» NAPLES EST L’ÉQUIPE LA PLUS ESPAGNOLE D’ITALIE « 

Il a grandi à Schaerbeek, joue à Naples et son agent est celui de Zlatan Ibrahimovic. Rencontre avec Omar El Kaddouri, qui veut profiter du match à Bruges pour se faire connaître en Belgique.

Omar El Kaddouri, à Naples, c’est MisterEurope. Selon le site internet américain ESPN, le Bruxellois, âgé de 25 ans, est le roi des assists en Europa League. Il en aurait délivré quatre. Mais l’UEFA, elle, s’en tient à deux. Il a certes un pied dans deux autres réalisations de son équipe mais, pour l’instance qui régit le football européen, il ne s’agit pas à proprement parler d’assists.

Quoi qu’il en soit, El Kaddouri se réjouit d’être demain, afin de poursuivre son aventure européenne au Stade Jan Breydel et de montrer à toute la Belgique qu’après des détours par Brescia (Série B), Südtirol (Série C) et Torino (Série A), il a su se faire respecter en Italie.  » Lors du match aller, à Naples, je n’avais pas été repris « , dit-il.  » Cette fois, je veux jouer. Ma famille, mes amis et des connaissances seront dans la tribune pour me voir à l’oeuvre.  »

Tu es né en Belgique mais on ne te connaît qu’à Bruxelles.

ELKADDOURI : Et je veux que ça change ! Si j’inscris un ou deux buts face au Club Bruges, les gens parviendront à mettre un nom sur mon visage. La dernière fois que j’ai marqué en Belgique, c’était en 2012, avec les U21, contre l’Angleterre.

Tu as été déçu par ce que le Club a montré au match aller ?

ELKADDOURI : Je m’attendais à voir le même Bruges que celui que j’avais affronté à deux reprises avec Torino la saison dernière (deux fois 0-0). Mais l’équipe qui s’est présentée à Naples en septembre était méconnaissable. On l’a surclassée sur tous les plans. Même Thomas Meunier, qui m’avait impressionné l’an dernier, m’a déçu. Je dois dire qu’en Coupe d’Europe, on livre des matches exceptionnels. Notre équipe est une des meilleures en Europa League. On doit aller en finale, c’est un minimum.

Les journalistes italiens sont surpris parce qu’en championnat, tu n’as encore joué que 70 minutes. Ce n’est pas frustrant de ne jouer qu’en Europa League ?

ELKADDOURI : La saison dernière, à Torino, c’était l’inverse : dans la phase des poules, on me laissait sur le banc afin de me préserver pour le championnat. En Italie, il est courant qu’un entraîneur aligne son onze de base en Série A et une équipe réserve en Coupe d’Europe.

Il démontre ainsi que, ce qui compte pour lui, c’est le championnat ?

ELKADDOURI : Avec le départ de trois joueurs (Andrea Pirlo, Arturo Vidal et Carlos Tevez), la Juventus est fortement déforcée. C’est donc le moment pour l’AS Roma, l’Inter et nous de tenter de décrocher le titre. La Juve était inaccessible ces trois dernières années mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.

 » EN ITALIE, CHAQUE DÉTAIL COMPTE  »

Maurizio Sarri, le nouvel entraîneur, est un adepte du football-spectacle. C’est assez inhabituel en Italie, non ?

ELKADDOURI : Naples est l’équipe la plus espagnole de Série A. Notre football est basé sur l’attaque, la possession de balle et le pressing haut. Les médias italiens disent souvent que nous sommes l’équipe italienne qui joue le mieux au football. La griffe de Maurizio Sarri est très présente. Personne n’avait jamais entendu parler de lui il y a deux ans mais c’est un homme de classe. Après avoir fait monter Empoli et avoir terminé à une belle quinzième place pour sa première saison en Série A, il a vite fait parler de lui. Tous les observateurs pensaient qu’il allait se casser les dents sur les stars mais il a rapidement imposé le respect à Higuain et compagnie.

Quelle place occupes-tu dans la hiérarchie du vestiaire ?

ELKADDOURI : Lors de mon premier passage à Naples, en 2012, je n’avais pas trouvé ma place au sein du groupe. Je venais de Brescia, en Série B, et j’avais parfois l’impression de boucher les trous à l’entraînement. Mes 80 matches de Série A avec Torino ont changé mon statut au sein de l’équipe. J’aurais pu opter pour la solution de facilité et rester à Torino, qui voulait lever l’option. Mais je voulais tenter une nouvelle fois ma chance à Naples.

On t’a cependant confié un nouveau rôle au sein de l’équipe.

