N. 1 in der revier

Moins connu que Schalke ou Dortmund, le VfL le troisième club de la Ruhr, tente de se construire un avenir.

Parce que la Ruhr n’est pas une région où on part en vacances, les gens qui y habitent, les anciens mineurs, ont fait du football un exutoire vivifiant. Ils sont rentrés en football comme on entre en religion, l’exubérance en plus. Un vrai sacerdoce, une vie consacrée à leur club. Et toutes gorges déployées pour crier au monde entier l’amour voué à leur équipe. Ils ont en partie réussi. Les clameurs de l’Arena Auf Schalke et du Westfalenstadion de Dortmund ont passé la frontière et sont arrivées aux oreilles des Belges. Mais, coincé entre les deux géants sur l’autoroute A40, Bochum tente de se faire entendre. Dans son Ruhrstadion, imposant mais déjà vieux de 25 ans, le club sort de sa torpeur. En coiffant le Borussia sur le fil pour la cinquième place qualificative pour l’UEFA et en rejetant Schalke en Intertoto, Bochum a réussi, la saison passée, un véritable pied de nez à ses voisins.

 » Pourtant, nous ne jouons pas dans la même catégorie « , explique le manager Dieter Meinhold.  » Notre budget n’est que de 27 millions tout compris alors que celui du Borussia Dortmund est de 49 millions uniquement pour le staff (joueurs et entraîneurs). En plus, contrairement à Schalke et à Dortmund, Bochum est un club sain, sans problèmes financiers. Le budget restera le même, quelles que soient les victoires ou les défaites de l’équipe « . De quoi rendre l’exploit de la saison passée encore plus fort.  » Le club a beaucoup progressé en quelques années « , ajoute le joueur Raymond Kalla.  » Et on sent qu’on est en train d’écrire l’histoire « .

Car peu importe la place dans le championnat. Ce dernier est pleinement réussi si on termine devant les deux autres sociétaires de la Ruhr, cette région industrielle qui a remplacé ses mines de charbon qui employaient 23.000 mineurs au début du siècle passé, par des clubs de foot. L’histoire pourrait d’ailleurs bégayer cette saison. Après trois journées, Bochum avait pris la cinquième place avec une victoire et deux nuls. De quoi pointer juste devant Dortmund et Schalke.

Toujours invaincu

Samedi, Bochum recevait Dortmund avec, en jeu, le titre de N. 1 in der revier (N°1 de la région). Et c’est sur l’air de ce chant que les 32.200 spectateurs lançaient les hostilités.  » Nous n’avons pas un public aussi nombreux qu’à Schalke ou Dortmund « , commente Meinhold.  » Mais dans ces deux clubs, les supporters viennent de loin pour nous soutenir. Nous avons plus une base locale et, avec celle-ci, on peut compter sur 11 550 abonnés « . Le match de l’année allait accoucher d’un partage, de quatre buts (2-2), de deux goals annulés et d’un penalty manqué, le tout agrémenté par le retour de Sunday Oliseh, limogé par Bochum la saison dernière après avoir asséné un coup de tête à son coéquipier d’alors, l’Iranien Vahid Hashemian, et copieusement sifflé tout au long du match. Au bout du compte, une suprématie régionale conservée au soir de la quatrième journée.  » On n’a pas été capables de marquer toutes nos occasions « , analysait l’entraîneur Peter Neururer.  » Mais pour le même prix, on aurait pu tout perdre « .

Dans un audacieux système de 4-5-1 qui se mue souvent en possession de ballon en 4-3-3, Bochum a pris de vitesse, dès le début, son adversaire du jour. En pointe, le grand Tchèque Vratislav Lokvenc sert de pivot. Comparé souvent à Jan Koller dont il est la doublure en équipe nationale, Lokvenc sait se battre pour harceler la défense mais est bien moins vivace que l’ancien Anderlechtois. Pour le servir, des flancs rapides permettent d’étirer au maximum le terrain. Peter Madsen est un véritable poison pour la défense. Combatif, passeur, centreur, le Danois est plus qu’une rampe de lancement. Pourtant, Neururer devra s’en passer pour le match aller contre le Standard suite à un carton rouge reçu il y a trois ans en Coupe d’Europe. A gauche, le Sénégalais Mamadou Diabang fait parler sa technique quand on lui laisse un peu d’espace. Malade, il n’a disputé contre Dortmund qu’une mi-temps.

En milieu de terrain, Bochum s’appuie sur deux plaques tournantes. L’ancien international Darius Wosz, qui a fait l’essentiel de sa carrière à Bochum mis à part une parenthèse de trois ans au Hertha Berlin, possède à 35 ans une vista remarquable. Capable de distiller une passe de 30 mètres, il ne peut cependant plus être au four et au moulin. L’ancien Lierrois Tomasz Zdebel sert de deuxième pourvoyeur de ballons. Il joue plus bas et touche énormément de cuirs.  » C’est un jeu de passes courtes avec peu de vitesse mais beaucoup de mouvement « , analyse Sven Görhardt, journaliste de TV NRW.

Enfin, la défense peut compter sur un gardien d’expérience, le Néerlandais Rein Van Duijnhoven, 36 ans, inconnu du grand public et pourtant élu depuis trois ans meilleur gardien de Bundesliga au nez et à la barbe d’ Oliver Kahn. Devant lui, le Camerounais Raymond Kalla et le Slovène Alexander Knavs règlent le contrôle aérien. Kalla monte à chaque phase arrêtée alors que Knavs sort souvent gagnant des duels à un contre un.

