Moteur de recherche

Avec Steven Defour, les Liégeois ont retrouvé leur indispensable clé de contact : sauvera-t-il toute la saison des Rouches ?

Sans sa dynamo, le Standard ne serait jamais retombé sur ses pieds après une interminable et même inquiétante série de sauts périlleux. Depuis que sa blessure à l’épaule n’est plus qu’un souvenir, Steven Defour règle à nouveau la circulation au c£ur de la ligne médiane ; ce qui permet à chacun d’avoir un point d’appui, une zone de sécurité où les ballons sont travaillés avec calme et intelligence. Le petit numéro 8 de Sclessin constitue l’indispensable moteur de recherche d’une équipe qui s’est enfin glissée dans le top 6 après son succès à Charleroi. Mais le chemin sera encore long, et passe aussi par les deux rendez-vous avec Gand en demi-finales de la Coupe, avant d’entrevoir la flamme de l’espoir au bout du tunnel. Avec son collier de vieux briscard qui encercle son visage, et malgré ses 22 ans, Defour, né malin, sait tout cela mieux que personne.

Le Standard détiendra-t-il encore un jour une équipe comme celle de deux titres ?

Steven Defour : Oui, j’espère mais il ne faut pas oublier qu’elle avait atteint un niveau exceptionnel avec un mur derrière, une ligne médiane complémentaire, des attaquants redoutables. L’équipe du doublé a fait trembler des valeurs européennes confirmées et était capable de gagner des matches même quand elle ne jouait pas bien. C’est rare d’avoir un ensemble aussi harmonieux. Quand un tel effectif arrive en bout de cycle, ce n’est jamais facile. Après l’époque Jan Koller-Tomasz Radzinski, Anderlecht, je m’en souviens, a mis du temps avant de trouver de nouveaux repères.

Combien de temps faudra-t-il avant de remplacer les derniers autocollants  » Standard Champion  » ?

25 ans… Non, le plus vite possible mais, même si on peut être déçu, et je le suis au vu de notre classement, on ne doit pas oublier tout ce qui a été fait. Dans le jeu, Axel Witsel et moi étions les seuls survivants de l’équipe championne. Du temps de Laszlo Bölöni, nous avons globalement tourné avec 11 joueurs, toujours la même équipe de base. En défense, par exemple, nous avons toujours aligné le même quatuor avec Marcos, Oguchi Onyewu, Momo Sarr, Dante (ou Mulemo). Du béton armé. C’était quasiment immuable et cela tranche par rapport à la composition actuelle de ce secteur qui a sans cesse varié par la force des choses. Puis il y eut la malchance, les blessures, les suspensions, Dieumerci Mbokani avait la tête ailleurs et Milan Jovanovic carburait à moitié-moitié à cause de son genou.

Tout a changé si vite…

J’ai beaucoup appris avec Bölöni, un grand coach. Mais nous étions arrivés dans une impasse avec des joueurs, je songe à ceux qui jouaient peu, en panne de confiance. Les résultats ont compliqué la donne. La presse a fait état d’une ambiance plus difficile dans le vestiaire. A l’époque, je me suis concentré sur mon retour après ma blessure au pied. Toujours est-il que Dominique D’Onofrio a tout repris à zéro et chacun a eu sa chance. Cette saison, nous sommes repartis de loin ; c’était éprouvant avec une équipe aussi jeune qui a eu des hauts et de bas évitables, parfois chez nous mais le plus souvent en déplacement. Moi, j’adore la pression mais je suppose que certains doivent encore franchir ce cap. Je n’ai peur de rien, ni de personne. J’essaye de faire passer le message dans le groupe. A chacun d’en retirer quelque chose.

 » Les PO ne bonifient pas les équipes « 

Un groupe qui s’arrime enfin à la dernière place qualificative pour les PO1 : vivre le scénario de la saison dernière serait un choc ?

Tout à fait. Tout le monde sait ce que les joueurs de D1 pensent de la réforme du championnat. Cela ne ressemble à rien. Les grands championnats étrangers n’ont jamais songé à une telle formule. Ici, on a osé dire que la multiplication des affiches serait bénéfique pour le niveau de jeu des clubs. Je n’ai pas décelé de différences positives, au contraire, sur les terrains européens. Les PO ne bonifient pas les équipes. Autre effet : les grands matches sont banalisés. Quand il y a quatre Clasicos en une saison, cela ne peut avoir le même goût. La saison passée, nous avons connu les PO2 : pas de chaleur dans notre stade, l’impression de disputer des matches amicaux après avoir connu les ivresses européennes. Le mental avait lâché et beaucoup n’attendaient plus que la fin de saison. Je suis contre les PO mais je ne veux surtout pas me retrouver à nouveau en PO2 où il n’y a rien à voir, rien à vivre.

