Museeuw, champion du monde!

Dix grands connaisseurs et parties prenantes donnent leur tiercé gagnant pour les championnats du monde de Zolder, dimanche prochain.

OSCAR FREIRE (Esp., tenant du titre et favori)

L’Espagne est le seul pays à prendre le départ avec un seul leader. Cela entraîne-t-il un surcroît de pression?

Ne pas compter de coureurs qui pourraient rouler contre moi est positif. Comme le parcours est assez plat, le sélectionneur a décidé de miser sur moi car l’Espagne n’a guère de coureurs aptes à faire la différence au sprint. Les deux parcours au terme desquels j’ai été sacré champion du monde étaient plus sélectifs. J’aime les courses dures car elles réservent moins de surprises: en tête, on ne retrouve que les meilleurs. A Zolder, la météo jouera un rôle décisif. Ce sera un Mondial atypique mais un événement spécial. Après tout, cette épreuve a bouleversé ma vie. Et on s’habitue au maillot arc-en-ciel. Sans lui, je me sentirais tout nu. (il rit). JOSE DE CAUWER (Sélectionneur belge)

L’équipe belge est essentiellement composée de francs-tireurs. Qui va travailler pour qui?

Chacun roulera pour les autres. Dès qu’un peloton se détache, un des coureurs doit le rejoindre. C’est pour ça que j’ai préféré des bons coureurs à des serviteurs. Nous avons deux tout bons coureurs, Johan Museeuw et Peter Van Petegem, ainsi que des jeunes dont j’attends quelque chose aussi.

Van Petegem et Museeuw sont vos deux leaders?

Si, à table, il n’y a que deux chaises avec des accoudoirs, les autres membres de la sélection les laisseront à Museeuw et à Van Petegem, parce qu’ils respectent leurs palmarès. En cyclisme, ça reste le meilleur indicateur de votre valeur. Un coureur sait aussi à quel point tout va vite quand un autre roule en tête.

Vous attendez beaucoup de Jo Planckaert aussi, non?

Ce parcours est taillé à sa mesure. Il ne doit pas tenir compte des points UCI, comme chez Cofidis. En d’autres termes, il ne doit pas rouler pour une septième place mais pour la première. Je ne dis pas qu’il va gagner mais qu’on va voir un autre Jo Planckaert.ROBBIE MCEWEN (Austr., favori)

Robbie, vous êtes en forme. Qui peut vous battre à Zolder?

(Il rit).Je me considère comme un des favoris si la course s’achève au sprint mais je ne suis certainement pas le seul.

Vous n’êtes pas le seul leader d’une formation australienne très solide. Baden Cooke, Bradley McGee et Stuart O’Grady ont également un statut privilégié. Vous allez devoir rouler très tactiquement.

Avec quatre ou cinq coureurs protégés, il en reste sept qui roulent à votre service. Nous allons envoyer des hommes dans les échappées mais nous allons surtout tenter d’amener le peloton à un sprint massif. Des équipes qui n’ont qu’un bon sprinter, comme l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie et l’Australie, peuvent leur offrir les services de six ou sept coureurs. Il y a donc de fortes chances qu’on termine au sprint mais ce n’est pas certain.

La Belgique et les Pays-Bas comptent pas mal de coureurs Lotto, vos amis. Espérez-vous qu’ils vous fassent une fleur à Zolder?

Nous ne nous mettrons pas de bâtons dans les roues. Le Slovène Derganc et Guido Trenti, qui est Américain, roulent dans l’équipe de Cipollini. Telekom n’a pas que des Allemands. L’implication des équipes complique donc le jeu.ERIC VANDERDAERDEN (Directeur de Mapei)

Mario Cipollini est considéré comme le favori numéro un, mais l’équipe italienne a toujours eu du mal à former un bloc solide…

L’Italie a une magnifique occasion de gagner avec Cipollini. Reste à voir si tout le monde est de cet avis. D’après moi, l’Italie va connaître les mêmes problèmes que dans le passé. Je ne peux m’imaginer qu’un Bettini en forme laisse filer sa chance s’il se trouve dans le peloton de tête.

