MSN VS BBC

Dimanche, c’est de nouveau jour de clásico en Espagne. Le coup d’envoi du match entre le Barça et le Real sera donné à 21 h 00. Qui émergera ? Le tridente Messi-Suárez-Neymar ou plutôt le trio Bale-Benzema-Cristiano Ronaldo ?

Lors de la conférence de presse qui précédait l’affrontement de Ligue des Champions contre Schalke 04, aucune question n’a été posée à Carlo Ancelotti au sujet de l’adversaire, ni au sujet de la campagne européenne du Real Madrid, et encore moins au sujet du 0-2 du match aller. Une seule question brûlait les lèvres des journalistes présents. La même question qui, selon les initiés, hante les nuits de certains joueurs et membres de la direction : pourquoi ne renvoyez-vous pas Gareth Bale – en petite forme jusqu’au match contre Levante – sur le banc ? Pourquoi vous accrochez-vous à ce 4-3-3 avec le trio Bale-BenzemaCristiano en pointe ? Pourquoi ne passez-vous pas en 4-4-2 ? Le journaliste britannique Sid Lowe, qui suit le championnat d’Espagne depuis des années pour The Guardian et World Soccer, a traduit cette question de la sorte :  » Time to change the channel ? The BBC is not what it used to be.  »

Le coach italien a répondu de façon imperturbable :  » Si je dois renvoyer Bale sur le banc parce que son rendement est insuffisant, je devrais y renvoyer toute l’équipe. Bale ne peut pas être satisfait de ses prestations. Il en est parfaitement conscient et il va essayer d’élever son niveau.  » Ancelotti a ajouté :  » Aussi longtemps qu’ils se sentent bien, je ne toucherai pas à mes trois attaquants. Ils jouissent de ma pleine confiance. N’ayez aucun doute à leur sujet. Ils ont traversé un petit creux, comme toute l’équipe. Les autres joueurs n’évoluent pas davantage à leur meilleur niveau et cela ne joue pas en faveur du trio de pointe.  »

Lorsqu’on lui a demandé quelle était sa part de responsabilité dans le malaise de l’équipe Merengue, Ancelotti a répondu de façon sarcastique :  » C’est ma faute à 100 %. Oui, vous avez bien entendu : 100 % ! Lorsqu’une équipe ne tourne pas et doit composer avec un certain nombre de blessés, c’est à 100 % la faute de l’entraîneur. Et lorsque l’équipe gagne, les mérites du coach sont nuls.  »

Le retour de Modric

Le fait est que, depuis le Nouvel An, la machine madrilène connaît des ratés. Et les chiffres de la ligne d’attaque BBC en attestent : la moyenne de buts par match, qui était de 2,2 buts en 2014, est tombée à 1,2 au début 2015. Comment l’expliquer ?

En février de l’an passé, lorsqu’on avait demandé à Fabio Capello qui était le favori pour la victoire finale en Ligue des Champions, il avait répondu :  » Le Real Madrid. Le mérite d’Ancelotti est d’être parvenu à convaincre chaque joueur de travailler pour l’équipe. Lorsque vos plus grands talents consentent à se sacrifier et à assurer la couverture, peu importe qui vous alignez. Le truc, c’est cela.  » Courir, se sacrifier, faire preuve de solidarité.

Mais le ‘truc’ ne fonctionne plus. Après la défaite 1-0 à l’Athletic Bilbao il y a dix jours, Ancelotti a constaté :  » Nous jouons par moments de façon trop individuelle, alors que nous devrions procéder avec moins de touches de balles et plus de combinaisons. Nous devons essayer de jouer davantage en un temps.  » Après cet étonnant 3-4 qui a failli causer l’élimination contre Schalke 04, Luka Modric a déclaré :  » Un joueur ne peut pas forcer la décision tout seul. Nous devons retrouver une équipe. Lorsque nous formions un collectif, tout allait bien.  »

On attend beaucoup du milieu de terrain croate, qui revient d’une longue blessure. Il est le chaînon manquant dans l’entrejeu d’Ancelotti qui, privé en plus de James Rodríguez et de Sami Khedira, a dû expérimenter en introduisant Asier Illarramendi, qui a montré ses limites, et le jeune Brésilien Lucas Silva engagé durant le mercato hivernal, qui manque d’expérience. Ils ont complété, à tour de rôle, le trio d’entrejeu aux côtés de Toni Kroos et d’Isco. De l’avis unanime, le milieu de terrain allemand constitue un vrai renfort.

Dans un premier temps, on avait craint qu’il ne parvienne pas à porter l’équipe sur ses épaules, comme le faisait Xabi Alonso, parti au Bayern Munich, mais après des débuts hésitants, il s’est acquitté de sa tâche avec brio. Isco n’a pas le rayonnement d’un Angel Di María ou d’un Mesut Özil, mais le jeune Espagnol de 22 ans est l’un des rares qui a su conserver son niveau au cours des dernières semaines. Avec ses assists (huit cette saison en PrimeraDivisión) et ses passes de finition (2,4 par match), il joue un rôle très important dans l’alimentation de la ligne offensive.

Car là aussi, il y a un problème. Ancelotti l’a constaté.  » Sur le plan offensif, nous ne trouvons plus les solutions que nous trouvions autrefois. Il n’y a pas de lien entre l’entrejeu et l’attaque.  » Modric et Rodríguez, qui ont dû déclarer forfait pour cause de blessure ces dernières semaines, sont précisément des spécialistes en la matière. Ils ont une bonne vision du jeu, et peuvent créer une brèche sur une passe lumineuse. Pour le Colombien, le clásico arrive trop tôt, mais Modric devrait effectuer son retour. Tout comme Sergio Ramos, le leader incontestable de la défense.