Le Standard aurait dû être rassuré depuis longtemps, non ?

Oui, c’est évident…

Mais ce n’est pas le cas, pourquoi ?

La jeunesse et l’inexpérience y sont pour beaucoup. La saison passée, Eliaquim Mangala et Sarr ont parfaitement cerné Djibril Cissé en coupe d’Europe. A deux, ils alliaient la jeunesse et le métier. Mangala est à l’aube d’une très grande carrière et tout le monde a peut-être estimé qu’il pouvait déjà passer à l’étape. Or, comme d’autres, il a besoin de mûrir, de garder la tête froide. Dans l’axe, seul Laurent Ciman a pu lui offrir son vécu. Il faut accepter les avantages et les inconvénients de la jeunesse. Le Standard a mal voyagé. C’est un signe de manque de maturité qui s’est aussi révélé dans le nombre important d’erreurs individuelles. Un coach peut faire ce qu’il veut mais est impuissant face aux bourdes.

Le Standard n’a-t-il pas été plus gêné par une longue errance tactique ?

Le Standard n’a pas pu aligner trois fois la même défense. Il y a aussi eu recherche dans les autres lignes décimées par les blessures…

D’accord pour les blessures, mais cela explique-t-il cette la précipitation et les ballons longs qui ont caractérisé le jeu du Standard durant des mois ?

Ce n’est pas si simple. A un moment, l’attaque a perdu Cyriac qui s’entendait bien avec Mémé Tchité. C’était un problème comme le fut mon absence. Sans le duo Defour-Witsel, la ligne médiane du Standard ne présentait plus les mêmes atouts. A deux, nous avons un paquet de métier. En fait, le Standard avait pas mal de pain sur la planche avec la mise au point d’un nouvel effectif et la malchance a tout compliqué. On le voit maintenant : quand tout le monde est là, le Standard pose et varie son jeu. Moi, j’aime bien compenser, chasser le ballon ou calmer le jeu, avoir un impact sur le déroulement des événements. Axel s’est parfois retrouvé avec le prometteur mais jeune Camara à ses côtés. Pour lui, ce n’était pas la même chose…

Axel a dû jouer trop bas ?

Oui, trop bas pour lui. Axel évolue naturellement plus haut. Là, il se retrouvait dans des zones de travail que je connais mieux que lui. Il préfère nettement mettre le nez à la fenêtre, être plus en contact avec le secteur offensif et Tchité. J’aime bien jouer bas, même devant la défense quand c’est nécessaire. Nous nous trouvons les yeux fermés dans les automatismes, les permutations, les couvertures, etc.

 » C’est simple le football… « 

D’Onofrio ne vous avait-il pas demandé en début de saison de jouer plus haut ?

Oui.

Et Wilfried Van Moer partage cet avis…

Je sais mais je me sens plus à l’aise dans ma position actuelle. Par les caractéristiques de mon jeu, j’ai besoin d’avoir une vision plus panoramique pour tirer les ficelles, distribuer le ballon, huiler les mécanismes. Un peu plus haut, tout est de plus en plus encombré. Le football change sans cesse. J’ai adapté mon jeu, mon positionnement. Une chose est tout aussi certaine : j’ai besoin de toucher du ballon, de me donner à 100 %, de mouiller mon maillot. C’est mon style, j’ose jouer et assumer mes responsabilités et mes ambitions, le public aime cela. Un joueur comme Igor de Camargo incarne parfaitement le nouveau numéro 10. L’ancien 10 est devenu un 6. Et les 6 peuvent dicter le tempo. Je me régale quand je peux multiplier les passes. J’adore le jeu de Barcelone. Les Catalans multiplient les passes à 10-15 mètres mais avancent. C’est simple le football…

Quelle occupation de terrain préférez-vous : 4-4-2 ou 4-3-3 ?

