Neutre et insulté!

Je reviens sur cet Anderlecht-Standard que l’un a gagné sans avoir montré plus que l’autre. En préambule de ce que je m’en vais vous narrer, je dois rappeler qu’être farouche supporter m’a passé en même temps que l’acné, a long time ago: et que j’aime le jeu en général davantage qu’un club en particulier. S’il m’arrive par moments de retomber en supportarisme, c’est dans trois cas précis: le petit club que j’entraîne si j’entraîne, les Diables parce que c’est comme ça, …et ce club fictif dans ma tête qui s’appelle STANDERLECHT et joue en mauve et rouge! « Standerlecht » est comme une fiction de fidélité à l’enfance, un amour de joutes ancestrales; comme s’il était impossible d’avoir aimé le recto sans finir par aimer le verso, comme si je m’instituais par là Supporter de l’Histoire!

Donc, voici dix jours, quand je m’installe pour suivre ce match recto-verso, je suis aussi neutre que la Suisse et Ponce Pilate réunis, et je sais que je le resterai quoi qu’il arrive. Je suis pour une fois installé près d’un point de corner, à une extrémité basse de la Tribune I. Sous moi, les flics et les fliquesses. Ils ne sont pas précisément là pour me flicasser mais parce que, juste à ma droite, derrière la ligne de but et contigu à mon coin de tribune, il y a le bloc réservé aux supporters visiteurs: a priori mes frères, comme tous ceux de ma tribune à moi, vu que je n’arrive pas à croire que le foot puisse être la guerre… Mais ça ne semble pas l’avis d’un noyau dur en déplacement, qu’il soit rouge, rose ou mauve: si tu n’es pas parmi eux, c’est que tu es contre eux! Contre eux, donc insultable! Et voilà donc que moi, gros veau benêt de neutre placé là par hasard, je me retrouve honni comme du pus durant 90 minutes: honni en compagnie de tout un coin de tribune paisible à 99%, le 100ème % -provoqué- ne pouvant s’empêcher de répondre du doigt aux doigts continuels de ceux juste à côté. Doigts à deux variantes: soit tendance/Heil (index tendu, au bout de bras brandis synchrones), soit tendance/Sodome (médius levé vers le ciel, en alternance bras gauche/bras droit).

Ces gars du noyau dur pratiquaient avec maestria le strabisme divergent : un oeil vers le match, un oeil vers l’ennemi voisin. J’ai essayé aussi, mais je me suis vite dit que j’allais me déglinguer l’appareil oculaire: vu qu’ils m’empêchaient de bien regarder le match, je les ai donc regardés m’insulter, …on a le spectacle qu’on peut! Je les ai aussi écoutés, pour finir par retenir deux injures à répétition.

La première, pleine de grâce, c’était: « Bruxelles, on t’enc…! » Là, n’étant pas Bruxellois, je n’ai pas trop souffert, mais j’ai eu mal pour Manneken Pis et tous les gens paisibles qui étaient mes voisins. La seconde, scandée jusqu’à plus soif en regardant vers moi, c’était « Public de m…! »: ils l’ont tellement hurlée que j’en avais jusqu’au cou au coup de sifflet final! Sorry, les Rouches, on n’est pas merdique sous prétexte qu’on n’est pas parmi vous! J’ai beau vous savoir moins sanguinaires que vos grands airs de fauves en cage, là, c’était nul, c’était de la haine pour faire du dégât. C’était nul même si c’est banalisé, même si la provoc est passée dans les us. Même si, désormais, faut salir nominalement les mères de footballeurs pour parvenir à choquer la presse spécialisée.

Près de moi, j’en ai entendu qui parlaient de zoo, rassurés qu’il y ait la cage pour retenir les singes. Moi, je veux croire que c’est surtout l’inverse: que c’est la cage qui vous rend singes! Je veux le croire via Lovre puis Jestrovic : car juste après chaque but, vous avez arrêté de gueuler pour encaisser le coup! Ouf! Deux instants de grâce fugace pour découvrir, chez vous tous, toute la tristesse d’un foot à visage enfin humain!.. S’il vous plaît, soyez plus souvent tristes: et les cages à la con perdront leur raison d’être.

Les gars du noyau dur pratiquaient avec maestria le strabisme divergent

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