Nécessité ou poudre aux yeux ?

Anderlecht défraye la chronique avec son team-building actuellement, mais les champions de Belgique ne sont pas les premiers à avoir cherché à s’améliorer à tout prix. Ni les derniers.

1992 : Waseige et Hubert ouvrent une voie à Charleroi

C’était en 1992, il y a donc tout juste 15 ans. Après neuf années de bons et loyaux services à Rocourt, l’entraîneur liégeois Robert Waseige troquait cet été-là les Sang et Marine contre les Zèbres. Ses quelques semaines de vacances, le Chef les avait passées à potasser. Il s’était plongé, entre autres, dans la lecture de quelques ouvrages sur les nouvelles techniques d’entraînement au football mais aussi sur la diététique sportive.  » Avec le mental, elle constitue en réalité la seule matière qui reste réellement à défricher et explorer dans le monde du ballon rond « , dit-il. A Charleroi, face à un parterre de joueurs new look, c’est précisément le psychologique qui retint de prime abord toute son attention.

 » En arrivant au Sporting, je savais qu’il existait non loin de là un Centre de Médecine et de Traumatologie du Sport où cet aspect était abordé. Notamment par l’entremise de la sophrologie, une branche qui avait déjà retenu toute mon attention dans le passé. L’une de mes priorités fut de prendre langue avec le responsable de ce département, José Hubert, et je fus conquis sur-le-champ. A priori, je songeais à une approche individuelle de sa part, avec l’un ou l’autre joueur ayant des difficultés de concentration ou en proie au stress. Je pensais, en effet, qu’une préparation collective entraînerait une certaine réticence, de la part des footballeurs, à exposer leurs états d’âme devant leurs coéquipiers. Mais mon interlocuteur a d’emblée insisté pour que sa démarche soit globale, vu la spécificité du football. C’était, d’après lui, la meilleure manière de faire passer un message auprès des différentes composantes du groupe. Hormis ces confrontations d’ensemble, certains avaient demandé aussi un suivi individuel. Au bout du compte, je n’avais eu qu’à me féliciter de cette initiative. Car le Sporting avait réalisé une saison canon, ponctuée par une finale de Coupe contre le Standard et certaines individualités s’étaient distinguées cette saison-là. Je songe à un garçon comme le gardien Peter Kerremans, par exemple, particulièrement serein, et qui avait dégagé une impression de souveraineté tout au long de cette campagne « .

José Hubert n’en était pas à son coup d’essai au boulevard Zoé Drion. Quelques années plus tôt, alors que les Zèbres militaient en D2, il avait déjà été appelé une première fois à leur chevet. Mais l’expérience avait été de courte durée.  » On voulait transformer mes vues, qui n’ont de valeur que quand elles sont soutenues par un entraînement mental de fond, hebdomadaire, en une simple intervention d’avant match à la limite de la magie « , dit-il.  » Dans ces conditions, après la trêve, je n’avais plus insisté « .

Certains joueurs n’en avaient pas moins mordu à la démarche sophrologique. Parmi eux, un certain Didier Beugnies, meilleur buteur du championnat de D2 cette année-là, dont le sens du goal avait permis aux Noir et Blanc de s’imposer dans le tour final. Dans le livre Football et Motivation, réalisé par José Hubert et Robert Waseige dans la collection MentalSport, en 1993, l’intéressé s’épanche d’ailleurs sur ces séances.

 » J’estime l’apport de mon entraînement sophrologique, qui a duré cinq mois en 1984, comme très important : libération de l’anxiété avant d’entrer sur le terrain, meilleure récupération, visualisation de gestes techniques spontanés et intuitifs avec amélioration du mouvement, meilleure confiance en mes possibilités, évacuation plus rapide du doute du buteur qui ne marque pas. J’estime avoir obtenu un bénéfice plus important lors du travail individuel, mais il ne faut pas négliger le travail de groupe intensif pour bonifier l’esprit de celui-ci, la combativité d’ensemble, et la collectivité. Les séances de relaxation pratiquées avant les rencontres me donnaient un meilleur dynamisme et une envie furieuse d’exploser dès le début de la rencontre « .

