Musée de l’holocauste et yeux bleus

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué, en Israël?

Davy Cooreman (31 ans): Le musée de l’holocauste. Dans une chambre sombre, des milliers de petites lampes sont allumées, une par enfant, et une bande préenregistrée cite leurs noms. C’est très impressionnant.

Avez-vous eu l’occasion de visiter beaucoup le pays?

Nous sommes peu sortis, si ce n’est pour aller à la plage. Nous allions rarement au restaurant. Par contre, nous fréquentions assidûment la piscine d’un hôtel de luxe, à cinq minutes de chez nous. Nous étions à 40 minutes de la Méditerranée, à une heure de le Mer Morte, à quelques heures de la Mer Rouge. La Mer Morte en vaut la peine: on peut vraiment flotter en lisant son journal, tant l’eau est chargée de sel. Après, mieux vaut se doucher. Et inutile de préciser qu’une écorchure est très douloureuse, quand on y plonge! Quand il a plu, le niveau remonte sur les bords de la mer et des plantes commencent à pousser. C’est fabuleux de voir comment la vie reprend le dessus, même si la canicule suivante anéantit tout.

L’intifada a commencé quelques mois après votre arrivée. Dans quel climat avez-vous vécu ces deux années?

Nous effectuions les déplacements en bus. éa vous trotte dans la têtecar on ne sait jamais ce qui peut se produire. Les attentats visent généralement des endroits fréquentés: bus, restaurants, rues commerçantes. Je suis revenu en Belgique à cause de l’insécurité. Le club a d’ailleurs été très fâché de mon départ et j’ai eu peur, en voyant l’échéance du 31 août se rapprocher, de ne pouvoir jouer à La Louvière et de devoir retourner là-bas. Ne pas pouvoir jouer avec les autres était dur, aussi. J’ai vécu deux mois de stress terrible. Pour en revenir à Israël, Nancy et moi nous disons souvent que nous avons passé deux ans de vacances! Le temps était toujours beau, sauf en janvier et février. Mais notre famille et nos amis nous ont manqué. Les Israéliens sont fous de foot. Etre connu est agréable car en plus, ils ne s’accrochent pas à vous. Ce sont surtout les enfants qui demandent un autographe. Le football lui-même est exigeant: les étrangers sont transférés pour améliorer le niveau des équipes mais les Israéliens ne sont pas patients: au bout d’un mois, si vous ne prestez pas, vous êtes dehors. Heureusement, je me suis rapidement adapté, même si l’absence de Nancy, les premiers temps, puis pour son accouchement, m’a pesé.

Vous intéressez-vous toujours à ce qui s’y passe?

Oui, je regarde le télétexte. Quand nous entendons parler de la situation là-bas, nous interrompons la conversation pour écouter. C’est un si beau pays. Je comprends pourquoi la Palestine le veut et pourquoi Israël ne veut pas le lâcher. Il a tout: la mer, les montagnes et le ski, le climat…

Quels sont vos loisirs?

Aucun! Je me lève à sept heures pour rejoindre La Louvière. Je reviens en début d’après-midi. Nous allons bientôt emménager dans notre maison. Je dois avouer que je ne fais pas grand-chose: que voulez-vous entreprendre quand il vous reste deux ou trois heures, l’après-midi par-dessus le marché? Nous habitons actuellement chez les parents de Nancy. Heureusement que son père fait tout. Je m’occupe aussi de Kirina, notre fille de sept mois, et de Dante, mon fils de huit ans. L’écrivain italien et Dante Brogno m’ont inspiré. Il est aussi footballeur: attaquant ou médian. Il joue en Diablotins. Mais je ne voudrais pas qu’il devienne professionnel: le football n’évolue pas positivement pour les joueurs. On va en revenir à des salaires d’ouvriers pour la majorité. Je veux qu’il ait de bonnes notes à l’école.

Vous faites-vous au Limbourg?

J’ai habité Alost et Gand. Je suis plutôt un homme de la ville. La nôtre, maintenant, c’est Maastricht. Riemst est calme, parfois trop, mais je m’y fais.

Quelles sont les caractéristiques de Nancy?

Elle est très patiente, alors que je ne suis pas facile (Nancy: « En deux ans, il a dû supporter beaucoup de stress ».) Elle est compréhensive . Très sociable, aussi.

Avez-vous des projets pour l’après-football?

