Ni qualité, ni caractère ! « 

Quelles peuvent encore être les ambitions des Brugeois ? Ses anciens joueurs répondent.

Jos Volders (183 matches entre 1974-1982, 5 titres)

 » Le talent individuel existe, mais il n’y a pas d’équipe. En plus, les joueurs ne possèdent plus les qualités ancestrales du Club : engagement, solidarité, caractère. Aucun d’entre eux ne parvient à me convaincre sur 90 minutes de jeu. Trop de nonchalance, de suffisance. C’est peut-être cela la mode actuelle : je vois des footballeurs pétris de possibilités pour briller sur le terrain mais avant tout préoccupés par leur look en-dehors et leurs gadgets électroniques…

Défensivement, Bruges prend trop de buts. Pour ma part Antolin Alcaraz est une grande perte. L’an dernier, Carl Hoefkens se bonifiait à ses côtés. Ce n’est plus le cas. J’estime que le Paraguayen avait surtout joué une excellente campagne européenne. Ne pas oublier que Bruges a passé l’hiver l’an dernier. D’accord, Alcaraz commettait de petites fautes, mais il avait de la présence, un bon jeu de tête et possédait une relance intelligente.

Peter Van der Heyden, Junior Diaz, Marcos Camozzato ? Je les considère tous comme des footballeurs de second rang. Bruges a transféré des défenseurs qui n’avaient déjà plus leur place ailleurs. Comment justifier cela ? Marcos est plus fort offensivement que défensivement : bon centre et beaucoup de qualités qui s’exprimaient évidemment mieux aux côtés des solides MohamedSarr et OguchiOnyewu. Ici, il a révélé des insuffisances défensives.

Je regrette aussi le manque d’équilibre dans l’entrejeu. Odjidja n’est pas un médian défensif. Karel Geeraerts non plus d’ailleurs. IvanPerisic joue une fois à gauche, une fois au centre. Cela fait des années que le club cherche son équilibre au milieu. En une saison on s’était débarrassé d’une demi-équipe : RobertSpehar, David Rozehnal, Van der Heyden, Timmy Simons, Nastja Ceh. On a ensuite effectué de mauvais transferts et Jan Ceulemans s’est retrouvé avec les pots cassés. Le changement a été beaucoup trop brusque et le club en paie toujours les frais. Depuis, il n’y a plus eu d’entrées valorisantes, tant sur le plan sportif que financier.

Bruges peut au mieux espérer le top 3. Les attaquants s’avèrent également insuffisants. Dorege Kouemaha est trop irrégulier. Idem pour Joseph Akpala. Colin Coosemans est un bon gardien mais je crains qu’il ne soit trop petit. Bref, à tous les niveaux, Bruges arrive un peu trop court. Le club a pourtant beaucoup investi dans son Academy qui devrait produire chaque année un joueur pour l’élite.

Un changement d’entraîneur n’est toujours pas à l’ordre du jour, mais Bruges aurait dû engager Hugo Broos comme manager sportif. On pouvait reprocher à Luc Devroe de mauvais transferts mais aussi des fautes structurelles. Il travaillait trop en individuel, à son gré, avec des agents. « 

Roger Van Gool (68 matches entre 1974-1976 )

 » Bruges ne possédait pas assez de qualités pour devenir champion, mais reste quand même une équipe du top 5 voire du top 3. En revanche, ce n’est pas à cause du manque de qualité que l’équipe est à ce point versatile, une fois bien, une fois mal. Alors à cause de quoi ? De l’entraîneur ? Non, s’il le savait il y a longtemps que le problème serait résolu. De la mentalité ? Peut-être, car l’entraîneur ne peut rien faire à cela ! Il est impossible de voir dans la tête des gens. Quand un joueur affirme qu’il fait mentalement tout ce qu’il faut, allez donc prouver le contraire. Aborder un match soi-disant facile contre une équipe moins bien classée engendre souvent une certaine suffisance.

Actuellement, les footballeurs sont tellement gâtés. A la moindre critique, leur manager leur cherche un autre club ! Gert Verheyen fait d’excellentes analyses et voyez les critiques qu’il doit endurer. Odjidja ne doit pas réagir par voie de presse. Il doit répondre sur le terrain : – Nom de dieu, Verheyen, je vais te montrer ce dont je suis capable. Jadis, Ernst Happel m’a également mis sur le banc alors que j’estimais pourtant que Julien Cools jouait tout aussi mal que moi. Mais l’Autrichien ne lui disait rien. Parce que Jules supportait moins bien une mise à l’écart. Moi, oui, cela m’incitait à me déchaîner. Et le match suivant contre le Standard je marquais deux buts. C’est ainsi qu’un footballeur doit réagir.  »

Luc Sanders (154 matches entre 1969-1974, 1 titre)

 » En octobre dernier, j’ai quitté le club en cours de saison en situation conflictuelle à propos du scouting. Il y a quelques années j’ai également entraîné les Espoirs avant que Gert Verheyen ne prenne le relais. Après le départ de Trond Sollied en 2005, les choses se sont sans cesse aggravées. Ceulemans en a été la victime. Il a accepté le défi. Mais on a exigé de lui qu’il obtienne les mêmes résultats avec des moyens considérablement réduits. C’est impossible et, depuis, une seule constante subsiste : l’irrégularité dans les prestations.