ELKADDOURI : J’ai été formé comme médian central. Mes amis disent même qu’il y a un peu de Zinédine Zidane en moi et c’était l’idole de ma jeunesse. Mais l’entraîneur estime que je suis plus utile sur le flanc, en doublure de José Callejon. En principe, je suis l’homme de la dernière passe mais si on me fait jouer devant, je dois apprendre à marquer.

Tu évolues en Italie depuis 2008. Qu’est-ce qui t’a marqué ?

ELKADDOURI : J’ai appris que chaque détail comptait, aussi futile puisse-t-il paraître. Prenez les matches de préparation : en Belgique, à 90 minutes du coup d’envoi, on écoute encore de la musique à fond dans les vestiaires. En Italie, c’est impensable ! Dans le car aussi, le calme règne. Un joueur qui prépare un match en toute sérénité doit être concentré depuis la première minute.

Tu n’es plus le même joueur qu’avant ?

ELKADDOURI : Je suis plus discipliné que lorsque j’ai quitté la Belgique. Avant, je ne tenais compte de rien ni de personne. Tout ce que je voulais, c’était m’amuser. Aujourd’hui, je pense à défendre, je garde ma place et j’essaye de m’éloigner de la zone dans laquelle se trouve le ballon. En Belgique, on considère la tactique comme un mal nécessaire. En Italie, on tombe dans l’excès inverse. Il n’est pas rare qu’on fasse des séances tactiques de deux heures et qu’on recommence le lendemain ! Je peux vous assurer qu’après quelques mois, on sait exactement ce qu’on a à faire et à quel moment on doit le faire.

 » SI JE SUIS EN ITALIE, C’EST GRÂCE À ANDERLECHT  »

Celui qui a joué en Italie peut réussir partout ?

ELKADDOURI : Le meilleur exemple, c’est Stefano Okaka, avec qui j’ai joué à Brescia. Il avait un potentiel énorme mais pour un attaquant, il n’est pas facile de se farcir chaque semaine les défenseurs italiens car ils sont malins.

A Naples, on aime les stars plus que partout ailleurs en Europe. Comment vis-tu cela ?

ELKADDOURI : Moi, ce qui m’a le plus frappé, c’est que pratiquement aucun joueur de Naples ne se prend pour une vedette. Dès ma première saison, Marek Hamsik m’a pris sous son aile, il m’a même proposé de m’aider à chercher une maison. J’ai habité pendant un moment à l’étage au-dessus du sien et quand il est parti, j’ai repris son appartement.

On en oublierait presque qu’Anderlecht ne croyait pas en toi.

ELKADDOURI : Plusieurs raisons m’ont empêché d’arriver en équipe première à Anderlecht mais c’est quand même là que, pendant deux ans, j’ai reçu la meilleure formation. Si je suis en Italie, c’est grâce à Anderlecht. Même si le destin m’a donné un petit coup de pouce. On devait jouer un tournoi en Italie. Je n’étais pas sélectionné mais, la veille du départ, un joueur s’est blessé. Je l’ai remplacé et j’ai été repéré par des clubs de D1 et de D2 italienne. A la fin de la saison, j’ai dû faire un choix : ou je restais en Espoirs à Anderlecht sans savoir ce qui allait m’arriver, ou je partais en Italie. J’allais signer un contrat à Anderlecht puis on m’a dit ce que je pouvais gagner en Italie. Le seul entraîneur du Sporting qui ait vraiment cru en moi et me l’ait montré, c’est Ariel Jacobs. Il m’a appelé dans son bureau mais j’avais déjà signé à Brescia.

Tu n’es pas le premier joueur d’origine marocaine à ne pas t’imposer à Anderlecht alors que les joueurs d’origine congolaise comme Vincent Kompany, Romelu Lukaku, Anthony Vanden Borre ou Youri Tielemans y arrivent.

ELKADDOURI : (après un long silence) : Du point de vue morphologique, il est sûr que les joueurs d’Afrique noire ont de l’avance sur les autres. Ils arrivent plus rapidement à maturité et sont donc plus solides. Mais cela n’explique pas tout. Je connais quelques joueurs qui avaient de la classe à revendre mais à qui Anderlecht n’a jamais donné une chance. Je pense que les jeunes Marocains n’y sont pas appréciés à leur juste valeur. Je refuse de croire qu’il y ait du racisme à Anderlecht. Je ne vois pas ce que le club aurait à gagner en bloquant l’évolution d’un joueur sur base de ses origines. Mais je comprends qu’à Neerpede, beaucoup de jeunes éprouvent un sentiment d’injustice. J’ai connu la même chose après ma première saison en U17. La plupart des joueurs ont pu passer directement en U21 tandis que j’ai d’abord dû jouer quelques mois en U19.

