Mouscron en boucle

9 juin 1996 : Courtrai-Mouscron. 14 mars 2009 : Mouscron-Courtrai. Entre l’accession à la D1 et le dernier match des Hurlus, 13 ans se sont écoulés.

Dimanche 9 juin 1996, stade des Eperons d’Or à Courtrai. Il fait beau et chaud, l’été approche. Un match nul suffit à l’Excelsior Mouscron pour rejoindre la D1.

Fabien Delbeeke :  » Il devait y avoir 10.000 spectateurs dans le stade. Difficile de dire combien d’entre eux étaient Mouscronnois, mais ils étaient en nombre.  »

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Samedi 14 mars 2009, stade du Canonnier à Mouscron. Il règne une atmosphère particulière. Dans le rond central, un… éléphant rose attend paisiblement. C’est la mascotte de Hamburg-Mannheimer, le sponsor. Les jeunes du Futurosport défilent tandis que les haut-parleurs diffusent une chanson de Jean-Jacques Goldman : J’irai au bout de mes rêves. Il y a un peu plus de monde qu’à l’accoutumée : 6.448 spectateurs. Par souci de réciprocité après le match aller, le prix des places a été abaissé à 5 euros pour une place debout et 8 euros pour une place assise.

Mustapha Oussalah :  » Je faisais encore partie du groupe mouscronnois il y a deux mois et demi. J’ai de la peine pour mes anciens coéquipiers, j’espère sincèrement qu’ils s’en sortiront. Mais je défends désormais les couleurs de Courtrai et je me donnerai à fond pour qu’on reparte avec les trois points. Après quelques semaines difficiles, on doit une revanche à nos supporters. Ce match constitue l’occasion rêvée.  »

Maxime Lestienne :  » Les entraînements, durant la semaine, se sont déroulés normalement. Je n’ai pas senti de grosse différence avec les semaines précédentes. Mais c’est vrai que dans le vestiaire, tout le monde ne parlait que de la situation financière. Cela me dépasse un peu. Ma semaine à moi a été conforme à ce qu’elle était depuis que j’ai rejoint le noyau A : je m’entraîne le matin sous la direction d’ Enzo Scifo, on vient me chercher le midi pour me conduire à l’école et, les mardis et jeudis, je m’entraîne en soirée avec le noyau B.  »

Olivier Besengez :  » Je vous vois venir : la montée à Courtrai, la der contre Courtrai… Je n’ai pas envie de parler de cela. Je continue à espérer une solution. J’ai appris qu’une délégation était partie à Londres pour rencontrer un investisseur australien. Philippe Dufermont va aussi explorer d’autres pistes en Espagne, paraît-il.  »

La première mi-temps

Attention : il y a but au stade des Eperons d’Or ! C’est 1-0 pour Courtrai…

Delbeeke :  » Emile Mpenza a ouvert la marque. Tout le monde savait qu’il avait déjà signé à Mouscron et il a répondu sur le terrain à tous ceux qui affirmaient qu’il ne jouerait pas le jeu franchement. Dans les rangs mouscronnois, c’était un peu la panique. On se remémorait la mésaventure survenue deux ans plus tôt, lorsqu’on avait été privé de la montée en raison de l’égalisation du Beerschot, à sept minutes de la fin, des pieds de l’Israélien Drori.  »

Besengez :  » J’avais vécu ce dénouement traumatisant de 1994, mais malgré tout, je n’étais pas trop inquiet à Courtrai. Je me doutais qu’avec l’équipe qu’on possédait, on parviendrait au moins à égaliser. Je me disais aussi que, même si Emile avait ouvert la marque, ni lui ni Mbo n’allaient trop insister en deuxième mi-temps. Ils avaient aussi envie de jouer en D1.  »

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Au Canonnier, Courtrai domine les échanges. La construction, dans les rangs hurlus, est laborieuse. Quelques passes en retrait provoquent l’un ou l’autre coup de sifflet dans la tribune assise. Les tambours du kop, eux, battent toujours. C’est encore 0-0.

Chemcedine El Araichi :  » C’est vrai qu’en première mi-temps, nous n’avons pas été brillants. Ce n’était pas de la mauvaise volonté, je crois qu’on était simplement trop nerveux.  »

La deuxième mi-temps

On retourne à Courtrai : c’est l’égalisation !

Verspaille :  » On était en tout début de deuxième mi-temps. C’était une phase classique que l’on avait mille fois répétée à l’entraînement. Sur un corner botté par Dominique Lemoine, j’ai surgi au premier poteau pour reprendre le ballon de la tête et tromper le gardien adverse. Georges Leekens était un fana des phases arrêtées et on a inscrit de nombreux buts de cette manière, cette saison-là.  »

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Au Canonnier, on joue la 55e minute. L’entrée au jeu d’ Asanda Sishuba, au détriment de Walter Baseggio, a le don de dynamiser l’équipe et de réveiller le public.

MadameSishuba :  » A propos, vous savez que les salaires ont été versés hier ? C’est peut-être un bon signe, non ? »

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On reste au Canonnier : il y a penalty pour l’Excelsior !

