Moyenne européenne

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Il faudrait une catastrophe pour que les Loups retombent en D2.

Et trois points de plus pour les Loups, grâce à leur victoire contre Genk. Depuis l’arrivée de Daniel Leclercq, ils ont pris 20 points en 11 matches. S’ils avaient respecté le même tableau de marche depuis le début du championnat, ils seraient aujourd’hui dans la roue du Standard, à la quatrième place du classement général!

« Les résultats que nous obtenons depuis trois mois correspondent aux qualités présentes dans notre noyau », affirme Thierry Siquet. « Ni plus, ni moins. Je ne me souviens pas que nous ayons volé le moindre point. Le hasard n’est pour rien dans notre redressement. J’estime que nous serions capables de tenir le même rythme durant une saison entière. Et pourquoi pas de viser une qualification pour la Coupe de l’UEFA, effectivement? Daniel Leclercq en est le premier convaincu: il nous dit souvent que nous pourrions faire encore beaucoup mieux que ce que nous réalisons depuis son arrivée. Si nous nous maintenons et si tout le monde reste, nous sommes promis à une saison sans problèmes… »

Il reste deux matches aux Loups pour assurer définitivement leur maintien. A Gand et à domicile contre Mouscron. Deux équipes aujourd’hui démobilisées. « Ce n’est pas pour cela que nous prendrons plus facilement des points contre ces deux adversaires », dit Daniel Leclercq. « Je suis sûr que mon ami Patrick Remy ne nous fera pas de cadeau. Une coutume en vigueur dans le football français veut qu’on ait jusqu’au bout le respect des spectateurs. Je souhaite que nous fassions un bon résultat à Gand, ce qui nous permettrait de programmer une fête dans notre stade pour la dernière face à Mouscron ».

Les Louviérois ont connu une première mi-temps difficile, samedi dernier. Leclercq les a recadrés à la pause, pour reprendre son expression. L’entrée au jeu de Missé Missé et le jusqu’au-boutisme de toute l’équipe ont permis d’arracher la victoire dans la dernière demi-heure. Ils ont même obtenu un penalty. Tout a décidément changé au Tivoli!

En raison de la suspension de Domenico Olivieri, Thierry Siquet avait retrouvé sa place dans l’axe de la défense, face à Genk. Une zone dans laquelle il était incontournable en début de saison. Il passait alors indifféremment du statut de stoppeur à celui de libero. Mais deux arrivées tardives l’ont fait avancer dans l’entrejeu. Olivieri s’est d’abord installé au libero, puis Onder Turaci a profité d’une suspension de Siquet pour prouver ses qualités en marquage et est ensuite resté en place.

Thierry Siquet: J’ai joué pour la première fois de ma vie dans l’entrejeu à 32 ans. Ce n’est pas courant d’avancer dans le jeu à cet âge. Habituellement, on recule au fur et à mesure que les années passent. Je n’ai jamais regretté d’avoir changé de rôle. J’ai découvert de nouvelles sensations, très agréables, dans la ligne médiane. J’ai vite trouvé mes marques et je m’y amuse bien. J’ai l’impression de progresser de semaine en semaine.

La Louvière est sur le point de réussir son opération maintien alors que tout espoir semblait perdu il y a trois mois.

C’est vrai que nous étions alors plus que mal barrés. Sur dix personnes, dans le club et à l’extérieur, deux ou trois au maximum croyaient encore que nous étions en mesure de nous sauver. Et on ne pouvait pas donner tort aux pessimistes. La Louvière jouait mal et ne prenait pas de points. Nous réunissions toutes les caractéristiques d’un descendant en puissance. L’ambiance dans le groupe n’était pas franchement mauvaise, mais il y avait quand même de plus en plus de petites tensions, de discussions, d’incompréhensions. La moindre remarque adressée à un coéquipier suscitait une réaction négative, exagérée, alors que quand l’équipe prend des points, on peut se dire n’importe quoi. On observait les phénomènes typiques d’un noyau qui n’y croit plus. Moi même, je me faisais tout doucement à l’idée d’un retour en D2.

A quel moment le découragement a-t-il été le plus fort?

A la fin du mois de janvier, après nos défaites à domicile contre le Standard et Harelbeke. A ce moment-là, nous étions mûrs pour la D2.

Quand le groupe s’est-il remis à y croire?

