MPH SUPERSTAR

A la tête d’un FC Twente séduisant, tant en Eredivisie qu’en Ligue des Champions, notre compatriote fait l’unanimité outre-Moerdijk. Les explications d’un énorme succès d’estime.

A Enschede, beaucoup pensaient avoir tout vécu, au mois de mai dernier, suite au sacre du FC Twente en Eredivisie. Plus dure allait être la chute pour les Tukkers qui, à l’entre-saison, perdirent leur entraîneur, l’Anglais Bruce McClaren, et pas moins de quatre joueurs-cadres : Kenneth Perez (AFC Amsterdam), Miroslav Stoch (Fenerbahçe), Blaise N’Kufo (Seattle Sounders) et CheikhTioté (Newcastle). Six mois plus tard, le topo reste pourtant très réjouissant : non seulement les champions en titre caracolent toujours en tête de l’élite, conjointement avec le PSV Eindhoven, mais ils ont fait plus qu’honorable figure aussi en Ligue des Champions en terminant troisièmes de leur poule derrière Tottenham et l’Inter Milan mais devant le Werder Brême, pourtant rompu à cette compétition. Pour beaucoup, à la Grolsche Vest, l’enceinte où évoluent les Rouges, le mérite en revient dans une large mesure à Michel Preud’homme. C’est ce qui ressort, en tout cas, des commentaires de quelques suiveurs assidus des Tukkers : les journalistes Leon Ten Voorde ( DeTwentscheCourantTubantia), Peter Wekking ( VoetbalInternational) et l’ex-entraîneur hollandais d’Anderlecht et du Standard, Aad de Mos, consultant pour NOS et Sporza chez nous.

L’ENTRAÎNEUR : ENJOY YOURSELF

LeonTenVoorde :  » Au début, nous nourrissions tous quelques appréhensions. Car un coach belge, avec un passé de gardien de surcroît, voilà qui ne présageait pas grand-chose de bon. Nous avions connu ça avec un certain Raymond Goethals, qui érigeait toujours une forteresse quand les Diables Rouges donnaient la réplique aux internationaux Oranje. Et ici, au FC Twente, ce fut pire encore, entre 2002 et 2004, à l’époque où René Vandereycken était aux commandes de l’équipe Première. Durant deux ans, il n’y avait alors strictement rien à voir chez les Tukkers. Ni à domicile, et encore moins en déplacement. Le football proposé était soporifique. Dans la tribune de presse, même les journalistes baillaient. On redoutait un remake de cette période avec le nouveau coach mais on a vite eu nos apaisements. Lors de sa présentation, il a en effet soutenu que le jeu proposé serait encore plus flamboyant et il a respecté cet engagement. Grâce à lui, le chaleureux public d’Enschede a déjà eu droit à quelques morceaux d’anthologie : un 2-2 face à l’Ajax, un score identique contre l’Inter Milan pour les grands débuts du club en Ligue des Champions et un 3-3 génial contre Tottenham en guise de clôture. C’était du grand art ! La saison passée, sur un total de 34 matches, l’équipe avait remporté 29 victoires et concédé 5 nuls. La moitié de tous ces succès avaient toutefois été obtenus par un petit but d’écart seulement et six d’entre eux s’étaient soldés par 1-0 ou 0-1. Les gens étaient certes aux anges mais ils référaient à l’équipe et à son entraîneur anglais en termes de score Arsenal. Cette fois, compte tenu de l’abondance de goals, ces mêmes personnes parlent d’un mini Barça, avec Roberto Rosales dans le rôle de Dani Alves comme ce fut le cas contre les Spurs ( ilrit). La comparaison est évidemment osée, mais c’est vrai que le football proposé est très soigné et ce, en toutes circonstances. Avec McClaren, le mot d’ordre était : Stay in the game, autrement dit : restez dans le match. Sa priorité, c’était que les joueurs ne lâchent rien et qu’ils demeurent toujours bien positionnés. Sous la férule de Preud’homme, c’est différent. Son leitmotiv est plutôt : Enjoy yourself, (amusez-vous). Et tout le monde y prend plaisir.  »

