Ne pas être rayé

Le directeur carolo a une lourde mission et n’exclut aucune piste de redressement, même pas celle d’une fusion avec La Louvière.

Le colosse du stade du Pays de Charleroi a déjà du poids dans l’organigramme de son club de toujours: le Sporting zébré. Normal quand on accuse 108 kilos sur la bascule. « J’essaye de maigrir », dit Jean-Claude Cloquet. « En vain, pour le moment, car pour évacuer mon stress: je mange. Et je ne suis pas regardant quand j’ai du chocolat à portée de la main ».

Les diplômes universitaires de cet ingénieur civil pèsent lourd aussi. Pas inutile alors que le Sporting de Charleroi ne se porte pas à ravir, se défend bec et ongles pour sa survie sportive et financière. Debout à six heures du matin, cet ancien joueur des Zèbres boit une tasse de café et se met tout de suite au travail, souvent chez lui, à deux pas du Mambourg. Il envoie des SMS à l’aube pour souhaiter une bonne journée à Dante Brogno. C’est sa façon à lui d’encourager ceux qui mouillent leur maillot pour les Zèbres.

Positif à fond mais on sent, à Charleroi, entre les mots que des enthousiasmes ou des certitudes pourraient s’évaporer si le ciel sportif et financier ne se dégageait pas dans les mois à venir. Entre ces inquiétudes perceptibles, on note (voir nos encadrés) qu’entre des personnalités comme Claude De Spiegeleer (échevin des Sports de Charleroi) et Filippo Gaone, (le président de la Louvière) les distances sont plus proches qu’on le pense généralement. Au point d’imaginer un jour un mariage entre Zèbres et Loups?

En tout cas, Jean-Claude Cloquet lutte afin de générer de nouveaux flux financiers au profit de son club.

« Charleroi est dans le pétrin »

Charleroi n’est-il pas trop petit pour faire vivre une grande équipe?

Jean-Jacques Cloquet: Je ne tournerai pas autour du pot: Charleroi est dans le pétrin, il ne faut avoir peur de le dire, et d’affronter ce problème. Mais j’ai été en Corse, une région de 250.000 habitants qui a deux clubs de L1. Auxerre, n’est pas grand non plus et l’AJA a joué en Ligue des Champions. Je sais, le football français s’appuie sur 50 millions d’habitants et dégage de gros revenus, surtout grâce aux droits des télévisions. Chez nous, cette manne ne sera jamais aussi importante. Dès lors, innovons, formons des jeunes, rentabilisons mieux le stade, faisons des économies, etc. Mais pour avoir un club de taille européenne, il faudra un budget de 12.500.000 euros.

Mais vous ne parvenez même pas à boucler un budget de cinq millions…

On y arrivera. Si on a la fièvre, je me demande quel thermomètre les autres utilisent pour la mesurer. Malgré ses soucis, Charleroi a une moyenne de 10.500 spectateurs, la cinquième assistance de D1. C’est un capital qui….

…est insuffisant?

Oui, pour le moment, mais il peut croître. Abbas Bayat serre les boulons. A raison. Nous gérons une société en crise. Dans le privé, on fait aussi des économies sur tout pour stabiliser les pertes. Charleroi est désormais géré comme une entreprise: quelles sont les recettes et les dépenses? Il faut équilibrer. Le président veut réussir, moi aussi. Il a observé durant deux ans et s’est rendu compte qu’il devait s’investir personnellement. Le patron doit être là.

Et financièrement?

Je dois trouver 80% du budget de 5.000.000 d’euros via les recettes, la pub, le sponsoring. Pour l’instant, j’arrive à 95% du chiffre visé et il y a encore de gros matches à venir. Or, il y a la concurrence à Charleroi du basket, du tennis de table, du volley, du foot en salle.

Le football carolo n’a-t-il pas perdu beaucoup d’argent dans le conflit Scifo-Brogno?

Probablement. Les dégâts collatéraux sont importants. J’adore autant Enzo que Dante. C’était le mariage de la renommée internationale et de la force du terroir. Idéal. Je n’ai rien compris au conflit Scifo-Brogno. Enzo m’avait demandé de venir. A deux, ils représentaient tout. A mon avis, Enzo est devenu trop vite coach. C’était son choix et il continuera dans cette voie. Il me semble qu’Abbas Bayat voulait le former en tant que dirigeant. Bayat appréciait Scifo, Vous savez, le président fait confiance. Mais il n’est jamais content, c’est vrai, même pas de lui-même. « Dante sur le terrain et Enzo comme ambassadeur »

Enzo était trop cher pour n’être qu’un dirigeant, non?

Peut-être. Bayat est aussi un gestionnaire. Quand il peut faire deséconomies, il en fait, c’est logique.

Comme avec Dante, employé durant quelque mois, qui a retrouvé son paradis: le vestiaire.

Oui, Dante est fait pour cela, les bureaux, ce n’est pas pour lui.

Enzo, dit-on, n’avait pas la notion de l’argent au niveau d’un club comme Charleroi: Enzo était généreux. Trop?

Mais c’est d’abord une qualité. Il a vécu sur une autre planète en France, en Italie, à Anderlecht. Il trouvait normal qu’on investisse pour l’équipe. Et cela coule de source dans les grands clubs. Ici, on a dû gratter pour payer la mise au vert à la mer avant le match de Coupe de Belgique à Gistel: 2.000 euros. A Charleroi, on doit retourner tous les sous. J’ai l’habitude, je l’ai fait dans le privé, chez Solvay et on a redressé des situations parfois compromises.

En fait, Charleroi ne pouvait pas s’offrir un Enzo Scifo?

Non. Pas comme cela, différemment, dans un rôle d’ambassadeur. Là, il aurait été unique et Charleroi a raté sa chance à ce niveau. Personne n’ouvre autant de portes que lui. On a manqué d’imagination pour exploiter l’effet Scifo. Enzo est fait pour un grand club: Anderlecht, l’Italie, comme coach, directeur technique, ou surtout ambassadeur, comme Zidane sera celui du Real à la fin de sa carrière.

Après cinq mois à votre poste, qu’avez-vous découvert?

Avant, l’identification du groupe avec la région était totale. Maintenant, les joueurs pensent d’abord à eux et sont sous l’influence des managers. De mon temps, le joueur traitait en priorité avec le club. Je ne dis pas que c’était mieux, c’était différent et plus en phase avec la région.

Le basket avance plus vite que vous. Le nouveau Spiroudôme tourne le tonnerre de Dieu, fait recette avec le championnat de basket, l’exhibition d’Henin et de Clijsters, accueille des stars de la chanson…

Bravo, c’estla voie à suivre. On organise désormais des séminaires pour hommes d’affaires au stade et…

…mais Eric Somme, le patron du basket carolo, va 100 fois plus vite que vous. Il pense déjà à l’après-Spiroudôme et bâtira dans dix ans un complexe sportif pour tout le basket wallon au carrefour des autoroutes de la région, près de Namur.

Il a le monopole en basket. « Charleroi peut résoudre ses problèmes seul »

Non, il a des idées et prévoit depuis longtemps qu’en Europe, la Wallonie n’aura qu’un club inscrit dans les grandes épreuves continentales mais qui vivra aussi en harmonie avec les autres clubs belges, au point de recruter leurs joueurs, etc.

Le football doit réfléchir. Somme a beaucoup fusionné

Le président de Lokeren, Roger Lambrecht, emprunte les mêmes chemins régionaux.

Je sais, je le rencontrerai d’ailleurs car même si tout le monde ne l’apprécie pas, il a des idées. Pourquoi n’investirait-il pas à Charleroi?

Pas loin de chez vous, à La Louvière, Filippo Gaone a une petite équipe performante et devrait obtenir sa licence sans problème. Si Somme voyait cela en basket, il y aurait déjà eu des manoeuvres d’approche.

Probablement.

Probablement? Certainement!

Gaone est ouvert à toute proposition sensée, non?

Je sais.

Mais encore?

Je sais.

OK, mais cela peut-il aller plus loin?

Je ne sais pas. Charleroi peut résoudre ses problèmes seul. J’en suis sûr et nous travaillons pour. Maintenant, cela vaut la peine de se pencher sur la question.

Claude Despiegeleer nous dit qu’il est ouvert à toute discussion. C’est une première, une ouverture.

En effet.

Alors, Charleroi et La Louvière: bientôt ensemble ou un jour ensemble?

Un jour ensemble, peut-être.

Pierre Bilic

« Abbas Bayat n’est jamais content, même pas de lui-même »

« On a gratté pour payer la dernière mise au vert »

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