Né pour ça

Buteur-passeur, il se veut aussi un fin dribbleur… même s’il en fait parfois trop.

Sans compter que, devant les Rouches, Glen De Boeck et les siens ont obtenu leur dixième partage au cours de la présente campagne.

Par rapport au RC Genk, passé en tête, le RSCA n’a pas la même pénétration offensive: avec 46 goals, le duo formé de Wesley Sonck et Moumouni Dagano a davantage fait parler la poudre que toute la ligne d’attaque des Mauve et Blanc où se sont relayés ces derniers mois Gilles De Bilde (dix buts), Aruna Dindane (neuf), Ivica Mornar (sept), Nenad Jestrovic et Ki-Hyeon Seol (trois). Même avec l’appui des médians Walter Baseggio (huit) et Alin Stoica (quatre), le Sporting n’arrive pas au total des compères limbourgeois…

Le Standard n’est guère logé à meilleure enseigne que les Bruxellois: huit nuls jusqu’à présent et une division offensive du même acabit avec dix buts pour Ali Lukunku, huit pour Michaël Goossens, six pour l’infortuné Ole-Martin Aarst et autant pour Moreira. C’est maigre et on peut comprendre, dans ces conditions, qu’à l’image du match-aller, la montagne qu’on faisait de cet Anderlecht-Standard ait, finalement, accouché d’une toute petite souris. Car hormis un dangereux coup de tête d’Eric Van Meir et d’un tir d’Aruna Dindane joliment capté par Filip Susnjara, les deux portiers auront passé une soirée tranquille.

Signe des temps: alors que l’Ivoirien faisait figure de joker la saison passée aux côtés de Tomasz Radzinski (23 buts au total) et Jan Koller (22), il s’est érigé cette saison en l’un des éléments-clé du RSCA. Aligné tour à tour sur le flanc, comme joueur de débordement, ou en pointe, comme contre les Standardmen, l’ex-joueur de l’ASEC Abidjan est celui sur qui l’on comptait cette saison pour mettre l’adversaire sous pression.

Aruna Dindane: Je n’ai pas de vraie préférence quant à la place que j’occupe dans l’équipe. En fait, beaucoup dépend du contexte. Au début de la saison, quand Gilles De Bilde n’était pas encore au top, et que Nenad Jestrovic manquait toujours à l’appel, il est arrivé à plusieurs reprises que je sois aligné en pointe, au côté d’Ivica Mornar. Ce n’était sans doute pas la configuration idéale car le Croate et moi-même avons la même tendance à quitter notre position axiale pour réclamer le ballon sur les ailes. Il va de soi que, quand nous accomplissions cette démarche au même instant, chacun d’un côté, il n’y avait plus personne au centre pour réceptionner le centre qui s’ensuivait. A cet égard, mon association aura été plus heureuse, par la suite, avec de véritables attaquants axiaux, comme Nenad Jestrovic et Gilles De Bilde, précisément. Il ne faut toutefois pas en conclure qu’Ivica Mornar et moi ne sommes pas capables de fonctionner dans la même équipe. Au contraire, car lorsqu’il est aligné aux avant-postes, et moi sur l’aile droite, cette combinaison est des plus heureuses. Dans ce cas, il nous est vraiment loisible de permuter à bon escient. Il est simplement dommage qu’en raison de l’absence d’un véritable pivot et de la blessure du Croate, cette disposition n’ait guère été d’application sur le terrain jusqu’ici.

Confirmation

La saison passée, vous aviez atteint un total de cinq buts et huit assists. A présent, vous avez d’ores neuf goals et sept assists. En matière de contribution offensive, personne n’a fait mieux que vous.

Ces statistiques prouvent que j’ai progressé et j’en suis ravi. Pour moi, cette deuxième saison au Sporting était placée sous le signe de la confirmation, et je pense très sincèrement y être parvenu. Ces données en font foi, d’ailleurs. Il n’est pas interdit de penser que j’aurais peut-être été plus performant encore si j’avais toujours pu jouer à 100% de mes moyens. Malheureusement, depuis l’entame de la saison, j’ai des problèmes au dos. Les médecins ont diagnostiqué un début d’hernie et je devrai me faire opérer en fin de championnat. D’ici là, je m’efforce de tenir bon, mais il y a des moments où la douleur est vive. C’est toujours le cas après la pause, par exemple, quand je suis resté 15 minutes au repos. Ou bien en fin de match, quand je me ressens des efforts fournis. C’est à cause de cela que je n’ai pas terminé la partie contre le Standard.

Neuf buts et sept assists, ce n’est quand même pas mal pour quelqu’un dont on prétend qu’il n’est pas un réel buteur et dont la dernière passe comporte, soi-disant, pas mal de déchets?

