les artistes sont devenus des compétiteurs, des hommes. Ils ont du punch, de la grinta. C’est nouveau et important. Cette équipe respire l’enthousiasme, à l’image de Mertens ou de Benteke et de Lukaku. Si le premier confirme à Genk et si l’autre joue régulièrement à West Bromwich Albion, le problème de l’homme de pointe est résolu.

Hazard n’a pas tiré une seule fois au but.

Le public a parfaitement deviné ce qui se passe sous la nouvelle direction. Cette équipe est pétrie de classe européenne mais a compris qu’il est temps de forger des résultats. Cela passe par le Brésil ou cela casse, c’est aussi simple que cela. Wilmots a trouvé le dash, les mots, l’impact et la stratégie qui s’imposent. Mais il sait faire la part des choses entre un match amical et les rencontres qui nous attendent à Cardiff, contre la Croatie et à Belgrade. Ce seront d’autres paires de manches que face à un Van Gaal effacé par rapport à Wilmots. Wilmots a tout vécu à fond et Van Gaal a semblé aussi dépassé que Leekens, démodé, plus dans le coup.

La victoire contre les Pays-Bas n’aura servi à rien si les Diables ne haussent pas aussi leur niveau de jeu lors de leurs trois prochains matches. L’enjeu change forcément la donne. Tout le monde rêve d’aller au Brésil, les Croates, les Ecossais et les Serbes aussi. Il reste du pain sur la planche. Ainsi, Guillaume Gillet n’a pas toujours été à l’aise au back face aux débordements néerlandais et il reste des réglages à faire dans son secteur. Son placement a parfois été hésitant ou pas assez judicieux. Avant l’entrée au jeu de Mertens, la reconversion offensive a parfois été lente. Or, c’est quand ils ont contre-attaqué rapidement contre les Néerlandais que les Belges ont fait la différence. Cela pose le problème Hazard en perte de confiance et qui n’a pas tiré une seule fois au but. Il a des soucis à Chelsea où les critiques ne sont pas bonnes pour lui en ce moment. Le prodige est dans le trou et Wilmots ne peut forcément aligner que des joueurs en forme. Que peut décider Wilmots si Hazard ne joue pas en Angleterre ? Peut-il se passer d’un tel talent ? C’est une question importante et la réponse appartient d’abord à Hazard. Wilmots peut s’attendre à d’autres soucis. On connaît d’avance le genre de combat qu’imposent toujours les Gallois. Chez eux, on va au charbon.

Wilmots a également pour mission de déjouer les plans de deux autres jeunes coaches nationaux : Igor Stimac et Sinisa Mihajlovic. Stimac, qui vient d’entrer en fonction, est un peu contesté en Croatie après la défaite en amical contre la Suisse. Mais il ne s’agissait que d’une entrée en matière et, au vu de son excellent EURO, Wilmots sait que la Croatie sera plus dangereuse que les Pays-Bas à Bruxelles. A Belgrade, Mihajlovic prépare les plans d’une nouvelle équipe nationale. Wilmots, Stimac et Mihajlovic ont été de grands joueurs : qui est le meilleur coach ? Les supporters des Diables attendent une réponse en noir, jaune, belge.

PAR PIERRE BILIC

Wilmots a déjoué facilement les plans de ceux qui entendent opposer Hazard et Mertens.

Les Belges ont gagné plus de duels défensifs (96-90) et offensifs (74-59) que les Néerlandais.

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