MOURIR DEBOUT OU VIVRE À GENOUX ?

On a des contre-exemples, OK… Prenez Timmy Simons, redevenu champion et Diable à l’âge où des footballeurs sont passés au régime anti-inflammatoires / antidouleurs pour continuer à vivre plus ou moins normalement, pour pouvoir taper la balle avec le fiston. Mais à côté de Simons, combien de joueurs qui ont trop tiré / tirent trop sur la corde, s’obstinent à provoquer leur corps et – peut-être surtout – abîment leur portrait ? Déglinguent l’image qu’ils ont construite pendant une carrière sous les spots ?

Sûr que si on aborde le sujet avec Enzo Scifo ou Georges Grün, ils reconnaîtront avec le recul qu’ils n’auraient pas dû tenter une dernière aventure belge après avoir brillé ailleurs. Douleurs, lenteur, panne de jus, manque de motivation : pour les vieux, ça peut être tout ça à la fois. Et ça fait mal. A eux, à tout le monde.

Prenez Filip Daems. Pas un ancien Soulier d’Or. Pas un ex-Ballon d’Or. Mais quand même… Une longue et chouette carrière en Allemagne, un statut de petite idole maison dans un club historique comme Mönchengladbach. Et aujourd’hui ? Comment dire ? … Le fond du fond du panier avec Westerlo. Tout ça pour rejouer près de chez lui. Pour ne pas devoir déjà penser à l’après. Ça doit faire mal. A lui, à tout le monde.

On passe de Daems à Vincent Kompany, même si ça peut donner l’impression qu’on ne parle plus du même sport. Le dieu a-t-il raison de s’obstiner ? Il est encore sorti en cours de match, ce week-end. La blessure n’était pas musculaire. Pour une fois… Il reviendra. Et il se blessera à nouveau. C’est écrit. Des toubibs et kinés qui se sont occupés de lui disent depuis des années que son corps est HS, mort, qu’il est condamné à enchaîner les rechutes. Il pourrait partir en pleine gloire. Pas question pour lui. Cicatrices, médocs, séances de torture : VK accepte tout ça parce qu’il ne veut pas mourir. C’est beau. Mais utile pour autant ? Et quelles conséquences physiques à long terme ?

Retour à Westerlo… Sur le banc, il y a un homme qui souffre. Mais s’il souffre, c’est parce qu’il le veut bien. Contre Ostende, samedi, l’équipe de Jacky Mathijssen s’en est pris cinq dans les dents. Le Jack a crié, gesticulé, il a tout donné. Pour rien. Tout ça pour ça. Pour rester dans le circuit. Dans ces cas-là, on accepte n’importe quel défi. Le plus étonnant dans le cas de Mathijssen, c’est qu’il avoue que le milieu du foot professionnel le gonfle. Depuis son passage à Louvain, il ne veut plus accorder de longue interview. Il nous a dit :  » Je donne mes entraînements, je coache mes matches, point barre.  » Pourquoi est-il toujours là, alors ? Parce que ce milieu qui le gonfle est aussi un milieu qui lui permet de continuer à exister. Et ça, ça fait apparemment du bien.

Vous en voulez encore ? … Faciles à dénicher, les cas d’école ! Chez les entraîneurs, ça fourmille. On en a aujourd’hui deux en Afrique. Hugo Broos, c’est un parcours, un palmarès, une réputation. Il essaie maintenant de s’imposer comme sorcier blanc au Cameroun. A lire plus loin dans ce magazine : ce n’est pas gagné. Il a été accueilli par des sifflets, ça s’est amélioré avec les premiers résultats, mais ça chauffe à nouveau pour lui. Qu’est-ce qu’il fabrique là-bas à son âge ? Sa maison dans la campagne brugeoise, c’est pourtant un paradis sur terre !

Et puis il y a Georges Leekens. Une carrière très contrastée mais hyper intense. Lui aussi, il refuse l’idée de la quille. Et son nouveau bourbier est en Algérie. Ils font penser à un Trond Sollied prêt à sauter (et il l’a fait ! ) sur n’importe quoi après ses succès à Bruges et en Grèce – pour continuer à exister, toujours la même rengaine. Sollied a entraîné le Lierse et un obscur club turc. Le Lierse, oui ! Après cela, il a encore épluché les offres d’emploi, venant de n’importe où.

Choisir le moment de sa sortie, c’est tout un art. La faire trop tard, c’est un gâchis. Parce qu’on risque de casser tout l’avant. Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux. Et mourir à genoux, c’est le top du top de la lose.

PAR PIERRE DANVOYE

Cicatrices, médocs, séances de torture : Vincent Kompany accepte tout ça parce qu’il ne veut pas mourir. C’est beau. Mais utile pour autant ?

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