Mais sur quoi étaient donc basées ces séances ? Pär Zetterberg, qui avait été prêté par le Sporting bruxellois à son homologue carolorégien, se souvient de quelques séquences précises. Notamment en demi-finales de la Coupe de Belgique, contre Anderlecht précisément.

 » On avait déjà réussi au-delà des espérances en arrivant à ce stade de l’épreuve « , raconte-t-il.  » Anderlecht, c’était évidemment le plat de résistance avant la finale. Moi-même, j’étais hyper motivé à l’idée de rencontrer mes ex-partenaires. Cette attitude était perceptible aussi chez les autres, au Mambourg, mais il va de soi que les Bruxellois, d’ailleurs sacrés champions cette année-là, imposaient le respect, pour ne pas dire la crainte. Le match aller avait lieu au Parc Astrid et il tombe sous le sens qu’il pèserait lourdement dans la balance sur les deux rencontres. Je me rappelle que José Hubert avait commencé par démystifier l’adversaire. Du style : -Il s’appelle Sporting, comme nous et joue en D1, comme nous. La seule différence fondamentale, c’est qu’il a réussi sa mission prioritaire, le championnat. Il est donc rassasié alors que nous, en revanche, avons faim, car nous avons toujours un objectif à atteindre : disputer une finale de Coupe. Ces mots avaient eu leur effet, puisque nous nous étions finalement imposés 1-2 en terre bruxelloise « , rappelle Zet.  » Avant le match retour, le discours fut tout aussi porteur, basé à la fois sur notre force à domicile, avec l’appui d’un public tout entier acquis à notre cause, et sur la notion de jamais deux sans trois. Nous avions battu par deux fois déjà Anderlecht, cette année-là : d’abord en championnat, puis en Coupe. Le dicton nous était dès lors favorable. Et il s’est vérifié puisque nous avons évincé les Mauves par 3-2 au retour. C’était accroché, les deux Sporting en voulaient. Mais, comme le faisait remarquer notre sophrologue après coup :-A volonté égale, c’est l’imagination positive qui fait la différence. Nous étions dopés moralement à l’idée de frapper un grand coup. Et cela s’est traduit sur le terrain « .

La suite, malheureusement, ne fut pas du même tonneau puisque les Zèbres furent battus en finale par le Standard.  » De part et d’autre, l’envie était immense « , se souvient le Suédois.  » Normal, il y avait longtemps que les deux clubs ne s’étaient plus signalés à ce niveau. La différence, ce jour-là, ne relevait pas du niveau des adversaires mais de la qualité de l’arbitrage. C’était le dernier match d’ Alphonse Costantin et ce fut sans nul doute sa prestation la moins aboutie. Elle s’était hélas retournée contre nous « .

1998 : Leekens s’intéresse à la question et ça marche

Après Waseige, ce fut au tour de Georges Leekens de débarquer au Mambourg. Avec lui, plus besoin d’aide extérieure. L’ancien coach d’Anderlecht et du Club Bruges voulait tout régenter. Y compris l’aspect psychologie. Son dada : non pas la sophrologie mais le team-building. Un concept qu’il a développé dans un livre écrit en 1998 avec l’aide de notre ex-collègue Frank Buyse et publié par la Standaard Uitgeverij : Winnen door teambuilding. (Vaincre grâce au team-building).

 » Ce qui m’avait tout particulièrement interpellé, à l’époque où j’étais encore moi-même joueur, c’était l’approche d’ Ernst Happel au Club Bruges « , affirme-t-il.  » Il partait du principe que ce n’étaient pas les onze meilleurs qui formaient la meilleure équipe mais que l’essentiel était de constituer le meilleur onze possible. Lors de ses débuts, il avait dès lors été sans pitié pour quelques vedettes, comme Johnny Thio ou Pierre Carteus, préférant des noms moins ronflants mais davantage soucieux du collectif. Comme celui d’un Danny De Cubber par exemple. Non sans succès car cet élément a quand même réussi à disputer après coup la finale de la Coupe des Clubs Champions à Wembley.

