NI COPPENS NI CRUIJFF !

Petit cours d’histoire footballistique, nécessaire depuis l’offrande deLeo Messi à Luis Suarez à la Saint-Valentin contre Celta Vigo (6-1) : car j’ai ouï deux bêtises sur ces penaltys-passes ! Petite bourde d’appeler ça penalty en deux temps, ou à la Johan Cruyff : en 1982 pour l’Ajax et avec Jesper Olsen, le Hollandais ne fut comme Messi qu’un pratiquant occasionnel plus célèbre qu’un autre ; le geste eut lieu contre Helmond Sport (5-0), et ce fut un penalty en TROIS temps, Cruyff mettant le cuir au fond après passe à Olsen et remise de celui-ci. Quand le score est plus étriqué, c’est moins fastoche et plus risqué : Thierry Henry et Robert Pires s’y sont plantés en 2005 lors d’un Arsenal-Man City (1-0) !

Seconde bourde, plus grosse et chauvine : le véritable inventeur serait belge, Rik Coppens ayant réussi cela avec Popeye Piters en 1957 contre l’Islande (8-3)… pour le but du 7-1 juste avant la mi-temps (et de nouveau en trois temps) ! Sorry, chers compatriotes, c’est peut-être le plus ancien document du genre disponible sur le Web, mais ce n’est pas une invention de notre premier Soulier d’Or ! C’est seulement une réminiscence, aujourd’hui rare et folklorique, d’une pratique née en 1891 lors de l’instauration du penalty : pratique alors régulière et fonctionnelle, car elle pouvait être plus efficace que le botté en un temps ! Je sais, ça vous en bouche un coin, mais regardez les deux schémas…

Le second donne le tracé de terrain en 1902, et c’est quasi le tracé actuel. Comparez au tracé de 1891, date où le Board instaure le penalty-kick, mais sans qu’il soit déjà question de point de penalty : sur toute lalargeur du terrain, est tracée une ligne continue à 12 yards (10m97) du but. A l’intérieur de ce rectangle, une faute intentionnelle entraîne désormais un penalty : il se botte en retrait de l’endroit de la faute, sur cette ligne des 12 yards, l’endroit pouvant donc varier. Le botteur est ainsi seul face au gardien, mais pas forcément dans l’axe du but ; tous les autres joueurs doivent rester 6 yards (5m48) au moins derrière le ballon, c’est-à-dire derrière la ligne discontinue ; quant au gardien, il peut se mouvoir à l’intérieur d’une surface qui n’est pas encore un petit rectangle : tracée via deux arcs de cercle entrecroisés à 6 yards de chaque poteau, c’est comme… je laisse libre cours à vos imaginations !

Et reconstituons la phase : plus le penalty est excentré, plus il gagne à être joué en deux temps, davantage si affinités : le botteur est alors passeur, sa passe en avant sollicite un équipier plus axial, posté aux 6 yards en arrière, qui surgit pour tenter de conclure, en même temps que surgissent des opposants ! Ça a duré une dizaine d’années, et ça a dû être un peu le boxon : car en 1902, le Board trace la surface de réparation que nous connaissons ainsi qu’un austère petit rectangle, et décide d’un point de penalty fixe (*). Le texte de loi, qui maintient qu’un penalty peut être marqué directement, a subsisté jusqu’à nos jours : voilà pourquoi le penalty actuel n’est pas frappe directe imposée. Le péno-passe est une survivance, un élément de folklore, tenté depuis plus d’un siècle pour le fun, quand les circonstances semblent le permettre…

(*) dès 1905, le gardien devra rester sur sa ligne !

PAR BERNARD JEUNEJEAN

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