N’ENCENSONS pas Vincent

Photos en veux-tu, reportages en voilà, on nous refait chaque début janvier le coup du secret de polichinelle : dix jours au minimum avant la désignation du lauréat, toute la presse sait pertinemment qui sera Soulier d’Or, et toute la presse joue les Madame Soleil de pacotille ! Comme si le suspense, élément capital de la mythologie footeuse, avait tout à coup perdu ses attraits… Bref, c’est Vincent Kompany et la victoire est écrasante : en 50 ans de tatanes à crampons plaquées or, l’écart avec le second fut giga comme jamais ! Et en principe, plus une victoire est écrasante, plus elle est indiscutable. N’empêche qu’elle me turlupine…

Quand les résultats d’un teenager écrasent à ce point ceux de tous ses collègues, cela sous-tend deux affirmations, entre lesquelles naviguent tous les votants ayant classé Kompany Number One : le gamin est un extra-terrestre, un dieu parmi les hommes, un miracle génétique, un prodige de la nature,… ou tous ses collègues sont des gros nuls ! Ce sont les deux facettes d’une pensée unique que je n’arrive pas à gober : car il n’y eut pas, en 2004, pareil écart footballistique entre Kompany et la meute de ses poursuivants ! Quand on vote pour le Soulier d’Or 2004, on tente d’estimer la force footballistique qui fut celle de chaque concurrent en 2004,… pas la force qui sera (suppute-t-on) celle d’un gars prometteur d’ici deux ou trois ans ! En 2004, Kompany fut pour moi un jeune défenseur axial élégant commettant sa bourde de temps en temps, et qui n’est pas encore un king, même belge, en matière d’efficacité défensive globale. Il est certes à l’aube de brillants contrats, mais je préférerais attendre un peu quant à parler d’aube d’une brillante carrière.

M arc Wilmots, au moins, trouve également que Kompany a encore beaucoup à apprendre : il a regretté que l’élection couronne ce qu’on appelle à tort et à travers le talent à l’état pur, négligeant de considérer le rendement. J’approuve des deux pieds, le foot est une compétition avec adversaire où le rendement tolère l’élégance, pas l’inverse. L’élégance n’est bienvenue que quand elle est fournie de surcroît ! Willie a bien voté en votant pour Gert Verheyen qui, et depuis 10 ans, fait TOUT mieux que Kompany depuis 18 mois… sauf être beau à voir ! Willie qui manque d’ailleurs lui aussi à ce palmarès, comme le nez au milieu de la figure…

Je me méfie du talent ou de la classe, labellisés  » à l’état pur  » : j’ai souvent constaté que ça correspondait à des mecs hyper doués techniquement quand on les observait sur l’action de jeu même,… mais beaucoup moins fortiches quand on tentait le bilan de leur apport global sur 90 minutes ! La classe à l’état pur n’est pas une classe épurée de lucidité ou de réalisme, elle doit au contraire les inclure. Kompany sera-t-il demain le grand joueur que d’aucuns veulent déjà voir ? Joker sur toute la ligne, tant j’ignore tout du mental, du cerveau ou des synapses de Kompany ! L’avis général est que cette facilité qui lui joue encore aujourd’hui des tours disparaîtra demain avec l’expérience, laquelle s’accumule fatalement avec les années. Possible, je l’espère pour lui et notre football. Mais pas sûr : il y a des mecs techniquement limités mais complètement matures à 20 ans, comme il y a des hyper techniques de 30 ans qui n’ont jamais pu brider positivement le côté instinctif de leur jeu…

Enfin, entre affirmer que Kompany serait meilleur comme demi défensif et en conclure qu’ Hugo Broos est un gros bêta puisqu’il ne l’y déplace pas, il y a un pas que je ne franchis pas, ce serait déplacer Kompany pour deux mauvaises raisons : pour qu’il commette ses gaffes à des endroits moins cruciaux… et en s’illusionnant sur l’apport offensif via grandes incursions victorieuses !

Si c’est dans ce double but, je le vois mieux en n°2 à la Lilian Thuram. Mais Kompany comme Patrick Vieira, see et surtout wait : si Vincent est candidat à ce rôle de régulateur de l’ombre, pragmatique et froid, qu’il commence par y observer la justesse de jeu d’un Yves Vanderhaeghe ou d’un TimmySimons qui lui sont là supérieurs. Bref, quand je lis que Kompany a déjà le monde à ses pieds, je me dis qu’on va vite en besogne : même si, supporters du foot belge, nous aimerions qu’il l’ait…

par Bernard Jeunejean

Le foot est une compétition avec adversaire où LE RENDEMENT TOLèRE L’éLéGANCE, pas l’inverse

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