Avec ses 16 ans, le médian espagnol était un cas extrême de précocité chez les Gunners. Et il confirme !

Pour Arsène Wenger, le coach d’Arsenal, c’est un talent comme Mozart. Les fans des Gunners l’ont élu Meilleur joueur de la saison 2006-2007, alors qu’à Londres, il y avait encore un certain Thierry Henry. A 16 ans, Francesc Fabregas était déjà le plus précoce débutant et buteur du club. Aujourd’hui, Cesc (c’est comme cela qu’il aime qu’on l’appelle et c’est ce qui est indiqué sur le maillot de l’équipe nationale d’Espagne), est un vétéran de 20 ans prêt à mener son équipe en demi-finales de la Ligue des Champions.

Après avoir grandi à Arenys de Mar, un port à 40 km au nord de Barcelone, Cesc se retrouve à Londres. On le rencontre au centre de London Colney, siège d’Arsenal :  » J’ai grandi dans la petite équipe de l’école entraînée par mon père Francesc, puis je suis passé à l’Arenys, en jouant contre des castards plus âgés que moi de deux ans. Là, j’ai été contacté par Mataró, un club d’une ville située à 15 km d’Arenys et j’ai affronté les jeunes du Barça. A 11 ans, ils me convoquèrent pour passer un test : une joie pour moi et mes parents qui étions des supporters des Blaugrana « .

Le rêve a débuté : 6 ans à la Masía, le centre de formation de Barcelone, avec Lionel Messi. Mais étiez-vous déjà allé au Camp Nou ?

Cesc Fabregas : Je n’avais même pas un an que mon père et mon grand-père m’y amenèrent. Mon père me tenait dans ses bras. Ils me l’ont raconté vu que je ne me rappelais de rien.

Quel est le premier match dont vous vous souvenez ?

Le dream team de Johan Cruijff, je devais avoir quatre ans et je me souviens de la fête en ville qui a suivi la victoire en Ligue des Champions en 1992.

Votre premier maître ?

Mon père. Il a été le premier à m’apprendre le foot. J’allais le voir jouer dans un village. C’était un bon gaucher, médian gauche qui avait passé un test au Barça.

Cela ne vous a quand même pas incité à réfléchir à deux fois quand, en 2003, vous avez-été appelé à quitter Barcelone pour Arsenal ?

Avec les jeunes du Barça, nous gagnions toujours 15 ou 20-0. Nous nous amusions bien mais je voulais jouer dans des tournois plus compétitifs. C’est pour cela qu’à 16 ans, j’ai accepté la proposition d’Arsenal. Je voulais progresser, monter d’une catégorie. Qui sait combien de temps j’aurais dû patienter en Espagne pour arriver en équipe Première ? Ici, à Londres, on ne regarde pas ta carte d’identité, si tu es bon, tu joues.

Vous y êtes parvenu rapidement ? Qui vous aidé à vous intégrer ?

Il y a plusieurs personnes : Gilberto Silva, Lauren et Edu, Patrick Vieira… Et puis Noreen.

Excusez-nous, qui ?

Quand je suis arrivé, je suis allé vivre dans la maison de madame Noreen, à Barnet qui se trouve à 20 km au nord de Londres. Pendant deux ans et demi, elle nous a accompagnés, mon compagnon Philippe Senderos et moi, au centre de Colney. J’allais au stade avec le métro vu qu’à l’époque on ne me re- connaissait pas encore. Et puis, ici à Londres, on te laisse tranquille, on ne t’arrête pas en chemin. Aujourd’hui, je vis seul à Enfield, une zone résidentielle située à 20 km de Colney et de Londres.

Comment s’est passé votre acclimatation à Londres ?

L’anglais scolaire ne m’a pas servi à grand-chose. J’ai appris la langue grâce aux cours que j’ai suivis ici. Et dire qu’à l’école, j’avais de bonnes notes en anglais… Lors des deux premières années, j’ai étudié trois fois deux heures par semaine.

Vous avez donc connu des problèmes sur le terrain également ?

Oui ! Lors du premier entraînement un scout m’a dit de me faire entendre et de demander souvent le ballon. Mais je ne me rappelais qu’un seul mot et je criais toujours : -Yes, yes, yes, en haussant le ton. Nwankwo Kanu, Dennis Bergkamp et Arsène Wenger me regardaient avec l’air de se demander qui était ce fou seulement capable de crier ?

A Arsenal, ils ne sont pas tendres avec les nouveaux venus : c’est de notoriété publique.

Je me souviens que dès ma première touche de balle, j’ai vu Kolo Touré arriver sur moi et effectuer un tacle violent comme pour me faire comprendre qu’ici il n’y a pas de temps à perdre. Il savait que j’avais 16 ans, mais il n’a eu aucune pitié. Je me suis relevé et je n’ai pas soupiré. Il faut directement montrer ses qualités sans se laisser intimider, parce qu’il y a beaucoup de jeunes.

Vous êtes plus fort cette année sans Thierry Henry : un paradoxe. Est-ce parce que vous êtes plus mûrs et avez reçu plus de responsabilités ?