Oserait-il attaquer à deux kilomètres de l’arrivée?

Certainement.

Le Mondial est-il important pour lui?

Il veut avant tout remporter la Coupe du Monde mais il sent qu’il a sa chance à Zolder.

On raconte que le sélectionneur, Ballerini, un ancien coéquipier de Cipollini, est l’homme idéal pour resserrer les rangs. Vous y croyez ?

Peut-être, je n’en suis pas si sûr.

Si vous étiez à la place de Ballerini, quelles consignes donneriez-vous à l’Italie ?

Tout pour Cipollini, car il y a de fortes chances que l’épreuve se termine par un sprint massif.MARC WAUTERS (Bel., court pour Rabobank, P-B)

Le Néerlandais Harm Ottenbros, champion du monde en 1969, lors du précédent Mondial de Zolder, sera-t-il suivi par un compatriote?

Difficile à dire. Les Néerlandais sont un peu dans la même situation que nous. Ils sont obligés de miser sur l’attaque, sans spéculer sur un sprint. Ils doivent participer aux échappées avec le plus de coureurs possible. D’ailleurs, sur le circuit de Zolder, n’importe quel coureur peut briguer un prix, s’il est dans un bon jour.

Comment va Erik Dekker, votre compagnon de chambre à Rabobank?

Erik n’était pas en forme. Il n’a pas voulu participer au contre-la-montre puis a compris qu’il ne serait pas non plus en mesure de jouer les premiers rôles sur route. Il a donc décidé de faire l’impasse sur Zolder.

éa vous épargne un problème. Museeuw avait dit: -Si Dekker court, Wauters roulera en tête mais pas à 100%.

Erik et moi sommes coéquipiers toute l’année. On ne pouvait donc espérer que je comble l’écart. Si Bettini s’échappe, Museeuw ne le rejoindra pas non plus. Les coureurs de Rabobank ne vont pas me pourchasser avec beaucoup de conviction.WALTER GODEFROOT (manager de Telekom, l’équipe de Zabel)

Toute l’équipe allemande va-t-elle rouler au service de Zabel ?

Je ne pense pas. La moitié de l’équipe roule pour Telekom mais il y a aussi Danilo Hondo, rapide et motivé. Olaf Ludwig, le sélectionneur, doit prendre sa décision. Je ne sais pas non plus si les coureurs de Gerolsteiner et les autres vont rouler pour Zabel. Je pense toutefois qu’il va y avoir des mises au point.

Au Tour d’Espagne, Zabel a été constamment trop court. Ludwig pourrait-il en tenir compte dans sa tactique?

Là, je peux vous citer quatre coureurs qui ont été plus rapides que Zabel toute l’année mais après 260 kilomètres, c’est une autre paire de manches. La première question, c’est: assistera-t-on à un sprint massif? C’est possible. Personnellement, je n’y crois pas.

Zabel a disputé toute la Vuelta, contrairement à Freire et Cipollini, entre autres. Etait-ce une bonne idée, en prévision du Mondial?

Zabel n’abandonne pratiquement jamais. Il a quand même gagné le maillot à pois. Il aurait peut-être mieux valu qu’il lève le pied mais il récupère extrêmement vite. Je m’attends à le voir en bonne condition à Zolder.PAUL VAN HYFTE (Bel., court pour CSC-Tiscali, l’équipe de Jalabert)

Quelles sont les chances de Laurent Jalabert, selon vous?

Je l’ai vu rouler au GP Van Steenbergen et à Fourmies. Il est très ambitieux mais il devra sans doute tirer son plan tout seul. Je doute que les Français jouent la seule carte Jalabert. La sélection hexagonale recèle beaucoup de coureurs offensifs. Seule l’Espagne fait vraiment figure d’équipe, mais je crois fermement aux chances de Jalabert.

Il souhaite effectuer des adieux en beauté mais il est en mesure de poursuivre sa carrière.

