» NE PAS ENCAISSER, C’EST AUSSI BEAU QUE MARQUER SOI-MÊME « 

Après quatre ans à Manchester City, il a mûri. A Ostende, il espère franchir un pas supplémentaire dans sa jeune carrière. Rencontre avec un défenseur central de 20 ans.

Un garçon du monde, comme le révèle le compte Instagram de Mathias Bossaerts. Des photos en salle de musculation, des tatouages. Un héritage de quatre ans de vie dans un vestiaire anglais. Son bras et son épaule gauches en sont pleins : le nom de ses parents et de son frère, un ange, une tête de lion et Dreamchasers, en référence aux titres des albums du rappeur américain Meek Mill.

L’entraînement au Schorre est déjà terminé depuis un moment lorsque le jeune défenseur central de 20 ans apparaît dans la salle des joueurs. Elancé, bronzé, la barbe bien entretenue.  » Je me sens bien ici. C’est une étape importante dans ma carrière. Je me rapproche de ma famille et de mes amis.  »

Il y a quatre ans, lorsque Manchester City était venu le chercher chez les U17 d’Anderlecht, n’avait-il pas déclaré :  » Un jour, je veux remporter la Ligue des Champions avec le Real Madrid  » ? Il n’évoluera donc pas au stade Santiago Bernabéu et ne s’entraînera pas à la Ciudad Deportiva de Valdebebas. Pour le voir à l’oeuvre, c’est à la Versluys Arena et au Schorre qu’il faudra se rendre.  » J’avais 15 ans lorsque j’ai déclaré ça, ne l’oubliez pas « , rigole l’Anversois en expliquant ce choix pour Ostende.  » Ce club est en pleine évolution. Tout comme l’était Manchester City il y a quelques années, lorsque le cheikh Mansour a transformé cette équipe de milieu de classement en une équipe du top. C’est cette évolution aussi qui, à l’époque, avait guidé mon choix.  »

Marc Coucke, c’est un peu un cheikh flamand.  » Le stade a été modernisé, de nouveaux joueurs ont été engagés et les ambitions sont là : on veut à nouveau atteindre les play-offs 1 et y faire meilleure figure que la saison dernière. Accrocher une place européenne, ce serait bien.  » Bossaerts se plaît à Ostende, cela semble évident. La Reine des Plages, ce n’est pas Manchester, mais depuis son appartement, il peut contempler le stade, la ville et la mer. Ces photos-là aussi ont déjà circulé dans les médias sociaux.  » L’an passé aussi, je vivais seul à Manchester. J’ai passé un mois et demi dans un petit appartement, puis j’ai élu résidence dans un hôtel à côté de l’Etihad Stadium. Je suis rapidement devenu adulte. J’ai dû cuisiner moi-même : du filet de poulet, des pâtes ou du riz, ce sont mes spécialités.  » (il rit)

LA TERRE PROMISE

A huit ans, le petit Bossaerts quitte le minuscule terrain du Koninklijke Gooreind VV, un club de Wuustwezel en province d’Anvers, pour rejoindre les pelouses de Wilrijk où évoluent les équipes de jeunes du Beerschot, puis il part à Anderlecht en 2011. Dans les équipes nationales de jeunes, il joue aux côtés de Charly Musonda Junior (Real Betis), Andreas Pereira (Manchester United) et Zakaria Bakkali (Valence) : il fait partie de la génération dorée de 1996, ce qui lui vaut d’être remarqué par de grands clubs étrangers à l’occasion d’un match en Ecosse.

Le téléphone n’arrête pas de sonner : Manchester City, Manchester United, Liverpool… Il faut faire un choix.  » Nous avons visité les installations de Liverpool, un club qui jouit d’une grande tradition et qui plaisait beaucoup à mes parents, mais personnellement, j’ai d’emblée été attiré par City.  » Les Citizens ne ménagent pas leur peine. Lors d’une visite au club, quelques joueurs viennent directement parler à Bossaerts. Vincent Kompany explique que City est le club de l’avenir. L’entraîneur italien Roberto Mancini s’entretient, lui aussi, avec la famille.  » Mes parents m’ont laissé le choix. ‘Va où tu penses que tu seras heureux, Mathias.’ J’avais envie de jouer, mais plus encore…  »

Eté 2012. Ivan, le père qui a pris une pause-carrière au sein d’une entreprise qui fabrique et installe des fenêtres ; Saskia, la maman, une femme au foyer ; Mathias, qui vient d’avoir 16 ans ; et Thomas, son frère cadet qui a cinq ans de moins : tous quittent Gooreind pour s’établir à Manchester.  » Je dois leur être reconnaissant, d’avoir tout sacrifié pour me permettre de prendre mon envol, car seul, je n’aurais pas réussi. Je n’avais pas envie d’être hébergé dans une famille d’accueil. Ils ont tenu à m’accompagner, n’ont quasiment jamais loupé un match ou un entraînement. Ils savaient que j’allais connaître quelques moments difficiles.  »

Autre pays, autre football. De longs ballons, des duels acharnés, des attaquants en mouvement pendant 90 minutes.  » J’ai commencé avec les U18. Après une semaine, je suis passé chez les U21. Je n’avais pas vraiment de plan de carrière. J’étais simplement prêt à donner le maximum tous les jours, afin de progresser. Mais, et cela m’a surpris, il y avait beaucoup d’amitié dans notre groupe. Il y avait des joueurs venus des quatre coins du monde, mais tout le monde se souhaitait le meilleur.  »

