N°1 MONDIALE

A 25 ans, et malgré neuf années passées sur le circuit, la Californienne reste une fille simple qui félicite toujours son adversaire.

Fille puissante, elle axe une grande partie de son jeu sur le service, une arme qui lui a permis de remporter jusqu’ici trois titres du Grand Chelem. Même si cette saison elle n’a guère brillé dans les épreuves majeures, Lindsay Davenport a tout de même remporté sept tournois. De plus, sa finale au Masters de Munich (qu’elle ne disputa pas contre Serena Williams du fait d’une blessure au genou contractée dans sa demi-finale contre Kim Clijsters) lui permet de terminer l’année à la première place mondiale. Rencontre.

Quel effet cela vous fait-il de dominer ainsi le classement jusqu’au mois de janvier?

Lindsay Davenport: Rien. Absolument rien! Je sais que cela peut paraître bizarre mais je n’ai jamais accordé une grande importance au classement. Je n’ai jamais joué en me disant que je devais gagner des places. Et pour ce qui est de Munich, j’avoue qu’un mois auparavant, lorsque j’ai entamé la saison indoor en Europe, je n’ai jamais pensé à la fin de saison.

Pourquoi jouez-vous alors?

Pour atteindre le meilleur niveau possible en tenant compte de mes capacités. C’est cela qui me motive. Je veux savoir jusqu’où je peux aller sur le plan de la technique et du physique. Gagner des tournois, et notamment les Grands Chelems, est plus important.

Tout de même, se dire qu’on est la meilleure dans sa discipline, c’est tout de même quelque chose de grisant non?

Cela fait énormément plaisir la première fois, en 1998. A ce moment-là, c’était incroyable parce que je n’avais jamais cru auparavant que j’atteindrais un jour cette position. J’ai ensuite beaucoup fait l’ascenseur avec Martina Hingis et le ranking a moins compté pour moi.

« Venus aurait été première en jouant plus »

A Munich, vous sembliez dire que vous ne méritiez pas cette place.

C’est un peu ça, je l’avoue. Je reste persuadée que si Venus Williams avait joué davantage, c’est elle qui occuperait ma position aujourd’hui. Elle a remporté Wimbledon et l’US Open. Moi, même si j’ai gagné sept tournois, j’ai quelque peu raté ma saison en Grand Chelem où je n’ai atteint aucune finale…

Qu’avez-vous pensé du forfait de Venus?

Elle a le droit de ne pas jouer. Je trouve cependant qu’elle a manqué de clarté. Peu de temps avant le tournoi, j’ai lu un communiqué où elle disait: -Je serai sûrement présente à Munich. Il aurait été préférable de dire: -Je ne suis pas sûre de venir. Cela aurait évité pas mal de rumeurs.

Ne pensez-vous pas que les meilleures joueuses ont une sorte d’obligation morale vis à vis des organisateurs de tournois et du public?

Pas du tout. Le tennis est un sport individuel. Statutairement, nous sommes des indépendantes et libre à chacune d’entre nous de décider où nous voulons nous produire. Il ne doit y avoir aucune obligation. Nous n’avons aucun contrat avec le WTA Tour ou avec quiconque d’autre. Personne ne nous donne de l’argent au début de la saison pour participer aux tournois.

Après votre victoire face à Clijsters, vous avez eu des mots très gentils à l’égard de la joueuse belge.

Kim a réalisé une saison 2001 phénoménale. Elle est passée du top 20 à la cinquième place mondiale et elle est encore très jeune. Son potentiel athlétique est énorme et, grande différence par rapport à la joueuse qu’elle était il y a un an, elle est devenue plus constante.

« Kim apprend vite »

Que lui manque-t-il encore pour franchir encore un cap supplémentaire?

Pas grand-chose. Juste du temps. C’est avec le temps et l’expérience qu’on apprend à battre les meilleures. Kim est en phase d’apprentissage et elle apprend vite, croyez-moi.

Pensez-vous que la presse soit trop impatiente par rapport à ses performances?

C’est parfois le problème… Les journalistes. ont trop tendance à se demander pourquoi une joueuse n’a pas encore atteint la première place mondiale ou gagné une épreuve du Grand Chelem. Rappelons-nous que Kim a été à deux doigts de gagner Roland Garros. Ce qu’elle a déjà réalisé jusqu’ici n’est pas si mal.

Et cette blessure au genou contre Kim?

Elle est survenue à la fin du tie-break du troisième set. Kim a fait une amortie et en montant au filet, j’ai senti une douleur dans le genou droit. Sur le coup, je n’ai pas eu trop mal. Heureusement, deux points plus tard, le match était terminé sans quoi je n’aurais vraisemblablement pas pu aller beaucoup plus loin. Le lendemain, je ne pouvais plus poser la jambe. J’ai frappé deux balles à l’entraînement et j’ai tout de suite compris que je ne pourrais pas disputer la finale.

Le diagnostic a révélé une contusion osseuse. J’ai mal à l’endroit même où les deux os du genou se rejoignent. C’est le même mal qui m’avait tenue écartée des courts au mois de mars dernier. J’étais restée absente environ onze semaines. J’espère que le repos forcé sera plus court cette fois. Cela tombe plutôt bien parce que la saison est terminée mais je dois normalement reprendre les entraînements début décembre en vue de l’Open d’Australie.

Pour la première fois, la période de repos est longue. La saison s’est achevée officiellement le 11 novembre avec la finale de la Fed Cup. Mais pour la plupart des joueuses, elle s’était achevée bien avant cela. Avant le Masters, en fait, ce qui fait que beaucoup auront pu profiter de près de deux mois de repos. C’est parfait.