Il peut encore tourner trois ou quatre saisons parmi l’élite mais quand il a annoncé qu’il mettrait fin à sa carrière, il avait déjà l’intention de se mettre en valeur pendant sa dernière année. Je trouve qu’il a de la classe. Même s’il est sacré champion du monde dimanche, il ne reviendra pas sur sa décision.CLAUDE CRIQUIELION (directeur de Lotto, l’équipe de Van Petegem et McEwen)

Qu’espère le directeur de Lotto de ses poulains ?

Van Petegem a montré sa condition au Franco-Belge. Il a travaillé en fonction de ce Mondial et fait partie des favoris. Niko Eeckhout est également capable de jouer un rôle en vue. Mais sans le moindre doute, Robbie McEwen va être avantagé par ce parcours plat. Il fait partie du cercle restreint des favoris. La concurrence n’était pas redoutable au Franco-Belge mais la façon dont il s’est imposé au sprint était impressionnante. Selon moi, si on en arrive à un sprint massif, Robbie est le seul coureur capable de battre Cipollini.

Le Mondial est la seule épreuve de l’année courue en équipe nationale. De Cauwer parviendra-t-il à unir ses troupes, afin qu’elles tirent à la même corde, et que, par exemple, Eeckhout ne donne pas un coup de main à McEwen, son coéquipier?

Je pense que les Belges sont suffisamment honnêtes vis-à-vis de leurs coéquipiers d’un jour. En 1984, quand j’ai été champion du monde, nous avions pour la première fois une équipe. Avant, c’était chacun pour soi. Merckx et De Cauwer ont ensuite réussi à former un bloc soudé. JO PLANCKAERT (Bel., outsider)

Pour José De Cauwer, vous avez rapidement été une certitude. Il attend quelque chose de Jo Planckaert. Mais vous-même, qu’espérez-vous ?

Chaque coureur sélectionné espère pouvoir jouer un rôle. Le circuit n’est pas très dur, donc je suis peut-être capable de réaliser quelque chose.

De Cauwer présente les choses ainsi: -Pour une fois, Planckaert ne devra pas courir pour la septième place mais pour la première.

(Il rit). C’est peut-être vrai. Il ne doit quand même pas exagérer avec la septième place mais c’est vrai: ces dernières années, je gagne difficilement. C’est dû à mon contrat chez Cofidis. Nous sommes payés au point et il est généralement plus avantageux de terminer trois fois deuxième que de gagner une épreuve. Un contrat de cette nature vous empêche de jouer quitte ou double. J’ai maintenant assez de points et je peux rouler comme je le veux au Mondial, comme je l’ai fait à Paris-Bruxelles. Nous sommes partis à cinq ou six mais nous avons été rattrapés à 500 mètres du finish. Avant, j’aurais attendu le sprint et j’aurais terminé parmi les cinq premiers. Mais ce n’est pas comme ça qu’on a une chance de gagner. En roulant plus agressivement, je peux l’emporter. Qui sait, si tout se passe bien dimanche? PATRICK LEFEVERE (manager de Domo-Farm Frites, l’équipe de Museeuw)

Un titre mondial de Johan modifierait-il les plans de Quick-Step-Latexco ?

Non. On peut s’y attendre, avec un coureur comme Museeuw. Combien de fois n’a-t-il pas déjà suscité la surprise? Avant Lugano, il voulait mettre fin à sa carrière, mais il a quand même été champion du monde.

C’est un thème récurrent depuis quelques années: quand Museeuw arrêtera-t-il? Il aurait peut-être dû le faire cette année, après sa troisième victoire à Paris-Roubaix…

Il souhaite finir en beauté mais il aime tellement courir qu’il recule sans cesse la date de sa retraite. Je pense qu’un jour, en rentrant chez lui, il se dira: c’est fini.

Vous n’êtes pas content de la sélection belge.

Je ne suis évidemment pas sélectionneur mais sur base des performances de Johan sur l’ensemble de sa carrière, je lui aurais accordé deux coéquipiers. J’ai mes doutes quant à la forme et à la sélection de Jo Planckaert. Je redoute que plusieurs coureurs ne pensent qu’à leur honneur.

Roel Van den Broeck

« Cela va se jouer dans un sprint massif » (Robbie McEwen)

« On n’assistera pas à un sprint de masse » (Walter Godefroot)

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