MOUSCRON Le dossier noir

Le toit du Canonnier perce de partout. Dettes cachées, disputes internes, enquêtes judiciaires, etc.

Le dossier de l’Excel, cette histoire qui ne fait plus rire personne et qui fait pleurer tous les Mouscronnois, rebondit de jour en jour, presque d’heure en heure. Au gré des décisions de l’Union belge et de ses multiples commissions, au fil des conclusions de la justice civile. Toute personne sensée sait que la mort clinique sera suivie de la mort tout court. Que le baroud d’honneur de la direction ne pourra plus durer bien longtemps.

Enquête sur plusieurs affaires/ combines/ montages jamais révélés qui ont conduit le club dans l’impasse.

Pourquoi la Ville attaque l’Excel (700.000 euros)

Alfred Gadenne, le bourgmestre de Mouscron, en a ras-le-bol. Alors, il a frappé un gros coup la semaine dernière en réclamant l’argent que lui doit le club : près de 700.000 euros.

 » Tous les jours, je croise des Mouscronnois qui me lancent : -Plus un sou pour l’Excel ! 95 % des gens de la ville disent qu’il faut que ça s’arrête. Ce sont surtout des arriérés de loyers pour des appartements qui appartiennent à la Ville et sont occupés par des joueurs. L’Excel en a loué jusqu’à huit, il en a abandonné deux entre-temps parce qu’il avait déjà des gros problèmes de paiement. Il s’agit de loyers d’environ 500 euros par mois en moyenne. Il y a des années de retard, les loyers ne suivaient déjà plus à l’époque où Jean-Pierre Detremmerie était président de l’Excel. Ce n’est pas tout : il y a aussi des arriérés en factures de chauffage et de téléphone notamment. En tant que bourgmestre, je suis triste de voir l’état de santé du club, mais je ne peux plus fermer les yeux sur ces loyers impayés à partir du moment où autant de Mouscronnois ont des difficultés pour se loger. Si ces appartements appartenaient à un privé, il y a longtemps que des huissiers auraient débarqué. La direction payait les loyers des appartements de grand luxe qu’elle louait dans une rue chic pour Amedeo Carboni et Miroslav Djukic : elle savait qu’elle n’avait pas le choix, sous peine d’expulsion. Mais quand c’est une propriété communale, le club ne paie pas et ne s’inquiète pas. Il fallait un geste fort, c’est pour cela que je réclame maintenant notre argent. Nous ne sommes pas des méchants, nous privilégions le dialogue. Mais avec eux, c’est impossible : ils se contentent de vagues promesses et rien ne bouge jamais.  »

En cas de faillite, l’IEG perd 2 millions, Dufermont aussi…

Une mise au point : contrairement à ce qu’on a souvent dit, l’Intercommunale d’Etude et de Gestion (IEG) n’est pas alimentée par les contribuables. Elle tire ses revenus de la vente de terrains, de l’exploitation de zones économiques et de la distribution d’eau sur les communes de Mouscron, Estaimpuis et Comines. Elle distribue une partie de ses dividendes à la population. Ce ne sont donc pas les gens de Mouscron qui donnent directement de l’argent au club quand l’IEG lui octroie des prêts, mais ils sont quand même perdants si ces prêts ne sont pas remboursés puisqu’il y a alors moins de dividendes.

Après le scandale de la vente de l’immeuble du Sarma (qui avait été acheté à la Ville par Philippe Dufermont et dont le produit n’est pas arrivé sur les comptes communaux mais dans la caisse de l’Excel), Detremmerie a perdu son poste de président de l’IEG au profit de Michel Franceus, échevin des Affaires culturelles notamment. L’Excelsior a actuellement une dette de 4 millions à l’IEG, dont 2 millions sont couverts par Dufermont.

 » En cas de faillite du club, Dufermont devra nous rembourser ces 2 millions et les 2 autres seront perdus « , craint Franceus. Les 4 millions (en plus des intérêts) sont à rembourser en 8 tranches de 500.000 euros, la première venant à échéance en janvier 2010. Le club a annoncé son intention de demander son report.

Franceus :  » Une illusion. A tous les éventuels repreneurs qui viennent nous voir, nous disons que c’est impossible de reporter le début du remboursement. Le CRAC (Centre Régional d’Aide aux Communes) et la Région wallonne ne l’accepteraient jamais. « 

Le loyer du stade n’est plus payé depuis plus d’un an (60.000 euros)

L’Excel a donc des dettes  » incontestables « , comme le dit Franceus : à l’IEG, à la Ville et aux organismes officiels (800.000 euros à trouver d’urgence pour être en ordre vis-à-vis de l’ONSS, de la TVA et du précompte professionnel). Ces 800.000 euros, c’est la somme dont le club a besoin chaque trimestre pour honorer ces organismes, et le prochain contrôle de l’Union belge, pour le trimestre en cours, est prévu le 2 décembre. La même dette va donc à nouveau s’ajouter et Mouscron devra être en règle de paiements fin novembre.

