Né à Bruges

De quelle planète vient ce jeune Français qui réalise des prodiges dans les playoffs!

L’aventure de Tony Parker commence avec celle d’un autre Tony, son papa, âgé aujourd’hui de 47 ans. Originaire de Chicago, Tony Sr. a défendu les couleurs de l’Université de Loyola avant de proposer ses talents aux Bulls, en 1977.

Très rapidement, il émigre aux Pays-Bas, à Haarlem, où il joue un an et demi en première division avant de rejoindre Leiden, qualifié pour la coupe d’Europe. « J’ai adoré mon séjour aux Pays-Bas », nous confie Tony devant une bière à l’aéroport O’Hare à Chicago. « Dans l’ordre: le pays, les gens et puis le basket. Le niveau était très bon avec des joueurs très fort physiquement. Pas rapport au basket américain de l’époque, le jeu européen était plus fin, plus intelligent ».

C’est là qu’il rencontre Pamela, mannequin batave, qui, le 17 mai 1982, lui donne un fils, Tony qui naît « chez nous », à Bruges: « J’ai en effet joué la saison 81-82 à l’Avanti que j’ai dû quitter à regret en vertu du changement de règlement qui réduisait le nombre d’étrangers à un seul. Tony est français car j’avais acquis cette nationalité ».

Les voeux de Michael Jordan

Le jeune papa atterrit dans le Valenciennois, à Denain où il joue deux ans et remporte la Coupe de France avant de pousser à l’ouest vers Dieppe alors en Nationale IV: « J’ai commencé à changer ma façon de voir les choses. J’avais 30 ans et une famille enrichie de Terrence, né en 84 et Pierre, deux ans plus tard. J’ai alors donné des cours d’anglais à la Chambre de Commerce locale ».

Mais la passion du basket, conjuguée à une très belle maîtrise de la langue française, lui offre une autre opportunité, celle de commentateur pour le compte de FR3. Si la famille reste immergée dans le basket, c’est pourtant balle au pied qu’un tout jeune T.P. commence à extérioriser ses talents de sportif en marquant des buts à la pelle. Mais sa vraie vocation, c’est le basket dont il fait son choix à l’âge de 9 ans. Inspirée par le papa puis révélée et confirmée par… Michael Jordan.

En 91, il l’admire en action contre les Lakers lors des playoffs. Cinq ans plus tard, en vacances dans sa famille de Chicago, l’adolescent a la chance d’assister à un entraînement des Bulls, d’échanger quelques mots avec Scottie Pippen et Michael Jordan qui lui lance un Good luck banal certes mais qui reste gravé dans sa mémoire.

Lors du tournoi pour Minimes de Salbris (Loir et Cher) sous les couleurs de Mont-St-Aignan, Tony tombe sous l’oeil de Lucien Legrand, l’entraîneur de la sélection nationale française des Cadets et de l’INSEP (Institut National des Sports et de l’Education Physique), qui le convainc de le rejoindre. Tony n’a que 15 ans quand il intègre l’équipe de Nationale 2 du Centre fédéral. Une division traditionnellement écumée par de vieux briscards. Il est le plus jeune joueur de l’équipe mais cela ne l’empêche pas d’en devenir rapidement le meneur. Il va jouer 29 rencontres durant la saison 97-98 et signer une moyenne de 14,7 points par match, principalement grâce à ses facultés de pénétration.

L’année suivante, T.P intègre l’équipe-fanion, en D1 cette fois. Même si les résultats de l’équipe laissent à désirer, son bilan personnel y est impressionnant avec 30 rencontres et 51% de tirs réussis pour une moyenne de 22,1 points.

« En N2, certains matches nous ennuyaient », avoue-t-il. « En N1, la concurrence était plus rude et physiquement, c’est la lutte. Mes adversaires me chambraient parce que j’étais jeune. On me poussait, on me traitait de morveux, mais bon ».

Chez les grands puis chez les géants

En 99, au tendre âge de 17 ans, Tony Parker fait le grand saut de la Pro A et intègre le PSG Racing, devenu l’an dernier le Paris Basket Racing. Fini l’internat. Il emménage avec sa maman et son frère Terrence dans un appartement à Boulogne-Billancourt.

Malgré un régime sportif contraignant -deux entraînements quotidiens et de très longs déplacement dans l’Hexagone- il poursuit sa terminale STT (Commerce). Il prend part à 23 rencontres et joue en moyenne une dizaine de minutes par match (3,9 pts): « Derrière un meneur de jeu comme Laurent Sciarra, qui jouait sa meilleure saison, ce n’est pas facile de s’affirmer. Mais j’ai beaucoup appris au niveau professionnel, en regardant comment on gère une équipe ».

En plus du quotidien, Tony a toujours été repris dans les différentes équipes nationales françaises. En 96, il est champion d’Europe des moins de 15 ans à Courtrai. En 2000, à Zadar (Croatie) avec l’équipe de France Juniors, il décroche le titre de champion d’Europe et au passage, celui de meilleur joueur du tournoi avec une moyenne de 14,4 points.