Bossaerts mène déjà la vie d’un footballeur professionnel. Il prend des cours d’anglais avec un professeur privé, il s’entraîne à fond et il passe des heures en salle de musculation…  » Je venais d’avoir 16 ans lorsque j’ai été appelé par Roberto Mancini pour participer à un petit match à 11 contre 11. J’étais nerveux. Je me retrouvais face à Mario Balotelli et Carlos Tévez. Quelques semaines plutôt, je les avais affrontés à la PlayStation.  » (il rit)

Le bilan de la première année est positif. Bossaerts apprend beaucoup lors des matches avec les U18 et les Espoirs, aux côtés d’autres jeunes talents comme Dedryck Boyata, John Guidetti (de retour de Feyenoord) et l’international brésilien Maicon, qui allait partir à l’AS Rome à la fin de la saison.  » Lorsque je suis arrivé, je pesais 75 kilos. A la fin de la première saison, j’avais gagné cinq kilos de muscles.  »

LE CONSEIL DE ROMELU

La deuxième saison se révèle plus compliquée. Bossaerts est tenu éloigné des terrains pendant plusieurs semaines en raison d’une blessure à la cheville, et en novembre, il se déchire un rein lors d’un duel. Pendant un moment, il doit éviter tout contact. Mais sa deuxième partie de saison est très bonne et Manuel Pellegrini l’invite à accompagner l’équipe Première au stage d’entraînement en Ecosse. Un souvenir qu’il n’est pas près d’oublier.  » J’étais titulaire lors du match contre Dundee et je suis monté au jeu lors du match suivant. J’ai savouré… L’époque où un jeune devait cirer les pompes des vedettes est révolue, mais je devais malgré tout montrer tous les jours à l’entraînement que je méritais ma place parmi eux.  »

Au sein de l’Elite Development Squad – l’équipe Espoirs – il est recadré par Patrick Vieira, l’ancien international français.  » Il m’a aligné à l’arrière droit. Ce n’est pas ma place préférée, mais en agissant de la sorte, il voulait m’extraire de ma zone de confort. Je devais constamment arpenter le couloir. J’ai beaucoup appris, mais ce rôle n’était pas taillé pour moi. J’ai toujours été un défenseur central. A mes yeux, ne pas encaisser, c’est aussi beau que marquer soi-même.  » Chez les Citizens, Bossaerts portait le n°67.  » J’ignore pourquoi. J’ai dû choisir un numéro entre 40 et 99.  »

Mais le chemin qui mène à l’équipe Première est long. Bossaerts s’en rend compte, lui qui évoque pour la première fois un retour en Belgique en janvier 2015.  » Il n’a pas pris la bonne décision en rejoignant Manchester City aussi jeune « , estime Dean Rosenthal, le fils de l’ancien joueur du Club de Bruges et de Liverpool Ronnie Rosenthal, qui est devenu son manager.  » C’est un reproche que j’ai déjà souvent entendu. Un jour, j’ai croisé Romelu à Manchester et il m’a dit que je ne pouvais progresser qu’en jouant chaque semaine avec une équipe Première, peu importe où. En Angleterre, beaucoup de joueurs sont prêtés à un club de Championship mais j’ai loupé l’occasion en raison d’une blessure récurrente aux ischio-jambiers.  »

PLUS FORT MENTALEMENT

 » Si je n’étais pas parti, je me serais toujours demandé : où serais-je aujourd’hui si j’avais franchi le pas ? J’ai été capitaine des Espoirs, j’ai joué la Youth Champions League, de grands matches contre Chelsea, Tottenham ou Manchester United… C’est dommage que je n’ai pas réussi en équipe Première, mais un club comme City joue le titre chaque année. C’est très difficile, pour un jeune du centre de formation. Aucun joueur de ma génération n’y est parvenu. Mais je suis devenu un meilleur footballeur. Plus fort physiquement, plus adulte aussi.  »

Il a aussi appris à se faire entendre.  » Lorsque je suis parti en Angleterre, l’entraîneur de l’équipe nationale U16 Bob Browaeys trouvait que je n’ouvrais pas la bouche et que je guidais trop peu mes partenaires. Il avait raison. Sur ce plan-là, j’ai progressé également. Je fais davantage entendre ma voix.  » Une métamorphose totale, donc. Bossaerts en rit.  » Le petit garçon que j’étais est devenu adulte.  »

Luc Devroe avait déjà essayé, l’an passé, de l’attirer à l’Albertpark. Un an plus tard, le moment était venu, et le défenseur central a alors apposé son paraphe au bas d’un contrat de trois ans, avec une option pour deux saisons supplémentaires. Avec quelles ambitions ?  » Bien m’entraîner, continuer à progresser et jouer le plus possible. Aux entraînements, je constate la différence avec le football auquel j’étais habitué chez les jeunes. C’est plus posé, et c’est dû à l’expérience.  »

PAR CHRIS TETAERT – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Après ma première saison à Manchester City, j’avais gagné cinq kilos de muscles.  » MATHIAS BOSSAERTS

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