Mouscron déception

Pierre Bilic

L’ancien attaquant de l’Excel a bien rebondi à Bregenz.

Il fait la moue et ajoute avec rapidité: « L’esprit de famille de Mouscron? Faut pas rire, quelle blague. Quand il est question de fric, le joueur ne compte plus. J’ai été poussé dehors alors qu’il me restait encore six mois de contrat. L’affaire ne s’est pas arrangée, je suis resté, je n’ai pas fait entrer d’argent dans la caisse. Dès lors, je ne fus plus en odeur de sainteté auprès d’ Hugo Broos ou de Jean-Pierre Detremmerie. Pourtant, quand je suis arrivé à Mouscron, ce dernier m’avait à la bonne. A la fin, je n’existais plus et il ne demandait plus des nouvelles de ma femme et de mes enfants. Il ne me voyait plus, m’aurait marché sur les pieds sans s’excuser. Je n’étais plus qu’une somme d’argent impossible à récupérer. Cette indifférence m’a été loin car Mouscron était important pour moi. Je n’oublierai jamais le public mais Detremmerie m’a cruellement déçu. A la fin d’un entraînement, je le vois encore dans la tribune du stade. J’avais marqué un but la veille. Il me toisait et ça m’énervait. Dommage d’en arriver là ».

Jean-Pierre Detremmerie comprend la déception d’Axel à Mouscron: « Je garderai de très bons souvenirs d’Axel. C’était un vrai pro qui, finalmement, n’a guère eu chance chez nous. Il a été blessé un an et cela a ruiné son avènement au Canonnier. Pour lui, ce fut frustrant mais c’est la vie: on peut échouer dans un club et réussir ailleurs ».

Le temps a passé et Axel Lawarée joue au Casino Bregenz, en D1 autrichienne. Ce transfert réalisé par Didier Frenay fit sourire mais Axel a choisi un bon numéro. Son équipe vit dans le ventre mou d’une D1 à dix clubs. Ils se rencontrent quatre fois par saison. Axel est le deuxième finisseur de la série (11 buts durant le premier tour) et est suivi par les clubs de la capitale. Bregenz veut déjà 2,5 millions d’euros mais diminuera le prix en cas d’offre concrète.

Le Liégeois a signé un contrat de trois ans: « Je voulais d’abord renouer avec la joie de vivre. J’avais été marqué par l’ambiance en Belgique. Il y a beaucoup de grognons dans notre pays. Personne n’est content alors que le foot, c’est d’abord du bonheur. Tout est toujours si gris et compliqué en Belgique. J’avais besoin d’un bol d’air frais. Je me suis régénéré sur le plan mental et familial, Bregenz est quasiment une station balnéaire sur le Lac de Constance, une merveille de la nature. Il y a des plages, la montagne n’est pas loin. Nous y faisons des promenades géniales. J’avais besoin de ces moments pour resituer mes ambitions sportives. L’Autriche a été au centre de l’actualité politique et je me demandais à quoi ressemblait le pays de Jörg Haider.

Je ne me suis jamais senti mal à l’aise. Il y a de nombreux étrangers dans l’équipe. Pas de problème d’insécurité. Je ne ferme jamais l’appart’ à clef ».

Un gros incident raciste à noter quand même: Löthar Matthäus traita René Sauzo (Austria Salzbourg) de cochon noir. Matthäus a démenti mais l’affaire fit grand bruit.

Pas de pression en Autriche

Bregenz vit une saison tranquille: « C’était le but du jeu. Au départ, j’ai été intrigué par une discipline tactique moins poussée qu’en Belgique. Tout est pourtant revu avec grand soin à l’entraînement mais il y a toujours l’un ou l’autre moment de distraction en match. En gros, mon club joue en 3-5-2 et les flancs ont du pain sur la planche. Je suis posté en pointe et j’ai retrouvé les joies du finisseur. Il n’y a pas de pression. Bregenz n’est pas en crise après une défaite mais cela ne veut pas dire que le football autrichien n’est pas engagé. Il y a des touches plus techniques dans les clubs de Vienne, une ville qui adore un jeu bien plus fin que le nôtre. Je revis, c’est l’essentiel ».

Axel a milité trois ans sous les couleurs de Mouscron: « Au départ, pas problème puis je me suis blessé grièvement au genou: deux opérations, un an d’absence. La saison passée, Nenad Jestrovic était incontournable. J’aurais cependant pu jouer à une autre place, à côté ou derrière lui. Broos n’a pas jugé bon me faire confiance et à un moment, j’ai même carrément été pris dans une lutte d’influence entre le coach et le bourgmestre. Après mon incident avec Detremmerie, Broos a réuni les joueurs dans le but de savoir ce que le groupe ressentait alors que les résultats n’étaient guère fameux.

Il voulait dialoguer. Je n’avais plus rien à perdre, j’ai craché ce que j’avais sur le coeur. J’ai dit que Broos était trop gentil avec certains ou ne changeait jamais son fusil d’épaule. Les réservistes attendaient trop longtemps leur chance, même quand cela ne tournait pas. Puis, j’ai ajouté que certaines décisions se prenaient en haut, chez Detrem. Broos n’a pas apprécié: -C’est moi, le patron sportif.

Il l’a prouvé en me maintenant dans le groupe, alors que Detremmerie voulait m’en éjecter mais je n’ai jamais entamé un match ».

Le mouton noir

« Il m’avait utilisé pour marquer son territoire. Il n’a pas été plus loin car Detremmerie ne l’aurait pas supporté. C’est lui le grand chef, pas Broos. J’étais pris en otage. L’entraîneur voulait parler mais n’aime pas qu’on le conteste. J’ai payé la note car j’y avais été fort tout en restant honnête dans mes propos. J’avais dit ce que tout le monde pensait. Broos se demanda ensuite devant le groupe si je n’avais pas des soucis de famille. J’étais degoûté par de tels propos. Ma femme ne voulait plus vivre à Mouscron pour des raisons professionnelles. J’ai fait les déplacements entre Liège et Mouscron, sans arriver une fois en retard à l’entraînement.

Après mon transfert raté à Ravenne, j’étais devenu le mouton noir. Je n’ai pas été en Italie car le club n’avait pas la garantie bancaire. J’ai rejoint l’Excelsior à Barcelone sur la route du stage dans le sud espagnol. Les Hurlus avaient déjà revendu mon billet. Ils avaient cru que je signerai à Ravenne. Pour eux, j’étais oublié. J’ai demandé ce que j’allais faire. J’étais tout seul et sans billet à Barcelone. J’étais un peu désemparé, j’ai demandé à un taximan de me conduire dans un hôtel. Pas moyen d’en trouver sauf une espèce de taule où je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit. J’étais paumé ».

Dia1

Pierre Bilic

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