En fait, il s’agit d’une équipe jeune, qui possède du talent, mais aussi une mentalité très fragile, avec des joueurs très vite satisfaits d’eux-mêmes. Le clash Verheyen-Odjidja l’a bien montré. En réalité c’est d’un leader, un meneur de jeu qui en impose à tous, dont l’équipe a besoin. Parallèlement, je me demande si un tel pouvoir d’influence existe encore. Qui écoute encore qui ? N’est-ce pas la mentalité générale qui a changé dans le football ? Il ne faut pas oublier que le succès de Sollied était aussi celui du vestiaire. Sollied était relativement indulgent en matière de discipline. Quand il fallait corriger certaines choses, la correction venait souvent des joueurs eux-mêmes dans le vestiaire. Est-ce encore possible aujourd’hui ?

D’autre part, la direction a longtemps refusé d’élargir le scouting. Mais ce n’est plus mon problème. En revanche, je constate que des clubs comme Gand ou Courtrai ont fait cet effort et nous dépassent à présent. « 

Julien Cools (172 matches entre 1973-79, 3 titres)

 » C’est difficile à dire : mais avant c’était mieux. En revanche, pour ces messieurs footballeurs c’est plus facile aujourd’hui… plus facile de partir, grâce à tous ces managers qui tournent autour. D’où un carrousel permanent. Jadis le Club Bruges était reconnaissable à son style bien particulier, entretenu par les mêmes titulaires. A présent on change trop ! Je crois que c’est pour contenter tout le monde. Qu’on laisse un peu Adrie Koster aligner la même équipe durant un certain temps. Sous Sollied, chacun connaissait sa tâche, son rôle en possession du ballon et en perte de ballon.

J’estime qu’on n’apporte pas grand-chose en attaque et qu’on manque d’appels en profondeur sans ballon. Trop de joueurs exigent le ballon dans les pieds avant d’agir et trop peu exploitent l’espace. Autre constat : les déficiences de la défense en zone, cause de beaucoup de revers. Je sais, c’est moderne. Et je ne plaide pas pour le retour du libero, mais voyez comment étaient constituées les défenses avant, également à Ajax, dont Koster dit pourtant s’inspirer : Jaap Stam prenait l’homme et FrankDe Boer le couvrait. Voyez aussi les paires Leekens-Krieger ou Meeuws-Millecamps : les rôles étaient bien définis. Daan Van Gijseghem apporte un peu plus de vitesse et de sûreté, mais il n’est pas RolandJuhasz. Il n’y a aucun défenseur brugeois qui inspire la peur. La bonne relance fait également défaut. Sûr que Koster souhaite mieux. Et les jeunes issus du Club ? Je crois que tous sont un peu légers…  »

Alex Querter (304 matches entre 1982-1993, 3 titres)

 » L’équipe ne prend pas assez de points en déplacement et le bilan à domicile peut également être amélioré. J’estime que l’équilibre entre footballeurs de caractère et joueurs techniques est souvent déficient. Puisqu’on compare avec le passé, un bon équilibre s’obtenait jadis avec 7 joueurs de caractère et 3 techniciens. A présent, on observe souvent un rapport 5-5. Il ne faut pas non plus toujours partir de sa propre force présumée. Bruges doit également adapter son jeu en fonction de l’adversaire. J’aimerais aussi voir deux attaquants plus centraux. Kouemaha et Akpala doivent trop souvent plonger sur les flancs et manquent dès lors de fraîcheur dans les 16 mètres. Il faudrait alors aussi modifier l’entrejeu en conséquence.

Je n’étais pas non plus partisan d’un changement d’entraîneur. Koster a sans doute parfois des visions discutables, mais a-t-il eu son mot à dire dans les transferts ? Il doit travailler avec le matériel qu’on lui offre… « 

Willy Wellens (157 matches entre 1981-1986, 1 titre)

 » Ils peuvent mieux faire qu’ils ne montrent. C’est une question de confiance, de mentalité aussi. Un joueur comme Odjidja, par exemple, doit être remis à sa place. Par rapport à l’an dernier, il y a régression. Les transferts n’ont pas été heureux. Jamais, Bruges n’aurait pas dû céder WesleySonck, toujours capable de marquer un but. L’élargissement de la cellule de scouting a longtemps été un sujet de discussion et aujourd’hui, le Club accuse du retard dans ce domaine. J’ai fait partie de la cellule il y a une dizaine d’années. Déjà à l’époque, pour obtenir un rendement efficace, il aurait fallu y mettre le prix. Et ne pas se contenter d’offrir un coca-cola aux bénévoles. Tous les quinze jours, il y a 25.000 spectateurs au stade Jan Breydel. Formidable ! Pour voir quoi ? Ces gens méritent beaucoup mieux.  »

PAR PETER T’KINT

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