 » Mais il y a encore d’autres montants dus par l’Excelsior « , signale Franceus.  » Vis-à-vis de l’IEG notamment. Nous sommes propriétaires du stade – NDLA : pas du terrain, qui est la propriété de la Ville !– et nous le louons au club pour 5.000 euros par mois. Depuis plus d’un an, ces loyers ne sont plus payés. Et il y a encore d’autres litiges financiers, entre autres sur l’exploitation des buvettes et sur le ticketing.  »

Quel est le véritable investissement de Dufermont ?

Philippe Dufermont a officiellement déjà mis 7,3 millions dans le club : 5,3 en cash et 2 en caution d’un prêt de l’IEG.  » Il a versé beaucoup d’argent, c’est certain « , affirme le bourgmestre.  » Mais affirmer qu’il a mis 9, 7 ou 2 millions, c’est impossible à dire parce que ce n’est pas clair du tout. « 

Stéphane Pauwels a signalé à Studio 1 La Tribune que Dufermont avait tout au plus perdu 2 millions au Canonnier. Un observateur de la vie mouscronnoise nous dit :  » Il se fait passer pour un homme d’affaires richissime mais il n’est pas aussi lourd qu’il le dit. Ses usines en Espagne avec plein d’ouvriers ? Un agent de joueurs installé en Belgique et qui connaît très bien l’Espagne a tout vérifié : il a découvert que Dufermont faisait simplement de l’import-export de matériel sanitaire sans que ce soit une entreprise XXL. S’il était parti après quelques mois de présidence, il aurait fait une bonne affaire parce qu’il avait encaissé beaucoup d’argent en peu de temps : 3 millions sur la vente de Demba Ba à Hoffenheim, quelques millions de l’IEG, des droits TV conséquents et 1,5 million du sponsor espagnol Frinver. Mais il est resté, il a continué à perdre, et au lieu de s’éclipser en limitant les dégâts, il s’est accroché. Parce que c’est un joueur, un vrai. Le fou de casinos reste dans la salle même quand il est perdant car il est toujours persuadé qu’il finira par se refaire. Dufermont a raisonné comme ça. Et sa fierté aussi était en jeu. Il ne voulait pas perdre la face. Il a pris des risques. Comme quand il a offert 40.000 euros par mois à Daan Van Gijseghem. Bruges voulait le joueur mais Luc Devroe a avoué qu’il n’était pas capable de lui donner autant. On lui a offert ce salaire de fou alors que l’Excel était déjà menacé de faillite ! Avec la conviction que, plus tard, il serait vendu pour une fortune.  »

Lille et Tottenham lisent le rapport de Deloitte et concluent : Excel insolvable

Insolvent. Insolvable. Un agent de joueurs anglais avait été mandaté, l’été dernier, par trois clubs de son pays (dont Tottenham, avec David Ginola sur le coup) pour se renseigner sur une reprise de l’Excel. Il témoigne en demandant à rester anonyme :  » Ces clubs se souvenaient de collaborations fructueuses entre l’Angleterre et la Belgique avec Arsenal et Beveren, Chelsea et Westerlo, Manchester United et l’Antwerp. Mouscron les intéressait, comme club satellite. J’ai analysé l’audit de Deloitte et j’ai découvert un club au bord du gouffre. Tout indiquait que le déficit allait encore grandir et il y avait d’autres obstacles comme l’impossibilité de développer le stade et les risques liés aux dissensions entre les forces politiques de la région. Les Anglais qui se renseignent sur Mouscron ne le font pas par amour de l’écusson mais pour faire du business : j’ai compris que c’était impossible et ils ont tiré la même conclusion.  » Cet agent a discuté pendant deux semaines avec Michel Franceus et dit :  » Il était très sérieux mais aussi très réaliste.  »

Le numéro 1 de l’IEG a aussi négocié avec d’autres personnes. Il se souvient :  » Avec Edward Van Daele, j’ai rencontré une dizaine de fois des responsables de Lille. Ils ne visaient pas une reprise pure et simple de l’Excel, plutôt le prêt de joueurs et éventuellement d’un staff. Ils ont demandé l’audit à Deloitte, et là, ils ont été effrayés par l’ampleur de la dette et ils ont immédiatement laissé tomber.  »

Ce rapport financier indiquait un trou de 9 millions alors que la direction de Mouscron s’obstinait à dire qu’il ne manquait que 2 millions dans sa caisse. Pour essayer de convaincre, elle a même essayé de faire croire qu’il était possible de zapper la dette de 4 millions à l’IEG !

Autre piste qui a été explorée : Benoît Roul et Gil Vandenbrouck se sont rendus à Londres pour y rencontrer des investisseurs australiens. C’est confirmé par Roul, le directeur administratif. Ils y auraient simplement discuté avec un délégué commercial !