Tout cela dépend de nos forces disponibles ou des adversaires. Nous avons évolué en 4-4-2 et c’est intéressant avec Jelle Van Damme à côté de moi. Mais, en gros, je préfère le 4-3-3 avec décrochage sur les côtés de deux attaquants en phase de récupération. C’était déjà la formule des deux titres et des succès européens. Dans tous les cas de figure, c’est plus facile avec un effectif au complet. A part Cyriac, c’est le cas pour le moment. L’équipe a désormais une tout autre allure.

Les nouveaux ont-ils enfin trouvé leurs points de repère ?

Les choses sont désormais en place. Il y avait un déficit de présence athlétique et de personnalité sur le terrain. Nous avions perdu du caractère. Même s’il doit encore s’adapter au club, Van Damme nous a apporté tout cela en compétition mais aussi dans le vestiaire et le travail au quotidien. Je le connaissais bien et je l’appréciais en équipe nationale. Sa polyvalence est un autre atout. Dans mon secteur, on peut aussi compter maintenant sur l’apport de Franck Berrier. Il nous propose sa technique, sa lucidité, son calme, ses ouvertures, sa distribution, ses coups francs millimétrés. C’est du métier qui a longtemps fait défaut. Quand on n’a pas Van Damme, Berrier ou moi-même sous la main, les problèmes sont différents. Le Standard peut désormais varier avec des milieux comme Mehdi Carcela, Witsel, moi, Berrier et Van Damme. Quand on a cela au centre du terrain, c’est plus facile pour l’attaque ou la défense. Je suis physiquement en ordre, c’est nécessaire pour les joueurs de mon style. Et mon niveau va continuer à s’élever au fil des matches.

Il a été question dans un journal des critiques des joueurs à propos des choix du coach…

Non, il n’a jamais été question de cela dans le vestiaire. L’effectif a toujours été derrière toutes les options tactiques du T1. Il y a parfois des tensions entre des journalistes et le staff technique : des articles peuvent installer le doute. Ce n’est pas gai, pas amusant mais nous sommes des professionnels, il faut vivre au-dessus de cela. Avec le recul, ce sont les résultats qui importent. Je ne nie pas nos responsabilités mais nous avions besoin de temps. Dominique D’Onofrio n’a pas eu la vie facile.

 » D’Onofrio est un mix de Preud’homme et Bölöni « 

Qu’est-ce que D’Onofrio vous apporte par rapport à Michel Preud’homme et Laszlo Bölöni ?

Michel Preud’homme protégeait bien son groupe. Bölöni l’a secoué, placé face à ses ambitions européennes. Dominique D’Onofrio est un mix des deux. Sa mission n’est pas facile, on ne le mesure pas assez. J’en reviens au temps, à la patience.

A propos de son apport…

C’est du travail, beaucoup de travail, de l’énergie qu’il offre sans compter, une façon de gérer les situations difficiles. Je le trouve courageux face aux problèmes. A ses côtés, il y a aussi Sergio Conceiçao : les jeunes ont besoin de lui, de son vécu, de sa grinta.

Et la philosophie de jeu ?

Elle dépend aussi des joueurs disponibles. On ne peut pas nier que la poisse a compliqué la mise en place de l’équipe.

D’accord pour la poisse mais le recrutement d’avant-saison a-t-il été suffisamment qualitatif ?

On dresse ce genre de conclusion en fin de saison. Le club constatera alors qui a supporté la pression ou pas. La campagne de préparation avait été très bonne mais jouer devant 30.000 spectateurs, c’est autre chose. Certains n’avaient pas l’habitude de ce genre de pression.

La fin de match contre le Club Bruges a-t-elle eu un effet de déclic ?

Peut-être.

Il est venu bien tard, non ?

En première mi-temps, le Club Bruges a eu plus de possession de ballon que nous, je ne le nie pas. C’était toujours 0-0 au repos alors que notre adversaire ne s’est pas forgé d’occasions de but et que nous en avons obtenu au moins quatre. Le Standard a pris le jeu à son compte en deuxième mi-temps mais deux contres sont passés…

Beau but d’Ivan Perisic n’est-ce pas ?

Cela ne devait jamais arriver…

Defour au stopper sur cette phase-là, c’était pas bizarre ?

Je suis un bouche-trou…

Plus sérieusement ?

Il y a eu un moment de déconcentration après une intervention de Ciman et tout a été très vite. J’ai essayé de couper Perisic mais j’étais un peu mort…

Avez-vous revu les images de cette phase de jeu ?

Ouais.