Mais cette équipe possède ses faiblesses. En première mi-temps contre Dortmund, elle s’est montrée aussi à l’aise pour faire le jeu que pour agir par contres. Pourtant, la deuxième période s’est avérée beaucoup moins convaincante. Le banc n’a pas l’ampleur du 11 de base et l’équipe perd ses repères une fois le rythme haussé. L’axe défensif devient brouillon et révèle son déficit de vitesse.  » C’est vrai que les deux défenseurs centraux ont fait preuve de laxisme contre Dortmund « , ajoute Neururer.  » Mais c’est inhabituel car normalement, il s’agit de notre point fort. Nous avons eu la troisième défense du championnat la saison passée en n’encaissant que 39 buts « .

En attendant, après avoir maîtrisé la première mi-temps ponctuée par un but de Kalla (deuxième goal de la saison), Bochum allait perdre toute sa confiance en prenant en dix minutes deux goals de Koller et d’ Ewerthon, à chaque fois sur des combinaisons au départ d’une phase arrêtée. Mais les Bleu et Blanc ont su trouver l’énergie nécessaire pour arracher l’égalisation, prolonger leur bail de caïd régional et rester invaincus au bout des quatre premières journées.

Des ambitions mesurées

Le club ne va pas s’enflammer pour autant. Niché en bordure d’une ville universitaire de 400.000 âmes et vieux de 156 ans, le Verein für Leibesübungen (VfL) Bochum va continuer à travailler. Avec comme objectif premier : s’inscrire à long terme en Bundesliga. Car le club veut faire taire la légende qui le condamne à l’ascenseur. Avec quatre rétrogradations en 14 ans, Bochum s’est fatigué de cette situation et veut construire pour aspirer à la stabilité. A l’image de son entraîneur Peter Neururer.  » La vedette, c’est lui « , commente Sven Görhardt. Moustachu, proche de ses joueurs, jamais avare d’un bon mot ou d’une bonne facétie lors des entraînements, Neururer, 49 ans, est l’homme du dernier sacre de D2. Celui qui a sauvé la saison 2001-2002 des Bleu et Blanc, en reprenant le club en décembre 2001 et en lui offrant une promotion inespérée. Depuis lors, celui qui avait pourtant écumé les équipes avec pas moins de 12 clubs à son actif, s’est posé mais a continué à construire son image, celle d’un homme qui vient entraîner tout de cuir vêtu en Harley Davidson. Il fallait pourtant relever le challenge sportif car succéder à des entraîneurs comme l’ancien international Bernard Dietz ou Klaus Toppmöller était loin d’être une sinécure.

Malgré une deuxième qualification européenne dans l’histoire du club, Neururer garde la possibilité de bâtir Bochum sans la pression des résultats.  » Nous serons déjà très contents avec une place dans les 10 premiers « , étonne Meinhold.  » Je veux juste que le club se montre plus à son avantage en Coupe d’Allemagne car l’année passée, nous avons été éliminés d’entrée. Et puis, il s’agit du chemin le plus court pour être européen « , ajoute-t-il. Un objectif modeste qui tient compte des réalités de l’intersaison. Car la victoire a un prix et le bon comportement de Bochum a eu quelques mauvaises répercussions. Les pontes de la Bundesliga se sont empressés de venir piller les maigres richesses de la Ruhr. L’Iranien Vahid Hashemian, auteur de 22 buts la saison passée, est parti au Bayern Munich, Paul Freier a rejoint le Bayer Leverkusen et Frank Fahrenhost a tapé dans l’£il des champions en titre, le Werder Brême. Soit un pion important dans chaque secteur de jeu, sans compter le départ de Sunday Oliseh, retourné à Dortmund.  » Nous avons perdu trois grands joueurs « , analyse Meinhold.  » Et pour les remplacer, nous avons acquis huit nouveaux éléments. Il faut le temps de les intégrer et nous leur donnons une saison « .

Lokvenc, Knavs, Filip Trojan, Zvjezdan Misimovic, Tommy Bechmann, Christoph Preuss, Marcel Maltritz et Ersan Tekkan sont arrivés mais les automatismes doivent encore se créer.  » On a bien acheté « , explique Kalla.  » Mais ce sera malgré tout très difficile pour nous de refaire le coup de la saison passée. Il faut jouer ensemble et nous laisser le temps de nous connaître. Malgré notre bon début de championnat, on peut voir que certaines passes sont encore trop approximatives et que nous n’arrivons pas encore à reproduire le beau football de l’année dernière « .

Jouer plus que jamais la carte du collectif, c’est par là que passera la solution.  » Il n’y a pas de stars ici « , clame Mamadou Diabang.  » Et tout le monde travaille pour chacun. On est ensemble et on regarde tous dans la même direction « .

Tomasz Zdebel :  » On a tout basé sur le collectif, et même si on ne joue pas encore comme on veut, même si on dit qu’on a perdu en qualité, si on sauve ce collectif, on peut aller loin « .

Cet horizon lointain pourrait être européen. Personne n’ose l’avouer mais une élimination au premier tour de la Coupe UEFA et un rendez-vous manqué avec le système des poules constituerait un premier échec dans le chantier de reconstruction du club.

Stéphane Vande Velde

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