Quels sont les joueurs de ta génération qui ont percé ?

ELKADDOURI : Le seul à avoir percé, c’est René Sterckx (Cercle Bruges, ndlr). A l’époque, je n’étais pas considéré comme un talent exceptionnel. La star de ma génération, c’était Umut Gündogan. Tout le monde était sûr qu’il allait aller loin mais il a dû aller jouer au FC Brussels, en D2, et évolue aujourd’hui en Turquie. Les clubs ne devraient pas mettre un joueur de seize ans dans l’ouate, ils ne leur rendent pas service.

 » SCHAERBEEK ME FAIT UN PEU PENSER À NAPLES  »

Il y a sept ans que tu es en Italie. Tu te sens Italien ?

ELKADDOURI : J’ai épousé une Italienne de Brescia, Camilla. Pour un footballeur, l’Italie, c’est le paradis mais je ne sais pas si je resterai ici après ma carrière. Bruxelles me manque. Quand j’y retourne, dès que j’atterris, il faut que je mange un dürum. En Italie, ça n’existe pas.

Tu ne préfères donc pas Naples ou Brescia à Schaerbeek ?

ELKADDOURI : Schaerbeek sera toujours ma ville. J’habite près de la maison communale, dans un quartier calme, avec de belles maisons de maître. Mais deux rues plus loin, c’est la Place Liedts et là, c’est la jungle. De ce point de vue, Schaerbeek me fait un peu penser à Naples, où les quartiers chics et les restaurants de luxe côtoient des endroits où il vaut mieux ne pas se promener seul le soir.

En quoi un habitant de Schaerbeek est-il différent des autres ?

ELKADDOURI : Nous sommes les meilleurs de Bruxelles (il fait un clin d’oeil). Un de mes frères vient de déménager à Molenbeek. Dans la famille, on l’appelle le traître. Malheureusement, Schaerbeek a mauvaise réputation alors que c’est une des plus belles communes de Bruxelles. Je pense qu’il m’appartient d’en donner une image positive. Il n’est pas impossible qu’à Bruges, je porte un T-shirt sur lequel serait inscrit 1030, le code postal de Schaerbeek.

Adolescent, tu as fréquenté une école d’Etterbeek, une commune bourgeoise. Le choc a dû être saisissant ?

ELKADDOURI : J’ai fréquenté l’Athénée Royal d’Etterbeek, une des meilleures écoles néerlandophones de la capitale. Au début, ils avaient peur de voir débarquer un gamin de Schaerbeek.

Un gamin de Schaerbeek qui fait aujourd’hui partie du portefeuille de Mino Raiola, un des agents les plus puissants au monde. Dans quelques années, on pourrait donc bien te retrouver dans un tout grand club.

ELKADDOURI : Raiola a des contacts dans tous les grands championnats européens mais si je ne joue pas bien, il ne me recommandera nulle part. Beaucoup de gens se trompent sur son compte. A la télévision, il a l’air rustre et il ne manie pas la langue de bois mais il n’est pas comme cela. Je peux l’appeler à tout moment. Si je veux partir en week-end à Londres avec ma femme, c’est lui qui réserve mon vol. Et l’été dernier, lorsque je suis allé à Monaco, il m’a invité à passer quelques jours chez lui.

 » MA MÈRE VOULAIT QUE J’OPTE POUR LA BELGIQUE  »

Tu as porté le maillot de la Belgique en U21 lorsque Francky Dury en était l’entraîneur. Pourquoi as-tu finalement opté pour le Maroc ?

ELKADDOURI : Je me sens autant Belge que Marocain mais, à la maison, on suivait les traditions marocaines et ça a déterminé mon choix. Je me suis aussi senti plus à l’aise en équipe du Maroc qu’en équipe belge.

Tu es sûr de ne pas avoir effectué ce choix pour faire plaisir à ta famille ?

ELKADDOURI : Au contraire : ma mère voulait que j’opte pour la Belgique. A chaque fois que je prends l’avion pour l’Afrique, elle panique. En fait, personne n’a cherché à m’imposer un choix, même pas l’Union belge. Mais ils étaient déçus.

Fellaini, Bakkali et Chadli ont opté pour la Belgique. Avec des joueurs de ce calibre, le Maroc aurait pu aller à la Coupe du monde, non ?

ELKADDOURI : Avec des joueurs pareils, nous aurions une grande équipe. Mais même sans eux, nous devons pouvoir nous qualifier. Ce qui n’est plus arrivé depuis 1998.

PAR ALAIN ELIASY À NAPLES – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Aucun joueur de Naples ne se prend pour une vedette.  » OMAR EL KADDOURI

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