Enquêtes à Tournai : De Grox et d’autres choses ?

Olivier De Grox est furieux. C’est l’homme qui, en avril dernier, passa pour le Messie d’un Excelsior (déjà) sur le point d’être privé de licence. La direction annonça qu’il allait mettre très vite 2,5 millions, et ensuite 4 autres millions pour prendre le contrôle du club. Il n’a finalement pas mis un euro et Mouscron avait annoncé que l’affaire se terminerait devant les tribunaux.

 » Il fallait un bouc émissaire, on s’est acharné sur moi « , dit De Grox.

La Justice avait bel et bien ouvert un dossier De Grox depuis la vraie-fausse reprise de l’Excel, suite à une plainte du club déposée dès le mois d’avril dernier. De Grox ne conteste pas :  » Il y a une affaire à l’instruction. J’ai été auditionné et j’ai montré tous les documents, ça suit son cours. « 

Parmi les témoins convoqués par la Police de Tournai dans cette affaire : Enzo Scifo. Il nous confirme :  » Oui, j’ai reçu un courrier. On m’a demandé de me présenter dans le cadre de l’affaire De Grox. Mais je ne connais pas ce gars, je ne sais rien du tout de lui. Je n’ai pas encore répondu aux enquêteurs parce que je suis parti en vacances entre-temps. Je dois m’en occuper. Mais si je ne suis pas légalement obligé de témoigner, je n’irai pas.  »

Autre info qui nous est parvenue : la brigade financière de la Justice tournaisienne a aussi ouvert un dossier à charge du club. On parle de suspicions de blanchiment, de détournements, de surfacturation,… Par exemple, les transferts de Christophe Lepoint et d’ AdnanCustovic à La Gantoise ne seraient pas tout à fait clairs. Roul :  » Oui, il y a une enquête de la brigade financière de Tournai. Toutefois, elle ne vise pas spécifiquement le club mais un ensemble d’ASBL.  » Philippe Dufermont n’a jamais donné le moindre éclaircissement à ce sujet.

Imbroglio sur Lestienne

Maxime Lestienne à Everton ! L’info est parue dans la presse en début de semaine dernière. Et c’est par les journaux que le joueur a appris qu’il allait prendre l’avion pour le club de Marouane Fellaini… Mouscron lui avait arrangé une  » visite  » des installations. Même pas un test. On ne lui demandait même pas de prendre ses godasses. Comme si le transfert était déjà ficelé alors que le joueur n’était au courant de rien. Lestienne a confié la gestion de sa carrière à l’ancien pro danois Mikkel Beck et à un de ses associés français, un certain Riad qui nous dit :  » Hors de question qu’il aille à Everton. Ou ailleurs. Quand un club est menacé de faillite, des vautours commencent vite à rôder autour de ses meilleurs joueurs. En espérant les avoir gratuitement. Mais Lestienne est à Mouscron et rien ne sera envisagé aussi longtemps que le club sera en vie.  »

Véronique Van Acker, la patronne de la société Capitalium Consult qui cherche des investisseurs susceptibles de sauver le club et passe pour la nouvelle force motrice de l’Excel (voir encadré), a déclaré :  » Pas question d’envoyer Lestienne à Everton. Ce ne sont que des rumeurs.  » En fin de semaine passée, l’Excel a diffusé ce communiqué :  » L’entourage sportif et personnel de Maxime Lestienne confirme qu’il a bien été invité pour une simple visite d’Everton mais qu’il n’a jamais été question de test ou de transfert avec le club.  » Et Roul nous affirme :  » Il n’y a pas eu d’affaire Lestienne/Everton. C’est un problème de communication. Nous ne pouvions pas avoir connaissance de quelque chose qui n’existe pas. C’est un voyage privé.  » On n’y comprend plus rien !

En fait, tout est parti de Hans Galjé, qui a dit à Riad :  » Votre joueur ira à Everton pour deux jours, il partira le lendemain du match contre Charleroi.  » Le coach a ajouté que, sans un transfert pareil, il serait difficile de payer les salaires de novembre. Riad a immédiatement refusé. Tout se serait fait dans le dos du directeur général Benoît Roul et Philippe Dufermont. Galjé (qui a ses entrées en Angleterre depuis qu’il a travaillé au rapprochement entre Portsmouth et Zulte Waregem) et Van Acker auraient convenu que c’était un beau coup financier à faire. Une affaire à ne pas rater.

par pierre danvoye – photos: belga

« 95 % des Mouscronnois me disent qu’il faut que ça s’arrête : -Plus un sou pour l’Excel. (Alfred Gadenne, bourgmestre) »

« Bruges veut Van Gijseghem : Dufermont lui donne 40.000 euros par mois ! »

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