Ah, votre observation me fait vraiment plaisir. Car à force d’entendre ces remarques à mon propos, je me pose parfois des questions. D’accord, je ne serai probablement jamais le meilleur marqueur de la compétition. Pour ce faire, il me manque l’instinct du buteur, perceptible par exemple chez Wesley Sonck. Mais, pour autant, je ne suis pas dénué totalement de qualités en la matière, sans quoi je n’aurais jamais atteint ma moyenne actuelle. D’autre part, il ne faut pas oublier non plus que je laisse toujours à d’autres le soin de s’exprimer sur des phases arrêtées. S’il n’en était pas ainsi, je serais peut-être le meilleur réalisateur du Sporting, actuellement. Quant à mes services, c’est vrai qu’ils n’arrivent pas toujours dans les bons pieds. Mais je signalerai quand même, à ma décharge, qu’il n’y a personne, au sein de l’équipe, qui prend autant de risques que moi. Il est normal que toutes mes initiatives ne paient pas, dans ces conditions. Je remarque donc qu’on met plus volontiers le doigt, chez moi, sur ce qui ne va pas, plutôt que de vanter mes mérites.

Madrid

Mine de rien, vous avez été décisif contre Bruges, Genk et La Gantoise, cette saison.

Sans oublier qu’en Ligue des Champions, j’ai quand même inscrit un but aussi au Real Madrid. Ah, celui-là, il était vraiment trop mignon! Mais moins important, hélas, que celui que j’avais marqué contre ces mêmes Madrilènes la saison passée au Sporting. Ces deux rencontres-là, ce sont mes meilleurs souvenirs depuis que je joue au Sporting. Par contre, il y en a quelques-uns que je veux oublier au plus vite. Comme ce match de Supercoupe de Belgique à Westerlo, où j’ai pété les plombs face à mon adversaire direct, Björn De Coninck. J’ai cru que j’avais retenu la leçon ce jour-là. Mais à Charleroi, il s’en est fallu de peu que la même mésaventure ne m’arrive face à Kanfory Sylla. Je dois mieux me dominer. Il serait stupide de gâcher ma carrière à cause de telles réactions épidermiques.

D’autant plus qu’elle paraît bien emmanchée à présent. Ces dernières semaines, des émissaires de Schalke et de l’Inter Milan vous ont suivi d’un oeil attentif, dit-on. C’est peut-être pour cela qu’Anderlecht est intéressé par votre concurrent en équipe nationale ivoirienne, Kader Keita?

Je ne désespère pas de jouer avec lui au lieu de lui céder gentiment ma place, si son passage se concrétise, du moins. Malgré l’intérêt que je peux susciter, je suis d’avis que mon avenir est encore au Sporting. J’ai incontestablement progressé d’une saison à l’autre. Mais j’ai conscience de pouvoir encore mieux faire. Je ne pense pas avoir exprimé plus de 70% de mon potentiel actuellement. Il me reste à me bonifier, par exemple, sur le plan collectif en donnant plus de ballons décisifs à mes équipiers. Ma dernière passe, je dois encore pouvoir l’améliorer sensiblement.

Certains vous reprochent de vous perdre dans vos dribbles. A raison?

Oui et non. Il y a des joueurs qui sont faits pour jouer sur l’homme, comme Olivier Doll. D’autres sont taillés sur mesure pour orienter la manoeuvre, comme Alin Stoica. Moi, je suis né pour dribbler. Dieu l’a voulu ainsi et je m’en accommode fort bien. Le coach aussi, d’ailleurs, qui m’encourage en ce sens, au risque que j’en fasse trop. C’est tout simplement inhérent à mon rôle. Si je jouais derrière, c’est sûr que je ne perdrais pas le ballon. Quand Glen De Boeck lève la tête, il a à la fois tout le terrain devant lui et l’embarras du choix quant à celui à qui il va donner le ballon. Moi, j’ai affaire à deux ou trois adversaires et je dois régler leur compte sur quelques mètres carrés. Il me paraît tout à fait logique que la maîtrise du ballon ne soit pas la même dans les deux cas. Mais c’est vrai que je me complique parfois inutilement la vie. Je suis à ce point soucieux de servir les autres dans les meilleures conditions que je commets le dribble de trop. Cette lacune-là, je veux la gommer en Belgique avant d’aller tenter ma chance ailleurs. Jusqu’à présent, le mot « don » est allé un peu trop souvent de pair, chez moi, avec « con ». Je veux vraiment qu’il rime avec « bon ». Pour de bon (il rit).

Bruno Govers

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