Mais son rêve ne s’arrête pas aux frontières de la France ni même de l’Europe. Son but ultime, ce sont les Etats-Unis et la NBA: « C’est le rêve de tout basketteur. C’est là qu’évoluent tous les meilleurs joueurs. En France, quand tu parles aux gamins, ils connaissent tous les mecs de la NBA, pas un seul de Pro A. Et puis, même si ce n’est pas le principal, il faut savoir que le plus mauvais du championnat US gagne autant d’argent que le meilleur Français! »

L’occasion va se présenter plus tôt que prévu. Grâce au travail et aux contacts de son papa. Dès son bac en poche, Tony avait prévu de rejoindre Atlanta et l’Université de Georgia Tech et y disputer deux années du championnat NCAA avant de poser sa candidature pour le draft de la NBA. C’était sans compter sur sa sélection au Nike Hoop Summit à Indianapolis en avril 2000, un grand rendez-vous qui met aux prises les meilleurs joueurs de High School et une sélection des 12 meilleurs joueurs mondiaux de moins de 20 ans. Tony brille de mille feux (20 pts, 4 rebonds et 7 passes décisives) dans cette immense vitrine regardée par tous les recruteurs. Et parmi eux, Gregg Popovich, le coach des San Antonio Spurs, qui après avoir visionné la cassette rapportée par ses scouts, déclarait: « Tony a été le véritable patron de son équipe et les Américains ne sont jamais parvenus à trouver le moyen de l’arrêter ».

L’aventure commence

La saison 2000-2001, toujours pour le compte du PSG, le voit exploser. Il joue la totalité des rencontres, passe en moyenne 33 minutes sur le plancher et signe 14,7 points, 5,6 assists, 2,7 rebonds et 2,3 interceptions par match.

Au printemps 2001, il décide de tenter l’aventure de la NBA. Il participe à un camp préparatoire du draft (sélection et tirage au sort des joueurs) organisé par les San Antonio Spurs à Chicago. Le 27 juin 2001, au Madison Square Garden de New York, son rêve devient réalité. « Je m’attendais à être recruté en 21e position par les Boston Celtics ou en 22e par les Orlando Magic. Au lieu de ça, mon nom est sorti au 28e rang, soit le dernier du premier tour. David Stern, le commissaire de la NBA, m’a appelé pour m’annoncer que j’atterrissais à San Antonio. L’équipe dans laquelle je désirais vraiment aboutir. J’ai mis la casquette des Spurs, on a pris quelques photos et puis, en compagnie de papa et de Mark Fleisher, mon conseiller, nous sommes montés dans une limousine pour faire la fête ».

Le jeune Français débarque au Texas avec Loriane, alias Lolo, sa compagne française. « Nous n’aurions pas pu mieux tomber », nous confiait-elle peu avant la rencontre entre les Bulls et les Spurs. « San Antonio est probablement l’équipe la plus familiale de la NBA. Le club fait vraiment le maximum pour accommoder les proches des joueurs ».

Ces efforts ont un impact important sur l’équipe qui, malgré la présence de grandes vedettes ( David Robison, Tim Ducan) fait preuve d’une grande solidarité. L’apprentissage de Tony est extrêmement rapide. Il joue dès le premier match du championnat et devient le plus jeune joueur du club à commencer la saison. Dès la cinquième journée de compétition, il fait partie du cinq de base. Un exploit. Qui plus est pour un rookie, un point guard et un étranger de surcroît. Aucun non-Américain ne s’était encore imposé dans ce rôle.

La volonté paye

Son maniement du ballon, sa vitesse de jeu et son agilité font merveille. De même que sa concentration et sa force mentale.

« J’ai toujours affirmé que la volonté était plus importante que les qualités physiques », explique Tony-père. « Une grande partie du succès est dans la tête. Il faut avant tout être confiant ».

Une vérité qui, dans le cas de Tony Jr., permet dans une certaine mesure de compenser des mensurations (1,86 m. pour 79 kg) qui ne représentent pas pas vraiment la profil-type de la NBA.

Le fiston semble avoir une science innée du jeu et de ses arcanes. Aussi exceptionnel qu’il paraisse quand on parle d’un jeune de 19 ans, le mot « maturité » revient régulièrement dans la bouche des experts chargés de juger le Frenchie.

L’intéressé est conscient de ses qualités mais en garçon bien éduqué, il ne les étale pas au grand jour. Il se contente de constater -sans arrogance- qu’il possède la faculté d’apprendre très vite.

« J’ai toujours évolué contre des joueurs plus âgés que moi. C’est comme ça qu’on progresse. Du coup, j’ai explosé très tôt ».

Son avis sur la NBA est empreint de respect. « Le championnat professionnel américain est différent de ce qui se passe en Europe », explique-t-il. « Le jeu est plus rapide et plus physique et bien entendu meilleur. Ce qui surprend aussi, c’est la cadence à laquelle on joue les matches: 3 à 4 par semaine ».

Il avoue aussi être rentré dans le fameux « mur du rookie », ce moment où tout à coup, après l’euphorie du début, tout s’écroule sans qu’on sache pourquoi.

« J’ai connu un passage à vide en janvier, sans doute un excès de fatigue dû au calendrier chargé de l’été dernier durant lequel j’ai beaucoup joué pour l’équipe nationale française et celle des moins de 20 ans que j’espère toutefois rejoindre cet été pour le championnat d’Europe de la catégorie en Lituanie ».

Dès le mois de février pourtant, tout était oublié et T.P. fut un des pions essentiels d’une formidable série gagnante de son club qui a terminé le championnat en boulet de canon (58 victoires et 24 défaites), en terminant deuxième au classement général derrière les Sacramento Kings, décrochant au passage le titre de la Midwest Division. Quant aux statistiques personnelles de Tony, elles sont elles aussi impressionnantes: 9,2 points, 4,3 assists et 2,6 rebonds par recnontre.

Bernard Geenen,

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