En avez-vous parlé avec le coach avant le déplacement à Charleroi ? L’avez-vous charrié ?

Non, ce n’était vraiment pas le moment de le charrier.

Voilà comment un geste sportif – rendre tout de suite le ballon à l’adversaire – peut lancer l’adversaire…

Je retiens d’abord notre manque de lucidité sur ce coup-là, pas l’anecdote. A 0-2, le Standard a réagi, trouvé la volonté d’égaliser au bout d’un match que nous méritions de gagner. On peut parler de déclic mais si nous avions perdu nos chances de qualification pour les PO1, cet échec aurait eu d’autres causes que ce Standard-Club Bruges.

Bien mais un club comme le Standard doit-il lutter contre Malines pour décrocher la dernière place des PO1 ?

C’est clair : le destin du Standard, c’est… vivre plus haut. Il faut accepter la réalité du classement. Bon, même si c’est difficile, nous sommes dans les temps. Les PO1 sont à portée de la main et nous sommes en demi-finales de la Coupe. Maintenant, il faut éliminer Gand et se qualifier pour la finale. J’en ai déjà disputé une avec le Standard, perdue contre le Club Bruges 1-0 en 2007. Avant de songer à un rendez-vous au stade Roi Baudouin, il faudra d’abord écarter Gand. Pas facile mais je me souviens que le Standard a décroché les fameux test-matches pour le titre 2008-2009 à Gand.

 » Je m’en fous des rumeurs « 

Y voyez-vous un signe ?

Il a fallu y faire quelque chose de spécial, Sinan Bolat détourna le penalty botté par Bryan Ruiz.

Et le championnat ?

Si on se qualifie, on abordera les PO1 avec l’intention de continuer à progresser et on verra où cela nous mènera. Les autres ont leurs ambitions. Comment évoluera Anderlecht sans Mbark Boussoufa ? Genk et Gand peuvent-ils confirmer ? Le Club Bruges continuera-t-il sur sa lancée ?

N’a-t-on pas dit que vous aviez manqué de discipline durant votre revalidation ?

Il m’est arrivé d’aller boire un verre. Mais je me pose des questions : certaines personnes m’ont vu trois fois à la même heure et à des endroits différents. Comme c’est forcément faux, je m’en fous de ces rumeurs. Autour de moi, au club, c’est différent. Lucien D’Onofrio m’en a parlé pour me protéger. Stéphane Pauwels a raconté que j’étais trop gros. S’il ose dire ça, c’est qu’il était vraiment bien renseigné. C’est n’importe quoi. Moi, je sais une chose : je suis revenu un mois plus vite que prévu après mon opération à l’épaule et c’est impossible à réaliser si on ne vit pas pour son métier.

Pourriez-vous imiter Boussoufa et filer un jour vers le Daghestan ?

Chacun a ses critères, je ne connais pas ceux de Mbark qui a 26 ans. L’argent joue un grand rôle. A mon âge, je ne crois pas que je partirais là-bas. Pendant l’hiver 2008, le Dinamo Moscou s’est intéressé à moi. Je ne l’ai pas su tout de suite et Lucien D’Onofrio m’a dit qu’il ne m’aurait pas transféré en Russie.

Est-ce votre dernière saison au Standard ?

Je ne sais pas. Je connais le niveau que j’ai atteint lors des matches européens la saison passée. Il y a toujours eu des contacts avec l’étranger, même avant ma dernière opération. Il y a un moment pour chacun. J’aurais pu partir en 2009 mais le Standard avait besoin de moi pour la Ligue des Champions. Cet été, il y a eu des négociations très intéressantes avec Liverpool. Je ne sais pas pourquoi elles ne se sont pas prolongées. Tout cela indique que je jouerai un jour à l’étranger.

Comme la plupart des Diables Rouges ?

Oui, j’espère être repris pour le match en Autriche. Il se passe quelque chose en équipe nationale. Quand on voit la classe de Vincent Kompany, rayonnant à Manchester City, ou cet Eden Hazard qui éclate à Lille, on peut être confiant pour l’avenir.

PAR PIERRE BILIC ET GEERT FOUTRÉ

 » Les jeunes ont besoin du vécu de Conceiçao. « 

 » L’ancien numéro 10 est devenu un 6. «  » Je suis revenu un mois plus vite que prévu après mon opération : impossible si on ne vit pas pour son métier. « 

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