C’est dommage que Titi soit parti : il était très important pour nous et pour l’histoire du club. Mais nous nous sommes rendu compte que c’était à nous de tirer la charrette et de donner le maximum. Emmanuel Adebayor, qui l’a remplacé, ne marche pas mal. Mais avec Henry, même quand tu lui donnais un mauvais ballon, tu savais qu’il allait en faire quelque chose d’incroyable. Maintenant, nous cherchons un jeu plus collectif même si les talents ne manquent pas.

 » Le 4 comme Pep Guardiola « 

A Barcelone on vous a inculqué  » el buen futbol « . Mais au final, vaut-il mieux gagner à la Fabio Capello ou perdre à la Frank Rijkaard ?

Difficile de choisir… Disons mieux vaut gagner un an à la Capello et puis vivre une carrière à ma façon en m’amusant et en étant heureux à Londres même si ne gagnerai pas de nombreux trophées. Et qui a dit que l’on ne pouvait pas gagner en jouant bien ?

A propos d’équipes belles et gagnantes, vous avez affronté votre Barça en finale de la Ligue des Champions 2006…

C’était quelque chose de spécial pour moi qui ai grandi là-bas. En fait, la chose la plus folle, c’est qu’en trois ans je sois passé des équipes de jeunes à une finale de la Ligue des Champions. Mais c’est vrai que sur le terrain, tu n’y penses pas, tu te concentres, un point c’est tout.

Votre idole, Pep Guardiola, avait 21 ans quand il a remporté la Ligue des Champions en 1992. Pour faire mieux que lui, vous devez y parvenir cette année-ci.

Ben, ce serait super de battre mon mythe. C’est d’ailleurs pour cela que je porte le numéro 4. Mais l’important, c’est de gagner au moins une fois la Champions League peu importe que ce soit avant ou après.

Aviez-vous d’autres idoles ?

Luis Figo, Michael Laudrup, Romario, tous des joueurs du Barça, et Fernando Redondo, l’Argentin du Real Madrid. J’ai toujours tenté de les imiter.

Avez-vous toujours joué au poste de médian offensif ?

A Barcelone, nous évoluions en 3-4-3 et j’étais la pointe arrière d’un losange placé devant la défense. Ici, les deux médians axiaux de notre 4-4-2 sont sur la même ligne et je peux me porter plus vers l’avant que mon compagnon.

Cette saison, vous avez déjà inscrit 7 goals en championnat soit autant que les trois précédentes saisons et 6 en Ligue des Champions en 8 rencontres contre 4 sur 28 matches. Dans quel domaine pensez-vous devoir encore vous améliorer ?

Il ne faut pas tirer de conclusion rapide avec le total de buts. Il y a une année où tu en marques beaucoup et une autre où rien ne marche comme ce fut le cas la saison dernière, quand j’ai raté des occasions incroyables. Je crois que j’ai progressé dans mon jeu défensif, j’aide davantage mes compagnons et je me sens plus fort physiquement.

 » Avec Ronaldo et Messi, nous formons une belle génération « 

Mais à qui donc devez-vous votre sens du but ?

Un jour, Wenger m’a dit de rester tranquille, de ne pas me préoccuper si je me loupais souvent devant le but. L’important selon lui était d’avoir les occasions. Désormais, je tente de ne pas me précipiter à tirer et d’attendre jusqu’au dernier instant.

En somme, un peu Andrea Pirlo et un peu Kakà, vos derniers adversaires en Ligue des Champions.

Eh… Pirlo a beaucoup de qualités. Il sait jouer dans les espaces réduits, lancer un équipier, botter les coups francs. Je l’aime beaucoup.

Cet été, dans l’hebdo espagnol Don Balón, vous aviez indiqué Milan parmi les favoris avec Manchester, Barça et le Real.

J’ai beaucoup regardé Milan à la TV, aussi en championnat. J’admire son style même si pour le moment il ne traverse pas une bonne période. Mais en Ligue des Champions, il reste un adverse difficile même s’il ne semblait pas au meilleur de sa forme. Cela a été dur de le battre, quoi qu’on en dise.

Si vous deviez choisir entre la Champions League et la Premier League ?

Indiscutablement, la Premier. Parce que tu dois être régulier, démontrer ta valeur chaque semaine. C’est une très belle compétition et cela me procurerait une très grande joie.

Quels sont les joueurs que vous appréciez le plus ?

J’aime beaucoup Cristiano Ronaldo : quelle saison il est en train de réussir ! Et mon ami Lionel Messi : nous formons une belle génération.

Messi (le seul de sa classe de jeunes actuellement Blaugrana) était-il déjà un phénomène chez les jeunes ?

Plus jeune, il doutait de pouvoir percer parce que tu peux être un phénomène mais tu ne sais jamais si, une fois adulte, tu feras une carrière. Quand je suis arrivé à Londres, on est resté en contact et il me racontait qu’au Barça quand il ne jouait pas bien on lui disait que ce n’était pas grave et qu’il ne devait pas se faire de soucis. En revanche, pour moi, à Arsenal, il n’y avait pas d’excuse : jeunes ou vieux, il n’y avait aucune différence, nous étions tous égaux.

C’est pour cette raison que vous avez refusé à deux reprises les offres du Real ?

Je suis content et je me sens important ici. On jouit d’une certaine tranquillité. La pression n’est pas énorme. Les fans m’aiment bien et je fais partie d’un projet et cela ne s’achète pas. Le bonheur n’a pas de prix.

par iacopo iandiorio (ESM)

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