Jimmy Hempte :  » C’est un scandale : il n’y avait aucune faute de main de William Barbosa. Cela fait de longues semaines qu’on est victime des décisions arbitrales, quand cela va-t-il changer ? »

El Araichi :  » Jusqu’en décembre, Adnan Custovic bottait les coups de réparation. Ce soir, il n’y avait pas de tireur désigné, c’était pour celui qui se sentait le mieux. J’en avais déjà tiré quelques-uns autrefois à Roulers, j’ai donc pris mes responsabilités. C’était le but de l’espoir.  »

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On retourne à Courtrai : Mouscron vient de prendre l’avance !

Delbeeke :  » Ibrahim Bohari a été lancé en profondeur, a pris son opposant de vitesse et a trompé le gardien. Avant cela, une clameur s’était déjà élevée des tribunes réservées à nos supporters. Ils avaient entendu que, dans l’autre match, Ostende avait pris l’avance face au Beerschot. Si cela se vérifiait, on n’avait même plus besoin de ramener un point. Le titre était en poche, on a terminé la rencontre quasiment en roue libre et on a misé sur la contre-attaque. Avec la vitesse de Bohari, c’était du pain bénit.  »

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Il reste dix minutes à jouer au Canonnier. Le kop entonne  » Tout le monde debout « ,  » L’Excel en D1  » et  » Enzo Scifo  » sur l’air des lampions.

Lestienne :  » C’est à peu près à ce moment-ci que j’étais monté au jeu contre Bruges, le 21 décembre. Quel souvenir ! Le score était déjà de 4-1, il ne pouvait plus rien arriver et l’entraîneur m’a fait un beau cadeau en me faisant déjà goûter à la D1, contre un club qui m’a toujours fait rêver. Le score allait encore s’alourdir à 5-1. Toute ma famille était présente, ainsi que beaucoup de mes proches et de mes amis. Un moment qui restera à jamais gravé dans ma mémoire.  »

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A Courtrai, l’arbitre va siffler la fin.

Delbeeke :  » J’ai encore l’image en tête. Le ballon est sorti en touche, en direction du banc mouscronnois. Leekens l’a pris en mains, et l’a remis à l’arbitre qui a sifflé la fin du match. Notre entraîneur s’est alors mis à courir, les bras levés vers le ciel en signe de victoire. On a fait la fête dans le vestiaire, puis on a pris le bus du retour. On n’imaginait pas ce qui nous attendait.  »

La troisième mi-temps

A Mouscron, c’est fini également. Plusieurs joueurs, après être rentrés au vestiaire, retournent sur le terrain pour saluer les supporters qui continuent à chanter. Ils leur offrent leur maillot. On assiste à un envahissement de terrain pacifique.

Gonzague Vandooren :  » C’est tout Mouscron, cela : les supporters sont proches des joueurs et les joueurs sont proches des supporters.  »

Hempte :  » C’est un club qui recèle un énorme potentiel. Dommage qu’il n’ait pas toujours été géré comme il l’aurait fallu.  »

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A Courtrai, le stade s’est vidé. A l’extérieur, en revanche, la fête bat son plein.

Verspaille :  » J’ai vécu d’autres grands moments durant ma carrière, notamment un titre de champion avec le Club Bruges, mais ce qui s’est passé ce jour-là avec Mouscron dépasse l’entendement. Les joueurs se sont installés sur le toit du bus. Le long de la route, il y avait un monde fou. Les gens agitaient des drapeaux, nous saluaient.  »

Delbeeke :  » Compte tenu des circonstances, les 15 kilomètres qui séparent Courtrai de Mouscron ont été parcourus à la vitesse d’un escargot. Lorsqu’on est arrivé sur la Grand-Place de Mouscron, elle était noire de monde et il régnait une ambiance de folie. Je suis rentré chez moi à Warcoing vers cinq ou six heures du matin. Les voisins avaient accroché un drap avec un message de félicitations. D’autres messages avaient également été peints sur le sol, comme lors d’une course cycliste. Le lundi matin, j’avais un examen oral de psychologie. Avant même de me poser la première question, le professeur m’a dit : – Félicitations ! Il était au courant et je crois qu’il s’est montré indulgent à mon égard. J’ai réussi mon examen alors que je ne suis pas sûr d’avoir répondu correctement à toutes les questions.  »

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Au Canonnier, le stade s’est vidé aussi. Chacun espère qu’il se remplira à nouveau, le 4 avril, date où la venue de Mons est programmée.

Besengez :  » Ce soir, le public s’est vraiment mobilisé. Mais il y a 15 jours, la veille du match contre Anderlecht, ils n’étaient que 50 ou 100 supporters à manifester sur la Grand-Place pour demander le soutien de la Ville. C’était un peu pathétique.  »

Delbeeke :  » Je ne m’explique pas cette désaffection progressive. Si les résultats n’avaient pas suivi, on pourrait comprendre que les supporters soient déçus. Mais ils ont suivi.  »

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Hier, mardi 17 mars 2009, à 18 h, l’assemblée générale de l’Excelsior devait décider la poursuite ou la cessation des activités…

par daniel devos – photos: belga

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