Mouscron sous tension

Mort ou vif, l’Excel aura des rendez-vous avec la Justice en 2010.

Le jeu dure depuis la fin du mois d’octobre et la révélation des problèmes financiers insolubles de Mouscron. Chaque fois que les Hurlus sont montés sur le terrain entre-temps, on a dit ce que lance le poivrot toujours accroché au bar en fin de soirée : -Encore un p’tit dernier. Chaque match joué a été présenté comme l’ultime apparition du club. Ce fut encore le cas samedi passé, contre Lokeren qui a infligé sa toute première défaite à l’Excel en configuration Hans Galjé. Le club jouera-t-il le week-end prochain au Cercle ? On ne fait plus de pronostics.

La grogne continue à rôder à tous les étages. Des joueurs refusent de s’aligner un week-end (et se mettent ainsi en tort par rapport à leurs obligations contractuelles) puis acceptent de porter le maillot huit jours plus tard. D’autres restent sur leurs positions et ne veulent plus monter sur le terrain. Certains montrent les dents quand leur salaire n’est pas versé le jour prévu.

Autre imbroglio : celui déclenché et alimenté par Alain Zenner. Vendredi dernier, il a annoncé qu’il refusait finalement d’endosser le costume de liquidateur de l’Excel :  » Inopportun dans les conditions actuelles « . Quelques heures plus tard, le club faisait savoir que Zenner pourrait se charger d’une mission d’administrateur du club. Dans la foulée, Zenner démentait formellement l’info. Une chatte n’y retrouverait pas ses jeunes.

On retiendra aussi le discours tenu par Zenner en début de semaine passée : le club pourrait être repris par la personne ou le groupe qui rembourserait simplement les dettes envers les organismes officiels (ONSS, TVA, précompte professionnel) et veillerait à ce que l’Excel soit en ordre financier par rapport à la Fédération. Donc, Mouscron pourrait poursuivre en D1 avec une nouvelle direction sans devoir rembourser les autres créanciers, comme les privés et l’IEG (à laquelle le club doit 4 millions en plus des intérêts). Si un homme de loi comme Zenner le dit, c’est sûrement vrai. Mais c’est révoltant et cela pourrait donner à l’avenir de mauvaises idées à d’autres clubs de foot dans la dèche.

Jeudi passé, la Ligue pro (toujours dans la crainte de poursuites devant un tribunal) repoussait son vote sur l’exclusion de l’Excelsior. Si elle passe à l’acte, ce ne sera pas avant le 22 décembre. Mais on doute qu’elle ose franchir le pas car les avocats de l’Excel ont déjà bien montré qu’ils étaient prêts à appeler la Justice civile à tout moment.

L’enquête sur les perquisitions de 2007 n’est pas terminée

Il y a dix jours, Jean-Pierre Detremmerie a reconnu qu’il cherchait un scénario pour reprendre le club. Puis, il a été question que des Roumains seraient sur la balle.

Il n’en a pas fallu plus pour que des oreilles se dressent à la Police de Tournai. Ses enquêteurs sont prêts à bouger dans l’heure s’ils entendent parler d’un rendez-vous entre ces Roumains et la direction du club :  » On ira voir directement qui se pointe.  » Discours décodé : il faudra vite savoir si l’argent promis est propre.

Les enquêteurs tournaisiens ont de bonnes raisons pour être méfiants. En mars 2007, 120 hommes avaient opéré des perquisitions dans tout Mouscron : au Canonnier, à la maison communale, à l’IEG et au Futurosport notamment. Le déclenchement de l’intervention fut une négociation avec un repreneur potentiel : l’homme d’affaires kazakh Rakhat Aliyev. Detremmerie et Francis D’Haese (ex-président intérimaire de l’Excel) étaient sur le point de lui remettre les clés du club. Or, un enquêteur nous explique que cet Aliyev est un grand nom de la criminalité internationale :  » Detremmerie se préparait à signer un pacte avec le diable. Aliyev est soupçonné dans le dossier Electrabel au Kazakhstan, il a du sang sur les mains et il est question de blanchiment d’argent à l’échelle internationale pour des sommes faramineuses. La Sureté de l’Etat s’est intéressée à lui. Nous ne voulions pas d’un homme pareil dans notre arrondissement judiciaire, et donc, nous avons tout fait pour le bloquer et éviter que le loup entre dans la bergerie.  »