Au cours de ma carrière d’entraîneur, j’ai toujours veillé à ce que le groupe prenne le pas sur la somme de ses composantes. Et, dans cette optique, la notion de team-building a toujours été fondamentale. Je n’ai rien inventé en la matière. Mon inspiration, je l’ai puisée dans un ouvrage de Roy Lacoursière intitulé The Life Cycle of Groups : Group Development Stage Theory. En gros, l’auteur y esquisse les différentes phases de développement d’un groupe qui vont de l’orientation à la fin de cycle en passant par des stades de déception, solution et production. Partout où je suis passé, j’ai connu et traversé tous ces paliers. Je n’en veux pour preuve que mon expérience chez les Diables Rouges, qui s’est étalée sur deux ans de février 1997 au mois d’août 1999.

Au moment où j’ai repris le collier, l’équipe nationale, dirigée par Wilfried Van Moer, venait d’endurer une sévère défaite par 0-3, au stade Roi Baudouin, face à la Hollande. Il fallait partir sur de nouvelles bases et, dans le cadre de ma première mission à la tête de la sélection, en Irlande du Nord, j’avais fait appel à du sang neuf. Le Lierrois Bart De Roover ainsi que les Mousconnois Dominique Lemoine et Emile Mpenza, que j’avais dirigés chez les Hurlus, avaient été inclus pour la première fois dans le noyau. Vu cet apport et ma propre présence, en tant que nouveau coach, le plus important, dans un premier temps, était de faire connaissance. C’était la fameuse phase d’orientation où l’accent avait été mis sur tout, sauf sur le foot. Nous nous étions adonnés au karting et au snooker. Certains, dans la presse notamment, froncèrent les sourcils, en arguant que nous avions mieux à faire qu’à nous amuser avec ces activités qui n’avaient strictement rien à voir avec le football. Et le résultat forgé par la suite à Windsor Park – 3 à 0 en faveur des locaux – ne fit qu’ajouter de l’eau au moulin des sceptiques. Mais je savais que nous étions dans le bon à ce moment-là.

En réalité, ce revers faisait partie de la deuxième phase, celle de la déception. Durant la première, chacun avait appris à connaître et à apprécier l’autre à travers des situations qui s’éloignaient de notre matière première : le terrain. La deuxième, par contre, se situait sur l’aire de jeu même et il va de soi que d’une rencontre à l’autre, des bouleversements profonds ne sont pas réalisables. L’important, à ce niveau, c’est que tout le positif qui a été emmagasiné lors de la première approche supplante le négatif afin de repartir au plus vite du bon pied. A cet égard, les joueurs avaient rapidement fait la part des choses. Car dès le match suivant, face au Pays de Galles, à Cardiff, pour les besoins des qualifications à la Coupe du Monde, nous l’avons emporté 1-2. Et, le mois suivant, nous avions réalisé un exploit plus retentissant encore en gagnant 1-3 contre la Turquie, à Istanbul, grâce à un triplé de Luis Oliveira. Nous étions alors au stade de la solution et de la production, en ce sens que nous avions trouvé à la fois un fil conducteur sur la pelouse, tout en étant performants à l’échelon des résultats. Cette période de très haute conjoncture a duré jusqu’à la Coupe du Monde 98. Elle a marqué la fin d’une ère, après laquelle il a fallu reconstruire. En août 1999, après un décevant 3-4 contre la Finlande, j’ai passé la main. Et, pour son tout premier match à la tête des Diables Rouges, Robert Waseige a immédiatement fait un résultat extraordinaire : un 5-5 contre les Pays-Bas à Rotterdam. Un nouveau cycle pouvait donc commencer « .

On notera que ce que Mac the Knife a vécu avec les Diables Rouges, il l’avait déjà expérimenté en d’autres occasions durant sa carrière. Au Club Bruges, après avoir sacrifié à son rituel traditionnel concernant la cohésion de son groupe, on se souviendra que l’entrée en matière des Bleu et Noir, aussi bien en championnat qu’en compétition européenne, avait été catastrophique, avec une élimination par le Rapid Vienne. Le soir de cette élimination, les Brugeois et leur coach avaient joué les prolongations au bar de l’hôtel. Certains avaient même repris l’avion sans jouir d’un sommeil réparateur. Il n’empêche qu’en bout de saison, les joueurs de la Venise du Nord allaient quand même devenir champions, au nez et à la barbe d’Anderlecht et du FC Malines, au potentiel autrement supérieur. Dans la foulée, Leekens fut également désigné Entraîneur de l’année.