Dès le départ de Marc Grosjean, nous avons compris que nous avions certaines qualités. Alain Roland a directement réinsufflé de l’optimisme dans le groupe. Et l’arrivée de Daniel Leclercq a achevé de nous convaincre que l’espoir du maintien était réel. Nous avons été battus au GBA en montrant de bonnes choses, puis les bons résultats se sont enchaînés. Tous les joueurs étaient conscients d’entamer un nouveau championnat, de repartir à zéro: les titulaires savaient que rien ne leur était garanti et les réservistes avaient de nouveau un espoir de figurer dans l’équipe.

Le changement de tactique a-t-il eu autant d’importance que le remplacement de l’entraîneur?

L’importance du passage au 4-3-3 est toute relative. Que La Louvière joue en 4-5-1, en 4-4-2, en 4-3-3 ou dans une autre disposition ne fait aucune différence si l’envie de se multiplier sur le terrain n’est pas présente. Chaque joueur considère aujourd’hui qu’il a des tâches offensives et défensives, c’est le principal changement par rapport au premier tour. Nous avons trois attaquants spécifiques mais ils se battent de la première à la dernière minute pour arracher des ballons. Les médians attaquent et défendent. Et il est fréquent que nos défenseurs se retrouvent dans le rectangle. Nos deux backs sèment régulièrement le danger et amènent des buts. Daniel Leclercq ne permet à personne de se cantonner dans l’ombre. Il tape sans arrêt sur le même clou: pas de jeu latéral, aller le plus vite possible devant, aller au bout de nos actions, toujours se donner sans arrière-pensée. Il a ses idées et sait les faire passer.

C’est le changement d’entraîneur qui nous a permis de gagner des matches, pas le changement de système. Notre redressement s’explique par un nouvel état d’esprit et notre volonté de bien faire. Nous avons retrouvé l’envie de nous défoncer et d’aller au bout de nos possibilités. Que ce soit à l’entraînement ou en match, les joueurs se soutiennent, s’encouragent, s’enguirlandent s’il le faut. Si nous avions continué avec le même mental qu’au premier tour, nous aurions encore pris un point de temps en temps, mais nous n’aurions eu aucune chance de nous en sortir. Aujourd’hui, nous abordons chaque match pour le gagner et nous irons de nouveau à Gand pour prendre trois points.

Comment expliquez-vous qu’un tel découragement se soit installé dans l’équipe avec Marc Grosjean?

C’était tout à fait logique à partir du moment où les résultats ne suivaient pas. Nous n’étions plus concentrés et nous ne parvenions plus à donner tout ce que nous avions dans le corps. Même Marc Grosjean était touché par ce phénomène: on voyait qu’il était complètement découragé à certains moments. Ça sautait aux yeux. Il avait toujours l’envie au fond de lui, mais il ne parvenait plus à l’afficher ou à la transmettre. Il ne trouvait plus les mots pour nous motiver et nous convaincre que le maintien restait possible.

N’y a-t-il pas, dans le noyau, un sentiment de culpabilité vis-à-vis de Marc Grosjean?

Oui et non. Tout le monde était coupable: les joueurs et l’entraîneur. Vu que le discours du coach ne passait plus, nous n’étions plus bien dans nos têtes. Et quand le mental ne suit pas, on ne court plus droit. Il y avait beaucoup d’états d’âme dans le groupe, chaque joueur arrivait à l’entraînement avec ses petits problèmes qui prenaient des proportions démesurées parce que nous ne pouvions pas nous reposer sur de bons résultats pour oublier ce qui ne marchait pas. C’était un cercle vicieux, il fallait un électrochoc. Je pense que Marc Grosjean était arrivé à la fin d’un cycle. Cela peut se comprendre quand un entraîneur travaille dans un club depuis deux ans et demi. Nous subissions les événements. Dès que Daniel Leclercq a débarqué, chaque joueur a eu envie de se retrousser les manches.

Il passe pour un homme plutôt énigmatique. Chez les joueurs aussi?

Je ne dirais pas énigmatique mais réservé. Il a raison de mettre une barrière entre les joueurs et lui. Et il se protège aussi face au monde extérieur. Mais sa porte est toujours ouverte. Nous avons découvert un homme très disponible. Il est fréquent que des joueurs aillent le trouver pour diverses explications.

Le noyau du début de saison aurait-il pu se sauver, même avec Daniel Leclercq?

Je n’en suis pas sûr. Je pense sincèrement que l’expérience de la D1 était insuffisante dans notre groupe. J’avais plus de 250 matches de première division dans les jambes, Rudy Moury et Jean-Jacques Missé Missé connaissaient aussi la musique. Mais les autres? On peut parler d’expérience quand on a disputé une centaine de rencontres au plus haut niveau. Mais si on n’en a joué qu’une dizaine ou une vingtaine, on doit dire que les joueurs en question n’ont découvert que brièvement ce qu’était la D1. C’est insuffisant quand il faut maintenir hors de l’eau une équipe qui vient de monter. Près de 80% de notre noyau n’avaient pas d’expérience: c’est beaucoup trop. Je l’ai compris dès les matches d’avant-saison, quand nous avons peiné contre des équipes moyennes. Cela s’est vite confirmé en championnat. Il nous fallait des renforts.