Mauvaise contre les Williams!

Malgré votre première place mondiale, vous affichez un bilan plutôt négatif face aux soeurs Williams: aucune victoire pour 6 défaites… Cela vous motive-t-il davantage pour la saison 2002?

Venus a été particulièrement difficile à « gérer » pour chacune d’entre nous et pas uniquement pour moi. Elle a réussi à élever le niveau de son jeu pendant plusieurs mois et malheureusement, il m’a semblé qu’à chaque fois que je l’ai affrontée, elle était en état de grâce. Quant à Serena, nous avons eu un match difficile à l’US Open. Je l’ai perdu alors que j’étais bien revenue dans la partie et j’ai laissé filer quelques belles occasions. L’une et l’autre sont très fortes. Elles ont la puissance et un très grand service.

Pensez-vous qu’elles ont tendance à se surestimer?

Il ne fait aucun doute que l’intimidation fait partie de notre métier. Surtout lorsqu’on affronte Serena ou Venus. Mais pas pour le top 15. La dernière fois où j’ai été intimidée par une adversaire remonte à ma finale à Wimbledon contre Steffi Graf. Le simple fait de savoir tout ce qu’elle avait réalisé par le passé sur le Centre Court du All England Club, cela faisait beaucoup pour moi. Mais l’intimidation n’est pas forcément une mauvaise chose. Cela étant, si vous me demandez d’affronter un Espagnol sur terre battue, je crois bien que je resterais terrée dans ma chambre d’hôtel! ( elle rit)

Encore peur de la presse?

L’intimidation en dehors d’un court de tennis, vous connaissez aussi?

Oui, à chaque fois que j’affronte la presse ( elle rit). Les discours, au début de ma carrière, n’étaient pas évidents pour quelqu’un de très timide comme moi. Avec le temps, les choses se sont améliorées.

Concernant le futur, quel sera votre plus beau défi?

Rester dans le top mondial. Il y a toujours un challenge à vouloir battre les meilleures et celles qui montent, et ce d’autant plus que le niveau du jeu s’améliore d’année en année. Bien sûr, les Grands Chelems restent une priorité. Je le répète, cette saison n’a pas été exceptionnelle sur ce plan-là. Je vais y travailler.

N’est-ce pas difficile de monter sur le court en sachant que vous êtes, du moins dans la majorité des cas, la joueuse à battre?

J’aime parfois me retrouver face à plus forte que moi comme ça je n’ai rien à perdre. Bien sûr que c’est éprouvant mais je crois avoir plutôt bien géré ce genre de situation.

Lorsque vous avez débarqué en Europe pour entamer la saison indoor, quelle était votre motivation première?

Disons que j’avais le sentiment que je pouvais réaliser de grandes choses parce que je suis la meilleure en indoor. Dès après l’US Open, je me suis entraînée sans relâche. Mon but était de m’aligner à Moscou, mais quand les attentats sont survenus, je n’ai pas eu le courage de m’y rendre. J’ai préféré rester dans mon pays jusqu’à ce que les choses se calment un peu. Quand j’ai débarqué à Filderstadt, je voulais rester un mois en Europe pour exercer mon métier, comme tout le monde.

Cela ne s’est pas trop mal passé puisqu’outre une victoire là-bas, vous avez enchaîné avec des succès à Zurich et à Linz et une finale au Masters. N’avez-vous jamais ressenti la fatigue?

Non parce que le tennis en indoor est beaucoup moins fatiguant. Les échanges sont plus brefs. Et puis, quand vous gagnez trois tournois à la suite, la confiance prend le pas sur la fatigue. Si ma blessure ne s’en était mêlée, j’aurais eu encore beaucoup de ressources physiques pour affronter Serena d’autant qu’il s’agissait de mon dernier match de l’année.

« Je relativise très bien »

Malgré la pression, vous semblez rester une personne très positive sur le court. Comment faites-vous?

Je vous répondrais d’abord qu’il m’arrive parfois d’être fâchée sur moi-même parce que je suis d’un type plutôt perfectionniste. Ceci dit, c’est vrai qu’une fois le match terminé, j’arrive très vite à faire la distinction entre un coup droit et ce qui est réellement important dans la vie. Relativiser est fondamental. Et cela n’enlève rien au fait que mon but est le même que la plupart de mes rivales: travailler davantage pour m’améliorer.

Votre carnet de bord fait apparaître des expériences plus ou moins malheureuses à Roland Garros. Comme Pete Sampras, votre éminent compatriote, est-ce le tournoi que vous rêvez de gagner par dessus tout?

On peut le dire, en effet. Le seul titre du Grand Chelem qui manque à ma collection… Celui que seul un miracle peut m’aider à gagner ( elle rit).

La terre battue constitue-t-elle un tel cauchemar pour vous?

Disons que quand je foule la terre pour la première fois de la saison, immanquablement je me dis: -Oh non, le mois va être très long! Alors je me cherche des raisons d’espérer. La victoire en 2000 de Mary Pierce m’a donné du courage. Elle n’est pas ce qu’on pourrait appeler un génie de la terre battue mais elle y est arrivée en cherchant du premier au dernier jour le point gagnant. Si j’y arrive à mon tour un jour, ce sera comme ça et certainement pas en étant patiente. Cela étant, je suis à chaque fois impressionnée de voir qu’il y a de plus en plus de joueuses qui jouent bien sur terre battue.

Florient Etienne

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