Après une première saison en demi-teinte, l’arrière central béarnais est redevenu le patron de la défense, comme à La Louvière.

Au départ de la saison, on considérait généralement Kevin Hatchi comme un pion incontournable en défense centrale. Pour l’épauler, on songeait soit au jeune Daan Van Gijseghem, soit à l’expérimenté Olivier Besengez, voire à Sébastien Grimaldi, de retour de blessure. On se disait aussi que, si Alexandre Teklak était revenu au bercail, c’était pour jouer. Quatre mois plus tard, le seul indéracinable est Geoffray Toyes. Le Béarnais est redevenu le patron qu’il était à La Louvière.

Avez-vous une explication à ce retour en forme ?

Geoffray Toyes : Je me sens mieux, à la fois physiquement et dans ma tête. J’ai mangé mon pain noir la saison dernière. J’avais signé à Mouscron pour être un pilier de l’équipe. Les résultats n’ont pas suivi, et j’en ai payé les conséquences. Je l’accepte : j’avais ma part de responsabilités, comme tout le monde. Le fait d’avoir fait une coupure, lorsque je me suis retrouvé sur le banc, m’a fait du bien. Cela m’a permis de réfléchir un petit peu, de faire le point sur moi-même et de me requinquer physiquement, avant de repartir de plus belle. J’avais déjà donné des signes de redressement en fin de saison dernière. Notamment, en participant à la finale de la Coupe de Belgique. Et lorsqu’une nouvelle saison recommence, on remet les compteurs à zéro. Beaucoup de paramètres entrent en jeu : l’état de forme, la préparation physique.

Problèmes extra-sportifs

Qu’avez-vous déduit de votre introspection personnelle ?

Vous savez, mon séjour sur le banc n’avait pas été très long : trois mois, de décembre à février. Je reconnais avoir traversé une période de méforme en décembre. Des problèmes extra-sportifs se sont greffés à ces difficultés sportives. Je ne tiens pas à entrer dans les détails, car je n’ai pas envie de remuer le couteau dans la plaie. Mais j’ai eu beaucoup de poids sur les épaules, aussi bien sur le terrain qu’en dehors du football, et cela m’a perturbé.

Et votre citation dans le reportage de la VRT concernant les matches truqués ?

Ce reportage de la VRT, si mes souvenirs sont bons, fut diffusé en février. Cette affaire-là s’est ajoutée aux problèmes rencontrés dans ma vie privée. Voir son nom associé à ce genre de truc, même lorsqu’on n’a rien à se reprocher, ne laisse pas indifférent. On a sali mon nom, mon image, sans aucune preuve. On a beau apporter des démentis par la suite, voire reconnaître qu’on s’est trompé et qu’on a mélangé les torchons avec les serviettes : le mal est fait. Maintenant, je laisse la justice faire son travail. Il y a cela, et aussi mon procès avec La Louvière qui est toujours en cours.

On sait ce qu’il est advenu de La Louvière. Aujourd’hui, Mouscron est aussi en pleine tourmente, avec la crise financière et la démission du président Edward Van Daele. En faisant le bilan de votre aventure belge, vous dites-vous que vous êtes, à deux reprises déjà, tombé dans le mauvais club ?

Au contraire, ce passage en Belgique m’a relancé et réconcilié avec le football. A un moment donné, j’en avais gros sur la patate par rapport au monde du foot. Et surtout, par rapport à tout ce qui y gravite autour. En venant en Belgique, je me suis retrouvé dans un championnat moins médiatisé et cela m’a fait du bien. Et puis, à La Louvière, j’ai vécu des moments extraordinaires. Vous ne pouvez pas savoir le plaisir que j’ai pris à jouer avec ce club jusqu’au mercato d’hiver. Vendre six joueurs, soit un tiers de l’effectif, cela ne pardonne pas. Ce qui s’est passé est un véritable gâchis. Et à Mouscron, si l’on excepte le passage à vide que j’ai connu la saison dernière, je me plais bien aussi.

Accepter les remarques

Reprenons le fil de l’histoire depuis votre arrivée à Mouscron, en été 2005. Au début, cela s’est bien passé…

Si l’on veut, oui. Cela s’est bien passé bien avec le staff, avec les joueurs. On m’a fait comprendre qu’on attendait beaucoup de moi. J’ai répondu qu’il n’y avait pas de problème si je devais endosser des responsabilités, que j’étais là pour faire progresser le club et apporter mon expérience. Mais le début de saison a été catastrophique, avec 3 points sur 15. Avec cela, on m’a reproché d’être trop… explicite sur le terrain, aussi bien à l’entraînement qu’en match. Je gueulais un peu trop. Je suis comme cela, que voulez-vous ? On me demandait d’officier comme relais du coach sur le terrain, je devais forcément faire entendre ma voix. Mais certains l’ont mal pris. J’ai l’impression que, depuis deux ou trois ans, on ne se dit pas les choses en face dans ce club. Pourtant, à certains moments, il faut crever l’abcès, pour mieux repartir. Je n’ai peut-être pas trouvé les bonnes paroles, c’est possible. J’ai peut-être utilisé des mots trop crus. Mais sur le terrain, on est pris par le match, on n’a pas toujours le temps de peser ses mots. Il fallait aussi que ces paroles réveillent, qu’elles touchent le point sensible pour atteindre leur objectif. Jamais avec une mauvaise intention, au contraire. Certains n’acceptaient pas qu’on les booste un peu.