Domenico Olivieri nous a apporté tout ce qu’il avait appris à Genk. Benoît Thans a fait le tour du problème en Belgique et à l’étranger. Et Ante Simundza est arrivé avec le bagage acquis en Ligue des Champions. Aucun de ces trois joueurs ne s’est senti au-dessus du lot en arrivant à La Louvière. Ils ont une excellente mentalité et se sont directement adaptés à la situation de ce club. Après deux jours, Simundza essayait déjà de baragouiner quelques mots de français. Il participe activement à la vie du groupe. Quand des joueurs de ce niveau mettent leur vécu au service de la collectivité, ça rapporte des points. De notre côté, nous avons tout fait pour faciliter l’intégration des nouveaux joueurs. Il y avait intérêt, car c’est presque une équipe complète qui a débarqué en cours de saison (il rit)

L’ambiance est-elle aujourd’hui aussi positive qu’il y a un an, quand vous vous battiez pour la montée?

Nous sommes certainement plus nerveux et concentrés qu’il y a un an. Au moment du tour final, nous savions que nous ne pouvions pas être battus, que nous monterions si la logique sportive était respectée. Dans nos têtes, nous étions déjà en première division. C’est pour cela que nous étions plus relax qu’aujourd’hui. Nous savons que nous avons assez de qualités pour nous maintenir mais que, vu notre début de parcours catastrophique, nous n’avons plus droit à l’erreur. Nous avons bien redressé la situation, mais rien ne sera définitif avant la fin du dernier match de la saison. Nerveusement, ce n’est pas si simple à gérer.

Autant la défaite contre le Standard avait laissé des traces en janvier, autant le 0-1 face à Anderlecht vous a rassurés…

Nous n’avions pas existé contre le Standard alors que nous aurions mérité un point contre Anderlecht: toute la différence est là. Nous nous étions remis à douter quelque peu au moment de recevoir les Bruxellois, car nous sortions de trois matches pas très convaincants, contre Beveren, Charleroi et l’Antwerp. Nous avions chaque fois pris des points mais nous n’étions plus l’équipe en pleine progression qu’on voyait depuis le mois de février. Anderlecht n’a eu qu’une occasion en deuxième mi-temps alors que nous aurions pu marquer deux ou trois fois. Nous avons franchi un palier ce soir-là et Daniel Leclercq nous a fait remarquer que rien n’était perdu parce que nous ne tomberions pas chaque semaine sur une équipe pareille.

Vous réussissez un très bon deuxième tour mais toutes les équipes de bas de classement ont pris pas mal de points!

C’est classique: chaque année, les équipes mal classées se révoltent au deuxième tour. Notre longue série de matches sans défaite a fait du bien, mais nous avons fait pas mal de nuls et on n’avance pas vraiment de cette façon-là. Mathématiquement, il aurait mieux valu gagner deux matches puis perdre le troisième. Par contre, c’était meilleur pour le moral de ne plus jamais perdre.

Dans quelle mesure les leçons de cette saison vous serviront-elles l’année prochaine?

Nous sommes conscients que nous avons commis des erreurs dans plusieurs domaines. Ce serait ridicule de dire le contraire après avoir pris aussi peu de points au premier tour. Je suis convaincu que la saison prochaine sera totalement différente. Nous l’aborderons d’une autre manière, en nous persuadant dès le premier match qu’on n’arrive à rien sans un engagement permanent. Les leçons de cette saison serviront beaucoup à ceux qui resteront à La Louvière, mais aussi aux joueurs qui s’en iront. Quand on se bat comme des lions pendant quatre mois, on progresse mentalement et physiquement. C’est plus enrichissant de se battre pour le maintien que de batailler pour le titre ou une qualification européenne. J’ai joué pour une place en Coupe de l’UEFA avec Ekeren, mais le stress était différent, moins fort. Car, quand on est dans la première partie du tableau, cela veut dire qu’on a plus de qualités que la plupart des équipes, et ça rassure. Ici, nous avons beaucoup de choses à prouver. Depuis la fin janvier, nous sommes obsédés par l’envie de montrer à tout le monde que nous avons plus de qualités que l’équipe vue au premier tour. Le défi est exaltant.

Pierre Danvoye

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