Comment ne pas s’arrêter à la défunte campagne signée par les Buffalos. Au cours de la période des transferts, les Gantois avaient vu plusieurs grosses pointures quitter le club : Mbark Boussoufa à Anderlecht, Wouter Vrancken à Genk, Aliyu Datti et Tim Matthys à Zulte Waregem, entre autres. En lieu et place, le coach des Ciel et Blanc dut reformer un noyau compétitif avec de nouvelles têtes, comme Guillaume Gillet, Marcin Zewlakow ou encore Adekanmi Olufade par après. A nouveau, l’entame de saison fut ni plus ni moins catastrophique avant que les Buffalos ne redressent la barre de manière très spectaculaire, au point de se mêler à la course à l’Europe. La suite, chacun la connaît : une fin de cycle décrétée par Leekens lui-même dans les conditions surréalistes que l’on sait. Sans doute se disait-il qu’il était impossible de faire mieux à Gentbrugge et qu’il valait mieux recommencer sur des bases neuves à Lokeren.

2005 : Vercauteren rend Desmadryl célèbre

En matière de team-building, c’est surtout Anderlecht, par le biais de son psychologue, Johan Desmadryl, qui a défrayé la chronique ces derniers mois. Nous aurions aimé l’interroger mais l’homme n’accorde pas d’interviews individuelles. Tout au plus a-t-il consenti, sur demande de Frankie Vercauteren, à ce que les journalistes présents lors du dernier stage d’hiver à La Manga, en Espagne, puissent assister à l’une des activités organisées sur place dans le cadre du team-building. Une initiative qui sera d’ailleurs répétée le 28 juin prochain, à Coxyde, où le Sporting sonnera le grand rassemblement de ses troupes.

 » Les joueurs avaient accompli un parcours du combattant, une course d’orientation nocturne, de la descente en rappel, une initiation aux danses latinos, une soirée africaine, pour terminer leurs activités par la décoration d’un totem « , raconte Christophe Van Impe, présent en Espagne pour La Capitale.  » Manifestement, les opinions quant au bien-fondé de la formule sont divisées. A mes yeux, ces activités peuvent bel et bien servir à renforcer la cohésion du groupe et mettre en exergue l’esprit de compétitivité. En effet, il s’agit de transposer dans un autre contexte des situations qui peuvent se produire en match, notamment pour voir si un joueur a le sens du sacrifice « .

 » Tout le monde n’était pas réceptif à ce genre de méthode « , poursuit Christophe Berti, du journal Le Soir.  » Ahmed Hassan, par exemple, se souciait comme d’une guigne de ses partenaires. Au moment où, en alternance, il devait courir ou rouler à vélo, il a conservé sa bécane de bout en bout et est arrivé à destination avec des minutes d’avance sur ses partenaires. Par la suite, l’Egyptien a également refusé le micro qui lui était tendu au moment d’interpréter une chanson. Dans un même registre, Anthony Vanden Borre ne voyait pas toujours, non plus, l’utilité de tout ce qu’il était appelé à faire là-bas. Bizarrement, le Pharaon et lui ont posé le plus de problèmes au club lors de la saison écoulée. Pour le premier, tout s’est finalement arrangé. Mais l’autre est resté un véritable cas jusqu’à la fin de cette campagne. Avec comme conséquence un départ à la Fiorentina « .