PeterWekking :  » Suite au tirage au sort des groupes en Ligue des Champions, avec l’Inter Milan, Tottenham et le Werder Brême comme adversaires, je m’étais fait la réflexion, comme beaucoup d’autres sans doute, que le FC Twente n’allait faire que de la figuration. Une victoire et un nul devant les Allemands, c’est à peu près tout ce que les Tukkers pouvaient espérer. C’était, du moins, mon avis. En définitive, ils ont pris deux points de plus en raison de deux prestations réellement enthousiasmantes à domicile contre l’Inter et les Spurs. Le seul faux pas aura été le 1-1 à domicile contre le Werder. Mais, dans l’optique de la troisième place, les joueurs se sont rattrapés en gagnant 0-2 au Weser Stadion. Ce qui a sans conteste plu, lors de tous leurs matches à l’extérieur, c’est la manière. A aucun moment, Preud’homme n’a cherché à s’adapter à l’adversaire. Il s’est toujours efforcé de rester fidèle à sa conception. Cette tactique a d’ailleurs failli être payante à Milan où DennyLandzaat a tiré sur la transversale avant qu’ Esteban Cambiasso ne profite d’une déviation sur coup franc pour inscrire le seul but de la partie. L’Inter et les Spurs ont cette faculté d’être réalistes au moment opportun. Les Tukkers, eux, veulent parfois trop bien faire, au détriment de l’efficacité. Reste que tout le monde est fier, ici, du jeu que les joueurs ont proposé à ce jour, aussi bien dans le cadre du championnat que de la Ligue des Champions. Les plus belles envolées ont été l’apanage de Twente. Sous cet angle, l’équipe a réussi au-delà des espérances. C’est d’autant plus beau qu’on ne s’attendait pas à cette tournure des événements en tout début de saison. Je ne sais pas si le FC Twente réalisera la passe de deux. Mais une chose est sûre avec Preud’homme : l’équipe dispense le football d’un véritable champion.  »

AaddeMos :  » Quand le président Joop Munsterman m’a consulté à propos de Mich, je lui ai dit : – Prends-le, sans la moindrehésitation. Il était un peu indécis, en ce sens que le FC Twente a toujours eu un penchant en faveur d’anciens attaquants pour diriger la Première. C’était déjà le cas avec le légendaire Kees Rijvers dans les années 80 et plus tard avec Issy ten Donkelaar et Johnny van ‘t Schip pour ne citer qu’eux. Un ex-gardien, c’était nouveau mais j’ai signifié au patron qu’il pouvait dormir sur ses deux oreilles. Preud’homme sait, certes, articuler une défense, comme il l’avait fait sous mes ordres à Malines. Mais il a aussi l’avantage appréciable d’avoir été un keeper qui s’est mesuré aux meilleurs attaquants du monde. Il sait donc ce que ces gars ressentent en zone de vérité. A mes yeux, le FC Twente avait même tout intérêt à privilégier mon ex-poulain plutôt qu’un autre, dans la mesure où celui-là aurait sans doute exigé que le club dépense massivement afin de remplacer les partants. Avec Mich, par contre, il avait la garantie que des jeunes allaient s’épanouir. Et c’est ce qui est en train de se vérifier, avec des garçons comme Nacer Chadli, une authentique révélation sur l’aile gauche, et Luuk De Jong voire Emir Bajrami. Mais le plus gros coup d’éclat, il l’a probablement réalisé avec Theo Janssen. La saison passée, McClaren ne l’utilisait quasiment qu’à domicile. A l’extérieur, il préférait associer Tioté à Wout Brama devant la défense car ces deux-là alliaient à la fois rigueur et souffle. Aujourd’hui, Janssen s’assimile à un joueur tout-terrain, courtisé par les plus grands clubs. Cette métamorphose, à 29 ans bien sonnés, c’est au coach actuel qu’il en est complètement redevable. Réaliser des résultats enviables tout en contribuant à l’épanouissement de l’une ou l’autre, ce sont là les qualités d’un grand entraîneur. D’après moi, il est bien parti pour marcher sur les traces d’ Eric Gerets. J’ai même le sentiment qu’il ira plus loin encore.  »

