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New Kids on the Block

Comme toujours, on attend beaucoup de l’Angleterre. Mais comme ça fait des décennies qu’elle nous déçoit, la modestie s’impose. L’espoir repose à présent sur les épaules d’une jeune génération.

Lors de sa première théorie en tant que sélectionneur fédéral, en mars 2017, Gareth Southgate a montré aux internationaux anglais les images les plus sombres de sa carrière d’international. En 1996, à Wembley, l’Angleterre était éliminée aux tirs au but par l’Allemagne en demi-finales du Championnat d’Europe. Southgate avait complètement loupé son envoi et le gardien Andreas Köpke n’avait eu qu’à se saisir tranquillement du ballon.

Cela fait 22 ans que les champions du monde 1966 ne sont plus passés aussi près d’un titre. À chaque grand tournoi, on attend les stars anglaises mais elles échouent inévitablement. C’est arrivé aux équipes de David Beckham, Steven Gerrard, Frank Lampard, Paul Scholes et Wayne Rooney.

Lorsque Rooney a pris sa retraite, quelques mois après l’échec des Anglais au dernier EURO en France (élimination face à l’Islande en huitièmes de finale), les Anglais sont repartis de zéro. D’abord sous la direction de Sam Allardyce mais celui-ci a été rapidement limogé. Southgate, qui entraînait les Espoirs, a alors pris le relais. Les premiers signaux sont positifs. Au cours des deux dernières saisons, les joueurs importants de la nouvelle génération sont devenus décisifs en Premier League. Les succès récents des équipes d’âge sont prometteurs également. Cette Coupe du Monde arrive cependant peut-être encore un peu tôt.

Marcus Rashford est plus sûr d’avoir sa place en équipe nationale qu’à Manchester United.

Arme secrète

Eric Dier (24 ans), Dele Alli (22 ans) et Harry Kane (24 ans) sont trois des joueurs déterminants de cette jeune génération. Ce n’est sans doute pas un hasard s’ils évoluent tous les trois sous la direction de Mauricio Pochettino, dont Southgate affirme qu’il est  » l’arme secrète  » des Anglais. Dans un championnat où il est pratiquement impossible d’échapper à une politique à court terme, le manager argentin de Tottenham constitue une exception. Il accorde beaucoup d’importance à la post-formation des jeunes talents, ce qui fait de lui le fournisseur principal des Three Lions.

En octobre 2017, Harry Winks devenait ainsi le quinzième des trente derniers débutants en équipe nationale à avoir travaillé avec Pochettino. C’est dire la valeur que le Sud-Américain représente pour le football anglais mais cette dépendance démontre aussi l’ampleur du problème : comment un jeune talent anglais peut-il encore s’affirmer en Premier League lorsque même le plus petit club est capable de dépenser plus de 10 millions d’euros pour acquérir un joueur qui ne fera que compléter le noyau ?

Lorsqu’il entraînait les U21, déjà, Southgate avait constaté que ses jeunes joueurs cherchaient leur place en Premier League. À l’époque, Dier, Kane et Alli n’étaient pas les plus prometteurs. Kane était souvent sur le banc ; Dier, formé au Sporting Lisbonne, n’était que rarement repris ; et Alli, formé au MK Dons, n’avait été repris que deux fois, après que Tottenham l’eut acheté pour moins de 7 millions. Mais eux ont reçu une chance en Premier League et ils l’ont saisie à deux mains tandis que d’autres internationaux plafonnaient.

Pour Pochettino, les moyens financiers des clubs nuisent à l’évolution des jeunes.  » En France, en Espagne, en Allemagne, au Portugal, en Argentine et au Brésil, les clubs survivent en vendant des joueurs de 17, 18 ou 19 ans après les avoir fait jouer. Ici, il faut être fou comme nous pour vouloir donner une chance aux jeunes « , disait, en conférence de presse, Pochettino, qui suit l’exemple de SirAlex Ferguson à Manchester United.

Fuite

Aujourd’hui, les jeunes de Manchester n’ont plus guère d’espoir. Jesse Lingard et Marcus Rashford sont actuellement les fleurons de la formation des Red Devils mais, la saison dernière, Rashford était plus sûr de sa place en équipe nationale que dans l’équipe de José Mourinho. À Manchester City, c’est encore pire. Seul le défenseur central Phil Foden (17 ans) a percé mais, pour se faire une place, il doit lutter contre plus de cinq joueurs transférés.

Si Foden a décidé de tenter sa chance malgré tout, il en va autrement de Jadon Sancho. Ces deux joueurs étaient considérés comme les éléments les plus talentueux du centre de formation de City. Ils faisaient partie de l’équipe nationale U17 devenue championne du monde en octobre dernier mais l’été passé, Sancho a refusé un gros contrat à City pour s’en aller au Borussia Dortmund où, en deuxième partie de saison, il est devenu titulaire. Il n’est pas le seul. Reece Oxford (Borussia Mönchengladbach) et Ademola Lookman (RB Leipzig) ont également été prêtés en Allemagne, où ils espèrent avoir plus de temps de jeu.

