Monuments en péril

Guy Gilsoul Journaliste

A l’occasion de son soixantième anniversaire, le parc de sculptures du Middelheim à Anvers a demandé à 13 artistes d’imaginer un monument pour notre temps.

Qui peut-on aujourd’hui glorifier sur nos places publiques, nos carrefours et nos parcs ? Les éloges statuaires d’antan ne convainquent plus guère. Dès les années 1950, la sculpture monumentale, le plus souvent non figurative, ne servait déjà plus, chez nous, qu’à faire oublier la laideur des nouveaux quartiers  » modernes « . Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Voilà la question posée à treize artistes actuels qui ont imaginé diverses réponses installées en ce moment entre les pièces  » historiques  » de la collection du Middelheim. Quelques exemples.

La première £uvre donne le ton. Devant le château du parc, point de départ du circuit, Angel Vergara a posé un chapiteau. Son monument évoque donc le cirque, ses clowns et ses dompteurs. A l’intérieur de cet espace ouvert, il a aménagé un bar avec ses tables, son comptoir très américain fifties et, tout autour, des tran-sats marqués au sigle d’  » ExtraVedett Blond « . Certes, on vient y boire. On peut aussi y regarder des vidéos de l’artiste posées là comme l’écran télé des bistrots populaires. Mais l’artiste propose surtout aux familles, aux bandes de copains et aux enfants de venir y faire la fête. Soit d’emprunter le monument à des fins d’une petite histoire très personnelle et finalement digne d’entrer dans le souvenir.

L’approche critique des autres créateurs est rarement aussi souriante. La colonne du céramiste Johan Creten, haute de près de cinq mètres, délaisse le matériau noble pour le polyester et métamorphose l’élément architectural en une sorte de corps convulsé mi-pieuvre, mi-plante.

Parfois, il faut lever les yeux vers le ciel. Entre deux arbres, Johan Muyle a tendu un fil sur lequel un squelette à tête noire (la sienne), posé à l’envers sur son vélo, joue au funambule. Il va et vient selon la volonté du visiteur à qui une corde pendue donne le pouvoir de faire avancer ou reculer la mort annoncée.

On le devine, l’art actuel aime se venger du monument d’hier. Pour signifier allégoriquement la fragilité de son autorité, Michel François a imaginé un cube ouvert habité par d’innombrables tiges de métal suspendues entre elles par la seule puissance de petites boules d’aimants. Pour en relativiser la portée, Jan De Cock joue la carte d’une confrontation entre d’anciennes statues d’Anvers, prêtes à être restaurées, et un environnement pour le moins répulsif. Chacun rêverait-il d’un anti-monument ?

Anvers, parc du Middelheim. Middelheimstraat, 61. Jusqu’au 19 septembre. Tous les jours, sauf le lundi, de 10 à 21 heures (en août et septembre, jusqu’à 20 heures).

ww.middelheimmuseum.be

A noter, le 25 juillet, une journée de débats sur la question entre Jan Bucquoy, Noël Godin et Théophile de Giraud. Pas triste.

GUY GILSOUL

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