J’ai appris la mécanique mais en 14 ans, ça a évolué. J’espère, comme beaucoup, rester dans le monde du football. Je vais suivre les cours d’entraîneur l’année prochaine. Ces deniers temps ont été trop mouvementés pour que j’entame déjà les cours.

Comment avez-vous vécu ces deux ans en Israël?

Nancy Loverix (31 ans): C’est un beau pays mais je m’y suis ennuyée, à la longue, ne pouvant travailler. Le climat était fantastique. Je promenais Kirina dans des tenues légères alors que les Israéliens emmitouflaient leurs enfants: ce qui est agréable pour nous est froid pour eux! Je suis contente d’être revenue à cause des problèmes de sécurité. Davy n’a jamais été fouillé, avec ses yeux bleus. Il ne pouvait être palestinien. Moi bien. Et puis, même si je n’ai jamais rien vu, je savais que tout pouvait basculer d’un instant à l’autre.

Parlez-nous de votre métier?

Je suis infirmière indépendante. Nous travaillons à trois. J’ai deux super collègues. Nous nous arrangeons pour qu’une d’entre nous soit toujours en congé. Deux travaillent le matin, une le soir et l’autre est libre. Je peux donc m’organiser pour être là en même temps que Davy. Ces horaires me permettront aussi d’être présente pour Kirina quand elle reviendra de l’école, plus tard. Nous avons beaucoup de contacts avec nos patients. Les personnes âgées aiment qu’on leur raconte ce qui se passe. Elles attendent notre visite avec impatience. Mais je dois dire que pendant mes stages en milieu hospitalier, j’avais également beaucoup de contacts avec mes patients.

Comment avez-vous rencontré Davy?

Il y a quatre ans, pendant le Mondial. J’étais à Ténériffe avec Sabrina, une amie. Je ne m’intéressais pas au football mais c’était Belgique-Pays-Bas. Sabrina m’a convaincue de suivre le match dans un café. Il était complètement orange! Nous avons changé de place et j’ai rencontré Davy. Nous avons bavardé, dans l’euphorie du 0-0, et convenu de rester en contact en Belgique. Il est rentré de vacances un dimanche et le lundi, il était à ma porte! Nous nous sommes mariés il y a deux ans et demi.

Et maintenant, aimez-vous le football?

Oui. Enfant, entraînée par mon frère, j’étais supportrice d’Anderlecht… sans regarder les matches. Maintenant, je suis même des rencontres qui n’impliquent pas Davy. Il est normal que je m’intéresse à son métier. Il aime que je suive ses matches. Il a besoin de la confiance de l’entraîneur et de son entourage. Je commente ses matches mais positivement et je laisse passer un peu de temps, surtout quand le résultat n’est pas bon. Dans ces cas-là, j’attends le lendemain et je commence par les points positifs. Je me rappelle le match du titre, en Israël: il se jouait au stade national. Imaginez-vous: 50.000 personnes avaient fait les 130 kilomètres pour assister à la rencontre. Davy a marqué le premier but et le quatrième. Son club, qui attendait la montée depuis trois ou quatre ans, était antépénultième en décembre et a été champion de D2. Toute la famille avait fait le voyage. Le renvoi de l’entraîneur a tout changé. Le premier était dur. Un ancien militaire. Lors d’un stage à Lanaken, Davy souffrait d’une déchirure. Il prétendait le faire jouer. J’ai pris contact avec l’hôpital. L’échographie a montré qu’il s’agissait vraiment d’une déchirure de deux centimètres. Pourtant, il a encore insisté.

Comment avez-vous décoré votre maison?

Dans des tons clairs, du beige. Les meubles sont anciens mais polis. Davy et moi avons les mêmes goûts. Il se repose sur moi.

Avez-vous des hobbies?

Peu car je veux consacrer du temps à ma fille et la maison m’accapare, pour l’instant. Davy et moi jouons parfois au ping-pong. Mais je veux gagner et je n’y arrive pas. Il a un tel sens de la balle. Comme Dante, d’ailleurs. La première fois que Davy a joué au tennis, contre mon frère, il s’est imposé 6-0, dans les trois sets. En Israël, l’ordinateur nous permettait de nous tenir au courant de ce qui se passait en Belgique. Nous nous connections sur VTM.

Décrivez-nous Davy…

Il a de beaux yeux! Il est nerveux, il a besoin qu’on s’occupe de lui mais il est très attentionné.

Pascale Piérard

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