Dele Alli, l'un des cinq Spurs de la sélection.
Dele Alli, l’un des cinq Spurs de la sélection.© BELGAIMAGE

Après une année 2017 formidable, au cours de laquelle les Anglais ont remporté les Championnats du Monde U20 et U17, l’EURO U19 et le prestigieux Tournoi de Toulon, personne ne peut nier que l’Angleterre a du potentiel. Tout a commencé à St George’s Park, le centre national de formation qui a ouvert ses portes en 2012 et a coûté 120 millions d’euros. À la demande de Greg Dyke, alors président de la fédération, une horloge digitale y a été installée. Elle décompte le temps qu’il reste avant le coup d’envoi de la finale de la Coupe du Monde au Qatar, l’objectif que les Anglais se sont fixé. Après la malheureuse élimination face à l’Islande à l’EURO, la fédération a quelque peu tempéré les attentes mais, si l’équipe A doute, les jeunes continuent à progresser.

Flexibilité tactique

On constate de plus en plus que l’équipe nationale peut également profiter de la puissance de la Premier League. D’un point de vue tactique, les Anglais se montrent de plus en plus flexibles et Southgate parvient à passer rapidement d’un système à l’autre. Face aux petits pays, il est probable qu’il évoluera en 4-2-3-1, comme les Spurs de Pochettino. Cela offrira des certitudes à Kane et Alli tandis que Raheem Sterling pourra évoluer à sa meilleure place, celle d’ailier droit.

Mais depuis leur qualification pour la Coupe du Monde, les Anglais jouent systématiquement avec trois défenseurs centraux et des arrières latéraux offensifs, à l’image du Chelsea d’ Antonio Conte. L’influence des grands entraîneurs est visible. C’est ainsi que le marathonien Kyle Walker est devenu beaucoup plus polyvalent après avoir travaillé pendant un an sous la direction de Pep Guardiola et que les arrières s’appliquent désormais à construire, à l’image de John Stones, un des pions les plus importants des Citizens. L’équipe d’Angleterre est un cocktail de Man City et des Spurs, avec un zeste de Man United, Liverpool et Chelsea.

La différence entre les grands clubs de Premier League et l’équipe nationale est claire : The Three Lions n’ont pas un meneur de jeu comme David Silva, Kevin De Bruyne, Christian Eriksen, Mesut Özil ou Cesc Fàbregas, des joueurs capables de trouver des ouvertures que seuls eux voient et d’isoler un équipier devant le gardien. Celui qui répond le plus à ce profil est Adam Lallana mais le joueur de Liverpool a été blessé et il reste sur une mauvaise saison. S’il ne joue pas, il faudra compter sur Jordan Henderson pour mettre Alli et Sterling sur orbite, mais il évolue plus en retrait.

Scepticisme

C’est la sixième fois consécutive que l’Angleterre remporte son groupe de qualification pour la Coupe du Monde. Sa dernière défaite en phase préliminaire remonte à 2009. Pourtant, lors du tournoi, ça se passe toujours mal et, dès lors, le scepticisme règne. C’est contre cet héritage que cette génération talentueuse devra se battre. Sterling est devenu une des stars de l’équipe championne d’Angleterre, Kane a de nouveau inscrit plus de 25 buts en Premier League et, lorsqu’il est en forme, Alli est un des meilleurs joueurs du monde dans sa catégorie d’âge. Ils constituent les raisons d’espérer mais, dans le même temps, en équipe nationale, ils ne peuvent pas compter sur leurs adjoints les plus précieux. Ni sur un entraîneur expérimenté.

Par contre, Southgate connaît la douleur que ressentent ceux qui échouent au moment fatal. Et il sait que les séquelles ne s’effacent jamais.

Peu de buts

En Russie, les Anglais ne remporteront pas le prix du public. L’équipe de Gareth Southgate ne marque pas assez pour cela. Lors de la phase qualificative, elle n’a inscrit que 18 buts en 10 matches. Seule l’Islande a fait moins bien.

C’est pourquoi Wembley n’a pas explosé de joie lorsque, le 6 octobre dernier, l’Angleterre s’est qualifiée pour la Russie en battant la Slovénie (1-0). L’équipe a même été critiquée et, dans The Times, Southgate a défendu ses joueurs :  » Cela fait des décennies que les gens sont déçus mais ce groupe est bien moins expérimenté que les équipes précédentes. Il faut le soutenir, laisser une chance à ces jeunes.  »

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