L’HOMME : UN ENTERTRAINER

LeonTenVoorde :  » Preud’homme nous avait été dépeint comme une boule de nerfs, gesticulant sans cesse le long de la ligne de touche et invectivant les arbitres. Mais il est, jusqu’à présent, toujours resté posé. Jamais encore, il n’est sorti de ses gonds. Sans doute avait-il été briefé sur ce point par le président Munsterman, véritable champion des bonnes manières. La légende prétend en tout cas que lorsque votre compatriote a visité les installations du club, son homme fort avait attiré l’attention du nouvel entraîneur sur la qualité des fauteuils réservés au staff technique et aux joueurs. Car au FC Twente, tout ce beau monde n’a pas droit à une simple banquette mais à de véritables business seats. – J’espèrequ’onnedevrapasdoterlevôtredeceinturesdesécurité, histoiredevousmaintenirenplace ! se serait prononcé le big boss. Et son interlocuteur lui aurait promis de conserver tout son calme. Il s’y est toujours tenu depuis lors.  »

PeterWekking :  » Au FC Twente, on n’a jamais aimé les excités, et encore moins ceux qui se poussent du col. C’est pourquoi le flegmatique McClaren jouissait de l’estime générale alors que le dikkenek qu’était Vandereycken ne suscitait que le mépris. Avec lui, il n’y avait tout simplement pas moyen de dialoguer, et c’est l’un des facteurs qui ont causé sa perte, l’autre étant bien sûr le manque de résultats et un jeu affligeant. Chez nous, tout le monde est sur le même pied. On n’apprécie guère ceux qui se situent au-dessus de la mêlée. Et Preud’homme l’a fort bien compris, à l’image de ceux qui, avant lui, se sont relayés à la tête des Tukkers. Le sacro-saint point-presse du vendredi comporte toujours une partie officielle, où il est question essentiellement du match du week-end, suivi par des échanges moins sérieux, où on parle de tout et de rien . Aux Pays-Bas, on appelle ça ouwehoeren. Preud apprécie ce petit jeu où l’on apprend toujours quelque chose : le nombre de chambres dans sa villa, par exemple, ou encore l’affiliation de son fils dans l’équipe A1 du club. Ces détails-là ne laissent pas indifférents et contribuent à l’image sympa du personnage. Pour nous, le coach en place est le prototype-même de l’entertrainer comme l’était Barry Hughes, le mentor des Go Ahead Eagles de Deventer : un entraîneur causeur et divertisseur. Un amuseur public, en quelque sorte.  »

AaddeMos :  » Mich est toujours aussi fanatique mais consacre son énergie à ses joueurs plutôt qu’à des altercations avec le referee. Il s’est refait une virginité en la matière et c’était important, car en Belgique il avait quelquefois l’impression que les directeurs de jeu lui cherchaient des poux. Il ne joue plus non plus à Calimero comme il en allait de temps à autre en Belgique lorsqu’il s’estimait floué. C’est le signe que le métier entre et qu’il s’en tient à l’essentiel. On apprécie aussi, ici, qu’il parle le néerlandais, même si son accent spécial prête à sourire. Avec McClaren, tout se déroulait toujours en anglais. A présent, c’est le néerlandais qui domine, suivi par d’autres langues. Car Mich n’hésite pas à s’adresser au défenseur brésilien Douglas en portugais, héritage de son passé à Benfica. Tout ça marque les esprits. Le seul détail auquel les fans ne s’habituent pas encore, ce sont les séances d’entraînement à huis clos. Ils ont toujours été habitués à la transparence et ça les chiffonne un peu. Mais comme les résultats dépassent les espérances, ils sont bons princes. Et prêts à tout accepter à condition que Mich continue à les faire rêver. De ce côté-là, il est indéniablement sur le bon chemin. Et je ne vois réellement pas pourquoi la donne changerait.  »

PAR BRUNO GOVERS

 » Il ne joue plus à Calimero comme il en allait de temps à autre en Belgique.  » (Aad de Mos)

 » On avait peur d’un remake de Vandereycken avec un jeu soporifique. On a vite eu nos apaisements.  » (Leon Ten Voorde)

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