La renaissance de Lionel

Un regard sur les chiffres suffit pour constater que le trio MessiSuárezNeymar est en meilleure forme que la ligne d’attaque rivale. Les prestations des derniers mois de ces trois joueurs en attestent. Car, avant la trêve hivernale, le niveau de jeu du FC Barcelone n’atteignait pas des sommets. Un pâle Messi n’était que l’ombre de lui-même. Cette tendance a semblé devoir se poursuivre lorsque le Barça s’est incliné 1-0 contre la Real Sociedad, à la reprise. Neymar et Messi avaient débuté sur le banc, ce qui n’avait guère plu à l’Argentin, qui a brossé l’entraînement suivant. Un conflit latent entre Luis Enrique et son numéro dix a éclaté au grand jour.

Mais le coach est resté calme et a confiné la dispute à l’intérieur du vestiaire. Messi, de son côté, a été critiqué par toute la presse. Il ne serait plus heureux à Barcelone et insisterait pour partir. Chelsea, où joue son bon ami Cesc Fàbregas, a été cité. Dans les rares interviews que Messi a accordées à l’époque, il n’a jamais confirmé ces rumeurs. Et comme toujours lorsqu’il est mis en doute, il a répondu avec les pieds. Les chiffres qu’il aligne depuis ce match perdu à Anoeta sont phénoménaux : 17 buts et 7 assists en 10 rencontres de championnat. C’est clair : le vrai Lionel Messi est de retour.

Dans son sillage, Luis Suárez – qui n’a pu être aligné qu’à partir de la fin octobre en raison de la suspension qu’il a encourue pendant la Coupe du Monde – joue de mieux en mieux. Lors de ses dix premiers matches avec Barcelone, il n’a marqué que deux buts et a surtout officié comme pourvoyeur avec six assists. Mais, ces dernières semaines, il trouve de plus en plus facilement le chemin des filets. L’Uruguayen redevient le renard des surfaces qu’il était à Liverpool (61 buts en 81 matches). Et son entente avec Messi s’améliore au fil des jours.  » Il existe une certaine alchimie entre les deux joueurs et c’est bon pour l’équipe « , se réjouit Luis Enrique.

Neymar, dans une forme éclatante depuis le début de la saison, en profite également. Le trio est bien parti pour pulvériser le record établi par la ligne d’attaque Messi-Eto’oHenry durant la saison 2008-2009, avec 101 buts.  » J’ignore si nous formons un trio magique « , affirme Neymar.  » Nous essayons simplement de faire mal à l’adversaire et nous nous trouvons de mieux en mieux. Messi est, selon moi, le meilleur footballeur du monde. Et Suárez est l’un des meilleurs. C’est un honneur de jouer avec eux. Nous sommes meilleurs que la BBC.  »

En ce moment, la différence entre le Real Madrid et le FC Barcelone n’est pas uniquement perceptible en attaque, mais aussi dans l’entrejeu. Enrique y dispose, avec Xavi, Andrés Iniesta et Ivan Rakitic – qui, soit dit en passant, n’évoluent jamais tous les trois ensemble – de trois passeurs exceptionnels, capables de lancer un attaquant d’une seule touche de balle. Enrique a récemment déclaré, à propos de ses vieux serviteurs Iniesta (30 ans) et Xavi (35 ans) :  » Ils courent constamment entre les lignes et recherchent la meilleure option de passe. C’est leur force : ils disposent d’un énorme arsenal de possibilités pour faire parvenir le ballon à la ligne d’attaque.  »

Clasico décisif

L’absence probable d’un joueur clef comme Sergio Busquets, touché par une blessure au genou, ne devrait pas poser un problème contre le Real Madrid. Javier Mascherano, normalement défenseur central au Barça, est son parfait remplaçant. Souvenez-vous à quel point l’Argentin a brillé à cette position durant la Coupe du Monde.

Le temps où le FC Barcelone et le Real Madrid dominaient le championnat d’Espagne de la tête et des épaules semble révolu. Le duo traditionnel n’est plus intouchable, l’Atlético Madrid l’a démontré l’an passé. Au cours des quatre saisons précédentes, le Barça avait été trois fois champion et le Real une fois, toujours avec des chiffres hallucinants : un total d’une centaine de points et une moyenne de deux défaites par saison. On ne retrouve plus, cette saison, des prestations d’un tel niveau : Barcelone a déjà perdu quatre fois – la dernière fois, il y a moins d’un mois, 0-1 contre Málaga à domicile – et le Real cinq fois.

Le clásico de dimanche peut se révéler décisif dans la course au titre, surtout si le Barça s’impose. L’écart entre les deux équipes deviendrait alors difficile à combler et Ancelotti pourra à nouveau déclarer, lors de la conférence de presse :  » C’est 100 % de ma faute…  »

PAR STEVE VAN HERPE – PHOTOS : BELGAIMAGE

 » Si je dois renvoyer Bale sur le banc parce que son rendement est insuffisant, je devrais y renvoyer toute l’équipe.  » Carlo Ancelotti

 » Il existe une certaine alchimie entre Messi et Suárez, c’est bon pour l’équipe.  » Luis Enrique

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