De très nombreuses personnes avaient été entendues : Detremmerie, D’Haese, Philippe Dufermont (entre-temps devenu patron du club), son bras droit Benoît Roul, le comptable, d’autres employés, des joueurs (à propos du logement que l’Excel mettait à leur disposition), etc. L’instruction n’est pas encore bouclée mais sa fin est proche : dans le courant de l’année 2010. La juge d’instruction tournaisienne Christine Dierick s’intéresse pour le moment aux derniers devoirs d’enquête. Deux dossiers sont lourds : la vente de l’immeuble du Sarma (acheté par Dufermont à la Ville de Mouscron et dont la recette est arrivée directement dans la caisse de l’Excelsior) et les prêts consentis par l’IEG au club. Il y a encore d’autres choses suspectes (comme la mise à disposition de personnel de la Ville) mais elles ne font pas le poids par rapport aux dossiers Sarma et IEG.

Programme judiciaire 2010 : chambre du conseil puis non-lieu ou procès

A Tournai, on dit que  » cette enquête est très complexe et très coûteuse « . Dès que l’instruction sera bouclée, on passera à l’étape suivante : le dossier se retrouvera devant la chambre du conseil qui dira s’il est recevable ou pas. Elle pourrait ordonner des devoirs complémentaires. Ensuite, il y aura une première décision : non-lieu ou renvoi devant le tribunal. Tout cela se décidera en 2010.

Detremmerie est en ligne de mire mais on ne lui a reproché à aucun moment de s’être enrichi personnellement. A Tournai, il ne passe pas pour un homme d’argent mais pour  » un homme de pouvoir qui a fini par perdre un peu les pédales « . Il a surtout mélangé les genres et les flux financiers en tant que bourgmestre, numéro 1 de l’IEG et président de l’Excelsior. De gros soupçons pèsent sur d’autres personnes aussi mais la Justice tournaisienne n’a jamais voulu révéler officiellement s’il y avait eu ou pas des inculpations.

Par contre, il semble que Philippe Dufermont puisse dormir tranquille. Il ne doit plus être entendu, et aux yeux des enquêteurs, il fait surtout figure de victime ; il s’est fait copieusement rouler par Detremmerie. D’abord dans le dossier du Sarma : vu que l’argent qu’il a versé pour l’achat de ce bâtiment n’est jamais arrivé sur le compte de la Ville, celle-ci en reste propriétaire et Dufermont (qui voulait y aménager des logements et des bureaux) a versé 670.000 euros pour rien. Detremmerie aurait fait miroiter à Dufermont cette possibilité immobilière intéressante en échange de son investissement dans un club déjà exsangue. C’est comme cela que Dufermont a pris les clés du Canonnier.

Il aurait aussi reçu une autre promesse : la société immobilière espagnole Frinver, que Dufermont connaissait très bien, avait l’occasion de développer des projets à Mouscron. Marché conclu : Frinver a alors accepté de sponsoriser l’Excel. Du côté de l’enquête, on nous dit :  » Detremmerie savait très bien qu’il n’y avait pour ainsi dire plus un mètre carré pour construire quoi que ce soit dans cette ville. « 

La Justice s’est aussi intéressée à l’origine des fonds injectés par Dufermont dans l’Excelsior quand il en est devenu le nouveau propriétaire. Elle a découvert que tout était très clair là dans ses activités en Espagne et elle ne semble pas penser qu’il y ait quoi que ce soit de louche dans ce qu’il fait en Chine.

par pierre danvoye – photos: belga

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