Jacky Munaron, qui a été joueur au Sporting de 1974 à 89, puis coach des gardiens de 1999 à cette année, sait de quoi il retourne à propos de l’accompagnement mental des joueurs :  » Personnellement, j’ai dû patienter jusqu’en 1987, avec la venue de Leekens au RSCA, avant d’avoir droit à un guide, sur les plans technique et psychologique, en la personne de mon ancien coéquipier Nico de Bree. Il n’était pas encore question, à ce moment-là, d’un psychologue détaché auprès de toute l’équipe, comme c’est le cas de nos jours avec Johan Desmadryl. A mon sens, c’est un bienfait. Par rapport à ma période active, où Anderlecht était un club froid, cultivant le chacun pour soi, je discerne à présent une plus grande solidarité entre les joueurs. A cet effet, je crois que l’apport du psy a réellement été bénéfique. D’accord, certains ont rigolé quand il a fait courir les joueurs dans la campagne espagnole avec un £uf en main. On était peut-être loin du football, mais cette activité-là et toutes les autres, avaient quand même un lien avec le ballon rond : l’organisation, la solidarité. Ces séquences, loin du terrain, sont idéales pour l’intégration dans un club comme le RSCA, avec des joueurs venus d’horizons différents et présentant tous des profils variables : les uns pétris de classe, les autres plus prompts à s’arracher. Le fait de les mettre dans un contexte où tous sont logés à la même enseigne les incite à se démener l’un pour l’autre. Par rapport à ma propre époque, je suis d’avis, en tout cas, que le contraste est frappant. Il y avait alors les vedettes d’un côté et les porteurs d’eau de l’autre. Les uns avec leur smoking, les autres avec leur bleu de travail. Dans l’adversité, quand il fallait se serrer les coudes, on n’était plus 11 sur la pelouse mais 6 ou 7. L’année passée, ce n’était pas le cas. Tout n’a pas toujours été très fringant, d’accord. Mais l’équipe a toujours eu le mérite d’aller au bout, que ça rigole pour elle ou non. C’est ce qui explique pourquoi elle a pris, de temps en temps, des points in extremis. Comme à Charleroi, par exemple, quand Bart Goor a égalisé dans les arrêts de jeu. Ou au Club Bruges, où elle a su remettre les pendules à l’heure après avoir été pourtant menée 2 à 0. Ce jusqu’au-boutisme, c’est le staff tout entier qui l’a inculqué. Mais avec une mention spéciale, quand même, pour le psy. Si tous les joueurs transgressent leurs limites, à tous points de vue, c’est tout de même dans une large mesure son mérite aussi « .

 » C’est vrai que dans l’ensemble, nous avons gagné en combativité « , observe le capitaine des Mauves, Olivier Deschacht.  » Je ne néglige pas du tout l’apport du psychologue mais beaucoup dépend aussi de l’état d’esprit du joueur. Boussoufa est un joueur qui mouille son maillot en toutes circonstances, Lucas Biglia aussi. Je me demande si un résultat similaire pourrait être obtenu avec un tire-au-flanc. Reste que j’apprécie ce qui a trait au véritable team-building. J’entends par là les initiatives qui sont prises pour souder le groupe en début de saison et lors de la reprise après la trêve hivernale. Mais je suis un peu plus réservé concernant les autres interventions. Je ne vois pas, par exemple, pourquoi avant un match, il faut nous convaincre de l’importance d’un succès. Anderlecht et la victoire, ça va ensemble. A la limite, c’est presque un pléonasme. Alors, pourquoi revenir sans cesse là-dessus ? Nous sommes des pros, nous devons avoir le culte de la victoire chevillé au corps « .

2006 : Brys fait laver le cerveau de Cavens

Parmi les autres entraîneurs qui accordent de l’importance au team-building ainsi qu’à la préparation mentale globale du joueur, il convient indéniablement de citer le nouveau coach de Mouscron, Marc Brys. A cette nuance près, par rapport à Vercauteren, qu’il s’occupe lui-même de cet aspect. Seule exception : le cas posé en cours de saison passée par Jurgen Cavens. En effet, il a fait appel au mental coachDiego Dupont, actif pendant quelques mois au SV Roulers la saison passée.

