MURRAY FIELD

Pendant tout un week-end, nos meilleurs tennismen ont représenté le pays devant un public déchaîné. Impressions de Flanders Expo, où l’équipe belge de Coupe Davis s’est cassé les dents sur un Andy Murray monstrueux.

Elle est là, au bord du terrain, l’imposante Coupe Davis : 110 cm de haut, 107 cm de diamètre et 105 kg. Elle a été achetée en 1899 par Dwight Filley Davis, un étudiant de Harvard âgé de 20 ans qui avait disputé deux fois de suite la finale de l’US Open et rêvait depuis des années d’un match contre la Grande-Bretagne, le pays qui a inventé le tennis.

Davis remporta les deux premières éditions (1900 et 1902), lorsque l’épreuve ne se disputait encore qu’entre les Etats-Unis et les Iles Britanniques. Elle ne fut rebaptisée Coupe Davis qu’après la Deuxième Guerre mondiale et devint alors une compétition prestigieuse à laquelle 126 pays ont pris part cette année.

Avec une finale surprenante entre la Grande-Bretagne (victorieuse à neuf reprises, certes, mais son dernier succès datait de 1936 et, il y a cinq ans, elle avait failli descendre en 4e division) et la Belgique, qui n’avait disputé la finale qu’en 1904, année où William le Maire de Warzée d’Hermalle et Paul de Borman s’étaient inclinés 5-0 à Londres.

Cette année-là, le long des terrains en herbe de Worple Road, l’ancien Wimbledon, l’assistance n’était composée que d’une centaine de notables de l’All England Lawn Tennis and Croquet Club en costume trois pièces. Le contraste avec l’édition 2015, la 114e, ne pouvait être plus saisissant puisque le Flanders Expo a fait le plein pendant trois jours. Trois fois 13.000 personnes maquillées, coiffées de chapeaux de cow-boys, armées de trompettes et de cloches et enveloppées dans le drapeau de leur pays.

COME ON, JU

Le vendredi, David Goffin (ATP 16) ouvrait les débats face à Kyle Edmund, 100e joueur mondial, né en… Afrique du Sud. Entamer une finale de Coupe Davis n’est jamais facile pour les favoris. Par le passé, seul John McEnroe y était arrivé avec succès. Pete Sampras et Henri Leconte avaient, eux, craqué sous la pression.

Kyle Edmund n’a que 20 ans mais, en 2013, il a remporté Roland Garros juniors. Et voici peu, il s’est imposé dans un challenger en Argentine.  » C’est un joueur qui peut prétendre au Top 50 mondial « , dit John Lloyd, commentateur pour la BBC. L’ex-mari de Chris Evert n’est pas n’importe qui. Il a notamment disputé l’avant-dernière finale de la Grande-Bretagne, en 1978 (défaite 4-1 face aux Etats-Unis) avant de devenir le capitaine de l’équipe de Coupe Davis, dont il fut limogé en 2010, lorsqu’elle faillit se retrouver en quatrième division.

 » Je me souviens très bien de ce match en Lituanie. Au cours du match décisif, un supporter a crié : John, demain tu seras viré. J’avais juste envie de lui lancer une balle en pleine figure (il rit). C’est incroyable que, cinq ans plus tard, on ait une bonne chance de remporter la finale. Car Kyle peut causer la surprise.  »

De fait, il mène 5-0 dans le premier set. Goffin tente de s’accrocher mais il est mené deux sets à rien. Au bord du terrain, une trentaine d’Ecossais font la fête. Ce sont des étudiants universitaires. Ils portent les couleurs de la Stirling Uni Barmy Army qui, depuis 2009, accompagne l’équipe aux quatre coins du globe.  » L’ambiance est terrible et l’endroit aussi « , dit Jamie MacDonald en tapant sur sa grosse caisse.

Sur le court, David Goffin se bat pour revenir et finit par s’imposer de façon convaincante. Les supporters belges sont déchaînés. David Goffin montre le sol du doigt : On est chez nous.

Ce n’est pas Steve Darcis mais Ruben Bemelmans qui affronte ensuite Andy Murray. Un choix tactique de Johan Van Herck, qui sait que c’est mission impossible et veut épargner Darcis. Celui-ci connaît des moments difficiles car son coach et ami Julien Hoferlin vient d’être opéré d’une tumeur au cerveau. Dans la tribune, plusieurs fans portent un T-shirt personnalisé sur lequel on peut lire : Come on, Ju.

