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Monumental

Malgré une fin de championnat cruelle, il n’aura fallu que cinq années à Marcelo Gallardo pour devenir l’un des coachs les plus titrés de l’histoire de River Plate. Focus sur la philosophie d’un poupon devenu Empereur.

De lui, on se souvient de la taille XXS, du sens du jeu et de l’explosivité. Et de cette invraisemblable baston dans les couloirs du Vélodrome, au cours de laquelle il se serait pris un marron de Christophe Galtier, aujourd’hui l’entraîneur fort en gueule de Lille. Comme son agresseur présumé de l’an 2000, Marcelo Gallardo a choisi la voie du banc, après avoir passé une quinzaine d’années à écumer les terrains sur trois continents.

C’est en Uruguay qu’ El Muñeco, le poupon en VF, débute le second chapitre de sa carrière. Loin de l’Europe, le continent qui devait le faire roi (un titre de champion de France et de meilleur joueur de Ligue 1 en 2000, tout de même), mais ne l’aura finalement pas convaincu d’y rester plus de cinq saisons en tout (quatre à l’ASM, plus une petite au PSG). C’est bien sur sa terre natale, l’Amérique du Sud, que Gallardo l’Argentin est encore le plus à l’aise.

Arrivé River Plate en 2014 auréolé d’un titre de champion d’Uruguay avec le Club Nacional de Montevideo (et avec seulement un an d’expérience dans les pattes), l’ancien milieu de terrain a aujourd’hui quasi tout gagné avec Los Millonarios. Déjà. On pense notamment cette Copa Libertadores 2018, l’équivalent de la Ligue des Champions en AmSud, à l’issue d’un match finalement déplacé au Bernabéu, suite au gros bordel mis dans les rues de Buenos Aires juste avant la seconde manche de la double confrontation face à Boca Juniors.

Le caméléon

Ce n’est pas là le seul succès de Marcelo, aujourd’hui comparé à Napoléon, dont il partage le mètre 65. En effet, il parvient à accrocher quinze finales, pour un total de dix autres trophées au Monumental. Mieux, c’est grâce à son jeune entraîneur que River Plate remporte sept de ses douze titres internationaux. D’autant plus énorme qu’à son arrivée, le club est en pleine reconstruction, trois ans après le traumatisme d’une première descente en deuxième division en plus d’un siècle d’histoire. Ces états de service sont tels que ces derniers mois, son nom a régulièrement été cité à Arsenal et même à Barcelone. Même s’il n’a pas quitté l’Argentine, la hype qui entoure Gallardo ne faiblit pas.

Toutefois, confier les rênes du Barça à l’ancien Monégasque semble presque paradoxal, tant le style de ce dernier n’est pas de nature à rendre au club catalan ses lettres de noblesses « tiki-takesques ».  » Son jeu n’est pas imprégné d’un style à la hollandaise, basé sur la possession de balle et la maîtrise complète du ballon, comme c’est le cas à Barcelone « , confirme Nicolás Frutos, compatriote et confrère de Gallardo.  » Il possède un style plus dynamique, qui s’adapte aux joueurs et aux caractéristiques dont ils disposent. Je le verrais plus au Real Madrid ou au PSG, en fait.  »

Difficile en effet de trouver une identité très marquée au sein d’une équipe qui alterne les systèmes, mais surtout les manières d’animer ces derniers. Récemment, le coach argentin a même tenté la défense à trois, après avoir oscillé entre 4-3-1-2 et 4-4-2.  » Lui-même dit qu’il ne saurait pas juger quel entraîneur il est, car c’est un coach qui varie beaucoup en fonction de la situation « , ajoute l’ancien attaquant d’Anderlecht. Un côté caméléon qui lui permet de se sortir de toutes sortes de pièges, sans idéologie, mais avec intelligence et souplesse.

Intensité et domination

S’il existe un fil rouge dans le football « gallardiste », il est à chercher dans l’intensité affichée par ses joueurs, quelles que soient les circonstances.  » Depuis son arrivée à River Plate, son équipe présente un visage très agressif dans le bon sens du terme. Elle est également très physique, très présente « , poursuit Frutos.  » Ses hommes se donnent à fond pendant nonante minutes.  » Une caractéristique qui le rapproche plus d’un Diego Simeone que d’un Pep Guardiola.  » Mais la comparaison s’arrête là « , nuance le Héron.  » Le style de Simeone est beaucoup plus marqué dans les reconversions offensives. Il propose un jeu très compact, avec un bloc solide.  » Une verticalité que l’on ne retrouve pas forcément chez Gallardo.

L’autre grande différence avec l’Atlético du Cholo réside dans la volonté de contrôle du ballon que souhaite avoir River. Sans atteindre des pourcentages « guardiolesques », jamais Los Millonarios ne descendent sous les 50% de possession, comme c’est le cas des Colchoneros.  » C’est normal, car il s’agit là d’un des deux plus grands clubs d’Argentine « , rappelle Frutos.  » Cette équipe se doit d’être dominante dans le jeu, même sans abuser de la possession. La qualité de son noyau fait également la différence avec les autres équipes.  » Ce qui n’empêche de nouveau pas Gallardo de faire preuve de pragmatisme et de bétonner, comme cela a pu être le cas en Copa Libertadores.

Monumental

Football global

Apôtre de Marcelo Bielsa, il partage avec El Loco cette intransigeance en matière de don de soi. On retrouve également un peu d’ Alejandro Sabella en lui, soit l’homme qui au début des années 90 avait découvert ce lutin venu de l’ouest de la capitale argentine, avant de le lancer avec la réserve de River Plate.  » Si vous voulez comprendre le football, ouvrez la tête de Gallardo, tout y est « , s’enthousiasme l’ancien sélectionneur de l’ Albiceleste sur le site de la FIFA.  » C’était un numéro 10 rusé et réfléchi. Marcelo a toujours eu cette vision globale qui fait sa réputation aujourd’hui.  » Car outre sa maîtrise tactique et sa capacité à galvaniser un noyau de stars, Marcelo apporte une sacrée dose de professionnalisme à l’ensemble du staff de River.

Guide, tacticien, chef de meute, gagneur, Marcelo Gallardo est un peu tout ça à la fois. Un profil forcément séduisant, qui affirmait en décembre 2019 qu’il serait toujours sur le banc de River Plate en 2020. Logique, il reste un trophée que le roi de Buenos Aires n’a pas encore remporté : le championnat d’Argentine. Une compétition qui se refuse désespérément à lui. Dernier exemple en date ? Ce 8 mars fatal, au cours duquel River, leader depuis la 16e journée de Superliga, n’est qu’à vingt minutes de ce qui aurait dû être l’Austerlitz de Gallardo. Las, le Napoléon argentin vivra un petit Waterloo, suite à un but de Carlos Tévez contre Gimnasia La Plata à la 72e minute, qui offrira la victoire et le titre à Boca, après que les Millonarios ont partagé lors des deux dernières journées. De quoi hurler le mot de Cambronne…

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