 » Tout au long du premier tour, notre attaquant avait été taraudé par la peur de mal faire « , dit-il.  » Il n’osait plus rien entreprendre, de peur de s’attirer les foudres des sympathisants du Germinal Beerschot. J’ai tout essayé avec lui mais je me suis dit, à un moment donné, que la solution devait peut-être venir d’une personne extérieure au club. C’est ainsi que j’ai songé à Diego Dupont. J’avais entendu parler de sa Brain Wave Machine, un appareil qui, sur base à la fois de la lumière et du son, peut influer sur l’activité cérébrale du joueur au point de le déstresser. L’initiative a eu du bon dans la mesure où c’est un tout autre joueur que j’ai eu sous mes ordres durant mes derniers mois au Kiel. Il avait fait le vide dans sa tête et évacué toute forme de pression. Dès cet instant, son association avec François Sterchele fut phénoménale. Je songe notamment au match formidable qu’ils ont livré contre le Club Bruges, avec deux buts chacun. Cette intervention-là fut unique. Pour le reste, c’est moi qui ai toujours décidé du suivi des joueurs sur tous les plans, notamment psychologique. D’une part, il y a la démarche individuelle car un joueur n’est pas l’autre. Avec l’un, il faut lénifier, avec l’autre il faut parfois utiliser la manière forte. C’est une question de feeling. A ce niveau, l’essentiel c’est bel et bien la connaissance des hommes. Et je pense qu’un coach est automatiquement mieux placé que quelqu’un qui est subitement parachuté dans le groupe. J’y attache pas mal d’importance, car le mental c’est, à mes yeux, 40 % du rendement d’un footballeur. Indépendamment du suivi personnifié, j’aime recourir de temps à autre à des activités de groupe. Et le team-building en fait partie. Lors de la préparation avec Mouscron, une journée basée sur ce concept est d’ailleurs prévue à Brasschaat. Mais il n’y a pas qu’en période d’avant saison ou après la trêve hivernale que cette option est utilisée. Tous les jours, en réalité, lors des séances d’entraînement, on peut trouver l’un ou l’autre détail qui va en ce sens. Au cours d’un démarquage, le coach peut par exemple fermer les yeux sur un ballon sorti des limites du terrain et, de ce fait, pénaliser une des deux équipes en présence. Je me rappelle qu’au début, je m’attirais les foudres de certains dans cette situation. Idem pour des fautes évidentes non sifflées. A la longue, toutefois, les joueurs bronchaient de moins en moins. A raison, car il m’arrivait de les pénaliser deux fois : d’une part en laissant le jeu se dérouler normalement et, de l’autre, en les tançant parce qu’ils contestaient mon autorité. En procédant de la sorte, mon idée était de leur faire comprendre que l’erreur est humaine et qu’il ne sert à rien, dans ces circonstances, de s’en prendre à l’arbitre au point de risquer une carte jaune stupide « .

2007 : Riga découvre l’école française

 » Il n’y a pas de règle générale concernant la préparation mentale des joueurs « , embraie José Riga, le mentor de l’AEC Mons.  » Je me souviens de deux exposés très intéressants à ce point de vue que j’ai suivis dans le cadre de la Licence Pro. Gérard Houllier avait alors signalé qu’à une certaine période, il avait effectivement fait appel à un psychologue mais qu’il en était revenu par la suite, estimant que l’intérêt individuel du joueur n’était pas nécessairement celui du groupe. Raymond Domenech, par contre, était partisan de cet apport externe et du team-building en général. Je me dis que cette différence est peut-être liée aux deux facettes qu’ils présentent. D’un côté, il y a là un entraîneur qui, exception faite de son expérience à la tête de l’équipe de France, au début des années 90, s’est surtout signalé avec des formations de clubs comme Lens, Liverpool ou Lyon. Autrement dit avec des joueurs qu’il fréquentait au quotidien. De l’autre côté, on trouve le sélectionneur des Bleus qui ne vit évidemment pas au jour le jour avec ses joueurs.

Dans ce cas, la notion de team-building s’impose sans doute davantage. Il en va là d’éléments venus des horizons les plus divers, avec des ego souvent très forts en raison de leur appartenance à des clubs huppés, qui doivent alors tendre vers un tout autre objectif dans un autre entourage. On peut comprendre qu’avant de s’atteler à la tâche, ils se trouvent ou se retrouvent par le truchement d’activités ludiques. Personnellement, en ma qualité d’entraîneur d’un team de D1, je me sens plus proche de Gérard Houllier que de Raymond Domenech. Même si j’admets que dans un groupe comme celui des Dragons que j’ai dirigés la saison passée, avec pas moins de dix nationalités différentes dans le noyau, une sorte d’espace découvertes par un team-building spécifique aurait peut-être constitué un plus. A la place, à l’image de bon nombre de collègues sans doute, j’effectue un suivi mental au quotidien. Chez nous, le team-building se passe, en vérité, à travers les victoires et les défaites. Et il va sans dire qu’il est plus difficile à réaliser en cas de revers « .

par bruno govers

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