Montée en grade

Le nouveau gardien de Charleroi a la lourde tâche de succéder au Zèbre d’Or, Bertrand Laquait.

Le jeu de mot paraît facile mais comment voulez-vous ne pas y penser quand vous savez que l’interview et la prise de photos ont lieu à l’ombre du Lion de Waterloo, butte à jamais liée à l’Histoire de France. Alors, allons-y pour une rencontre avec le colonel Chabbert, nouveau dernier rempart de l’armée carolo. Nous, on n’en peut rien si ce gardien français a choisi comme point d’attache cet endroit cossu du Brabant wallon, à jamais synonyme de débâcle française. Après tout, pour partir en reconquête, il n’y a pas plus beau symbole. A 31 ans, Chabbert a décidé de renouer avec le plaisir. Et puis, s’il y a moyen de rattraper le temps perdu, alors là, le challenge sera en tous points réussi.

 » Je suis dans une optique où je me dis qu’il ne peut plus rien m’arriver. J’ai mangé mon pain noir « , faisant référence à sa saison blanche à Amiens (fracture de l’épaule) et à ses problèmes au ménisque qui l’ont empêché de défendre sa chance comme numéro un à Lens.

Celui qui fut champion d’Europe -19 ans avec la France a un peu laissé ses compagnons d’alors, les Thierry Henry, David Trezeguet et Mikaël Sylvestre prendre de l’avance et garnir leur armoire de trophées glanés dans les plus grands clubs d’Europe. Pendant ce temps, Chabbert se satisfaisait d’un statut de numéro deux à Lens.  » J’ai signé pour Lens à 22 ans car il s’agissait du seul club qui me proposait un statut de numéro un. A condition que Guillaume Warmuz, le titulaire attitré, signe à Monaco. Finalement, Fabien Barthez a prolongé à Monaco et Warmuz est resté « , explique Chabbert.

Pendant sept ans, Chabbert va jouer les roues de secours.  » J’étais là pour faire des piges. On m’a toujours considéré comme le numéro un bis. J’ai disputé des matches de Coupe de France, de Coupe de la Ligue, de Coupe UEFA et Intertoto mais je n’ai jamais reçu de réelle chance. Si, une fois lorsque Rolland Courbis est arrivé. Il m’avait fait confiance en Intertoto et je devais débuter le championnat mais je me suis blessé au ménisque. Warmuz a alors commencé la saison et à ce moment-là, face au gardien maison, cela devenait difficile.  »

 » Daniel Leclercq est la personne la plus amoureuse du Nord « 

Et c’est vrai que les Lensois ont toujours couvé leur réserve. En 2006, L’Equipe lui avait consacré un article dans lequel le préparateur des gardiens disait de lui qu’il  » était un remplaçant actif. (…) Il n’est pas épuisé psychologiquement. Il est plus qu’une doublure.  »  » Lens me faisait confiance puisque le club insistait chaque saison pour que je prolonge « , commente-t-il.  » Et il me maintenait en éveil en m’alignant lors des matches de Coupe. A chaque fois, je me disais que j’allais recevoir ma chance. Et finalement, le temps passe vite.  »

Pourtant, Chabbert n’est pas du style à nourrir des regrets. A Lens, il a vécu de belles années.  » Sans doute les plus belles du club « , ajoute-t-il.  » Je l’ai vu évoluer. C’est l’époque où le Racing a pris de l’ampleur. Avec lui, j’ai connu la Ligue des Champions, les coupes d’Europe, une place de vice-champion de France. « 

Et puis, il a côtoyé du beau monde. Comme joueur ou comme entraîneur. Le meilleur ?  » Daniel Leclercq. La personne la plus amoureuse du Nord. Il aime le maillot et sa région. Il en parlait avec le c£ur et il donnait tout.  » Il y a eu aussi Courbis :  » Il faut le connaître. Il a son fonctionnement… très spécial. A l’instinct. Il arrive à tirer son équipe vers le haut en allant dans le sens des joueurs. Avec lui, une victoire signifiait trois jours de congé. Il laissait le groupe s’autogérer. C’est bien pour les anciens, moins pour les plus jeunes. Et puis, c’était quelqu’un de franc. Il vous disait les choses en face. Qu’elles plaisent ou non. Malgré son apparence de je-m’en-foutiste, il faisait attention aux détails. Je me souviens des causeries d’avant-match. Il critiquait les joueurs adverses et cela nous faisait sourire.  »

Et Joël Muller :  » C’était l’opposé de Courbis. Moins expressif, il insistait sur la rigueur et le professionnalisme. Avec lui, on a terminé deuxième, juste derrière Lyon.  »

A Cannes avec Luccin et Zebina

Ces sept années ont cependant été interrompues, l’espace d’un prêt de six mois à Metz.  » Albert Cartier était notre entraîneur. J’ai perdu contact avec lui, une fois qu’il est parti en Belgique. Il a réussi ici ? Cela ne m’étonne pas. A l’époque, il venait d’arrêter. Il était encore joueur dans l’âme et restait très proche du noyau. J’en conserve un excellent souvenir. Et puis, il a réussi à sauver Metz. In-extremis mais il l’a quand même fait ! Moi, j’étais arrivé là-bas parce que je commençais à me lasser qu’on me promette chaque fois le rôle de numéro un sans rien voir venir. Il y avait eu l’histoire des faux passeports et le gardien titulaire de Metz, Farid Mondragon avait été suspendu six mois. Finalement, sa peine a été réduite de moitié et au lieu de six mois, je n’ai été titulaire que trois mois. Mais cela m’avait remis dans le bain.  » Juste de quoi susciter l’intérêt de Saint-Etienne.  » Finalement, les Verts ont opté pour un échange Dominique CasagrandeJérôme Alonzo.  »

Pour lui, tout avait commencé bien plus au sud. A Mourenx, un village près de Pau, où il alterna le rugby et le football jusqu’au moment où le virus du foot l’emporta sur le sport régional.  » Je n’ai jamais pensé devenir pro. Je jouais pour le plaisir, pour me dépenser « . Mais à force de briller dans les sélections régionales, l’AS Cannes, alors en D1, lui fit les yeux doux pour qu’il intègre le centre de formation. Il avait 17 ans :  » Je me suis posé la question d’un départ. C’était d’autant plus délicat pour moi que j’étais très famille.  » Pourtant, l’ambiance cannoise allait le saisir. Champion avec les -17 nationaux aux côtés de Peter Luccin, Jonathan Zebina ou Julien Escudé, deuxième gardien chez les pros derrière François Lemasson à 16 ans, champion d’Europe avec les -19 ans, des bouts de matches en L1, et une saison pleine en Ligue 2. Quatre ans pour faire de son plaisir un métier. C’était juste avant l’expérience lensoise.

par stéphane vande velde

« A Lens, on m’a toujours considéré comme le numéro un bis. « 

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