Bemelmans joue bien et hérite même d’une balle de set mais Murray est trop fort, même s’il perd un peu la tête, ce qui lui vaut un avertissement sous les huées des fans belges.  » Ça fait partie de la Coupe Davis, l’ambiance est chouette, ici « , dit Murray, un rien cynique.

COUP DOUBLE

Samedi, au bord du terrain, on retrouve Henri Leconte, consultant pour Eurosport et vainqueur du trophée en 1991, lorsqu’il avait battu Pete Sampras, alors 6e mondial, en match d’ouverture.  » Moi, j’étais 158e… (il rit). C’est ça, la Coupe Davis. Il y a toujours des surprises.  » Cette fois aussi ?  » Ça me paraît peu probable. Andy sait ce que jouer sous pression veut dire. Et surtout, il veut vraiment remporter cette coupe.  »

Pas de surprise dans l’équipe britannique.  » Andy et Jamie ont tellement bien joué lors des deux derniers matches que je suis obligé de les aligner « , avait dit Leon Smith avant le match. Bien joué ? En quarts de finale contre les Français Nicolas Mahut et Jo-Wilfried Tsonga, certes mais en demi-finale, face à l’Australie, ils avaient peiné pour venir à bout du vétéran Lleyton Hewitt (ATP 304) et de Samuel Groth (ATP 60). Van Herck le savait et il avait fait appel au jeune retraité Michael Llodra, un spécialiste du double, afin de préparer la paire Goffin/Darcis.

Chez les Murray, l’émulation a toujours été forte. Au tournoi de Solihull, Andy, alors âgé de 10 ans, avait battu son frère en finale. Dans la voiture, sur le chemin du retour, il avait continué à le charrier. Aujourd’hui encore, on peut voir les conséquences de ce moment sur l’annulaire du gaucher : un ongle noir. Mais les Murray s’entendent désormais parfaitement et une seule balle de break leur suffit pour remporter le premier set.

Dans la deuxième manche, le bloc s’effrite toutefois et les Belges en profitent pour égaliser. L’ambiance monte encore d’un cran et l’arbitre, Carlos Ramos, doit répéter plusieurs fois Quiet, please. Il y a des hamburgers, de la bière… On se croirait au foot. Dans la troisième manche, les Liégeois font rapidement le break mais ils ne parviennent pas à conserver leur avance tandis qu’Andy Murray, monstrueux, entraîne son frère vers la victoire.  » La différence était minime « , soupire Van Herck.  » Dans les trois premiers sets, nous avons eu des possibilités mais nous ne les avons pas exploitées.  »

MISSION IMPOSSIBLE

Dimanche. Goffin défie Andy Murray dans Mission Impossible 2. Le Liégeois joue bien. Par moments, il fait douter Murray mais même dans les moments difficiles, le numéro 2 mondial finit toujours par se tirer d’affaire : 6-3, 7-5, 6-3 mais près de trois heures de match. Jeu, set et match. Ce n’est pas la Belgique qui a gagné. Ce n’est pas la Grande-Bretagne non plus. C’est Andy Murray.

Comme en 2013, lorsqu’il avait battu Novak Djokovic et était devenu le premier Britannique à s’imposer à Wimbledon depuis Fred Perry, il écrit une nouvelle page d’histoire. Petit à petit, il réussit là où Tim Henman avait échoué : faire oublier Perry. Des larmes de joie coulent sur son visage.

 » Nous devons être fiers « , dit Johan Van Herck. Nous nous sommes bien préparés et nous avons fait les bons choix mais la Grande-Bretagne était plus forte que nous. Quand on voit comment Andy a joué aujourd’hui, on se dit qu’on ne pouvait pas faire mieux.  »

C’est la fin d’un rêve. En mars prochain, il faudra remettre l’ouvrage sur le métier face à la Croatie, qui compte trois joueurs du Top 100 – Marin Cilic (ATP 13), Ivo Karlovic (ATP 23) et Borna Koric (ATP 44). En cas de victoire, la Belgique se rendra aux Etats-Unis ou en Australie à l’occasion des quarts de finale. Mais on n’en est pas encore là. Actuellement, les Belges veulent savourer cette année 2015.

PAR CHRIS TETAERT – PHOTOS BELGAIMAGE

Andy Murray est en train de réussir là où Tim Henman a échoué : faire oublier Fred Perry.

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