On reproche parfois à l’Excel l’absence d’un patron sur le terrain. Or, qui peut endosser ce rôle ? Dugardein avoue lui-même qu’il n’a pas l’âme d’un commandant. Il reste donc, éventuellement Teklak et… vous-même.

Idéalement, dans une équipe, on doit avoir plusieurs patrons. Il y a le capitaine, le patron sur le terrain, le patron en dehors du terrain, l’ aboyeur. Mais les jeunes d’aujourd’hui acceptent plus ou moins bien les remarques. Avec le recul et l’expérience, ils s’apercevront que mes remarques n’étaient pas méchantes. Peut-être qu’eux-mêmes, plus tard, agiront de même.

Celui qui accepte le mieux les remarques, est-ce Daan Van Gijseghem ? Ce qui pourrait expliquer pourquoi vous formez une bonne paire à l’arrière ?

Daan est effectivement à l’écoute. On n’a pas besoin de lui répéter deux fois les mêmes choses. Malgré son jeune âge, il est déjà très mûr et très intelligent. Avec lui, le message des anciens passe.

Et moins avec d’autres ?

Certains jeunes de 20 ou 21 ans écoutent difficilement. Ne comptez pas sur moi pour citer des noms. Dans la société également, le respect vis-à-vis des anciens se perd. Les jeunes considèrent que tout leur est acquis, qu’il faut tout leur apporter sur un plateau. Du moins, c’est mon sentiment.

Des victoires anesthésiantes

On a aussi le sentiment qu’à Mouscron, un échec est vite oublié. Une heure plus tard, cela rigole de nouveau, dans le bus ou dans les vestiaires…

Effectivement, une défaite est vite oubliée chez certains. Pas chez moi : une défaite me reste longtemps au travers de la gorge. Tout dépend du contexte : si l’on s’incline contre une équipe qui a extrêmement bien joué, il faut reconnaître qu’elle s’est montrée supérieure. Mais il en va autrement lorsqu’une défaite laisse des regrets.

Qu’est-ce qui vous reste le plus en travers de la gorge ? Une défaite un peu injuste comme à Charleroi, ou un score fleuve comme à Bruges et au GBA ?

A Charleroi, on a tout donné, mais on s’est incliné sur une décision arbitrale litigieuse. Je râle plus sur le 6-2 du GBA ou le 5-1 de Bruges. Pour un défenseur, et encore davantage pour le gardien, prendre six ou cinq buts, c’est râlant. Les milieux de terrain et les attaquants râlent sans doute un peu moins. On n’a pas seulement pris un bouillon derrière, mais sur tout le terrain. C’est là qu’on constate le manque d’expérience de l’équipe : à 3-1, à dix contre onze, face à Bruges, il ne fallait pas chercher à jouer. On pouvait essayer de procéder en contre, mais encore ouvrir des espaces, c’est du suicide. Pareil au GBA : à 4-1, à dix minutes de la fin, on a continué à jouer. Moi, je veux bien, mais que pouvait-on espérer ? Revenir à 4-4 ? Cela arrive une fois tous les dix ans, et encore…

Cela dit : que l’on perde 5-1 ou 1-0, on a toujours zéro point…

Bien sûr. Certains diront qu’il vaut mieux perdre une fois 6-0 que six fois 1-0. Moi, je répondrai que je préfère gagner six fois 1-0 qu’une fois 6-0. Ce qui manque, pas spécialement à Mouscron mais dans le football belge en général, c’est l’esprit de compétiteur. Certes, la Belgique est cinq ou six fois moins peuplée que la France. Certes, il n’y a pas autant de centres de formation, pas autant de suivi. Il y a aussi plus de difficultés à trouver de l’argent, des sponsors. Mais les joueurs ne manquent pas de qualité. C’est surtout une question de culture footballistique, d’éducation. On peut perdre le ballon, cela arrive à tout le monde, mais après, il faut revenir à 100 à l’heure pour tacler et essayer de le récupérer. Et cela, ce sont des choses que l’on ne voit pas énormément. C’est ce qui m’a le plus frappé en Belgique. On est aussi trop vite content, on n’a pas cet esprit de compétition. Après une victoire à domicile, on devrait se dire : Maintenant, on va faire une série. Mais non : on est content d’avoir gagné, et on se dit qu’après, cela ira tout seul. On se relâche. Au lieu qu’une victoire agisse comme une motivation et offre un surcroît de confiance, elle agit comme un anesthésiant.

DANIEL DEVOS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire