Mort d’un commissaire

Au cinquième tour du GP de F1 d’Australie, la BAR Honda de Villeneuve percute le pneu arrière de Ralf Schumacher et décolle, rebondit sur le grillage de sécurité et finit sa course contre un mur de béton. Villeneuve est indemne mais en se désintégrant, une roue de la BAR Honda fracasse la tête d’un steward chargé de la surveillance. Et ceci six mois après le GP de Monza, marqué par la mort accidentelle d’un commissaire de piste!

Au-delà de la tragédie, se pose la question des responsabilités. Des spectateurs ont aussi été blessés, parfois grièvement. Qui doit réparer? La jurisprudence belge est très nette : le but des courses de vitesse imposant aux participants de prendre des risques en vue de gagner, la perte de contrôle d’un véhicule lors d’une compétition moteurs ne constitue pas en soi une faute au sens légal dans le chef du pilote.

Toutefois, lorsqu’un pilote fait preuve d’une témérité ou d’une insouciance caractérisées, la Justice impose qu’il en réponde vis-à-vis de la victime ou de ses proches. Ainsi, la Cour d’appel de Liège a retenu la responsabilité d’un pilote de moto qui, roulant de nuit tous phares éteints, avait renversé et blessé grièvement un commissaire de pistes.

D’autre part, un organisateur de compétition voit peser sur lui une obligation de sécurité. Sera fautif l’organisateur qui aura manqué aux normes générales de prudence vis-à-vis :

-des participants (il doit mettre à leur disposition du matériel et des infrastructures de bonne qualité, tenir compte des capacités et du degré de formation des sportifs, exercer, ou faire exercer, une surveillance afin que les conditions de sécurité soient respectées et lorsque les circonstances le rendent nécessaires, faire appel au service d’ordre public afin d’assurer un déroulement paisible et un service d’aide médicale efficace);

-des spectateurs payants ou non payants et des tiers (il doit veiller à ce que des zones de sécurité soient aménagées pour séparer la piste des spectateurs, interdire leur présence en certains endroits du parcours où existent des risques spécialement importants et prévisibles d’accidents, permettre aux spectateurs de respecter les mesures de sécurité prises, par exemple en suspendant momentanément le déroulement de l’épreuve).

Pour illustrer ces devoirs de prudence, l’affaire du « Rallye de Sallanches 1983 » mérite attention. Peu après le départ d’une spéciale chronométrée, au moment où il s’apprêtait à négocier un virage en épingle à cheveux, un concurrent perdit le contrôle de son véhicule et fila dans la foule massée le long de la piste. Quatre personnes furent tuées, deux autres sérieusement blessées.

L’organisateur fut condamné par la Cour de Chambéry pour homicide et blessures involontaires. Les commentateurs ont approuvé cette décision : en sport automobile, aux endroits où les pilotes courent les plus grands risques (zones de freinage violent, virages rapides), le devoir général de prudence envers autrui commande de n’y laisser accéder personne.

La responsabilité pénale ou civile de la société ayant organisé le GP d’Australie paraît susceptible d’être engagée : l’accident s’est produit dans une zone de freinage violent (en quelques dizaines de mètres, les monoplaces passant de 300 à 85 km/h) et seul un grillage classique, d’une hauteur d’à peine 2 mètres, devait protéger les commissaires ou spectateurs placés à peine à 3 mètres de la piste!

Plus grave encore : en 1996, lors du premier GP organisé à Melbourne, le pilote britannique Martin Brundle perdit le contrôle de sa voiture au même endroit. A l’époque la chance fut au rendez-vous. Ce précédent aurait dû inviter les organisateurs à réfléchir. Par ailleurs, en ayant homologué dans de telles circonstances le circuit de Melbourne, la responsabilité de la FIA pourrait également être sujette à discussion.

Luc Misson

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