MONSIEUR MÉTÉO

Au fil des semaines passées à l’infirmerie avec une mine grincheuse, Sotiris Ninis commençait presque à prendre des airs de flop. Presque. Parce que le  » transfert historique  » des Zèbres semble enfin atterrir en Belgique. En même temps que le soleil. Et c’est tout sauf une coïncidence.

Le You’ll Never Walk Alone entonné par le public malinois donne à cette fin de rencontre des airs d’Angleterre et de remontée fantastique. Après avoir mené 0-3, les Zèbres sont en apnée devant leurs seize mètres pour éviter l’égalisation. Leur bouteille d’oxygène s’appelle Sotiris Ninis. Chaque ballon sorti de défense est mis entre les pieds sûrs du Grec, qui profite de sa protection de balle au-dessus de la moyenne pour gagner du temps et des fautes. Parfois fustigé au sein du vestiaire pour son manque d’allant défensif lors de ses débuts, la recrue-phare de l’hiver carolo semble enfin intégrée au système zébré.

Monté au jeu à la place de Cristian Benavente, Ninis a pu s’installer à son poste de prédilection : dans l’axe, derrière l’attaquant, avec un duo besogneux derrière lui pour faire le sale boulot.  » Si on l’a fait venir, c’est pour qu’il joue dans l’axe « , affirmait Felice Mazzù voici quelques semaines.  » Parce qu’il est capable de donner des ballons de but, et il a une excellente frappe des deux pieds.  » C’est pourtant sur le flanc droit que l’ancien du Panathinaïkos avait fait ses premières apparitions, profitant de la méforme de Dieumerci Ndongala au coeur de l’hiver.

LA SAUDADE

Les débuts sont prometteurs. Dès ses premières apparitions sur la pelouse du Mambour, Sotiris masque son manque de rythme en distribuant les caviars en profondeur, de l’intérieur ou de l’extérieur du pied. Dans les trois tribunes peuplées de fans zébrés, on se regarde les yeux ébahis, se demandant parfois comment un tel talent peut se retrouver à Charleroi. La presse locale réclame rapidement la tête d’Enes Saglik, installé dans l’axe du jeu, au profit du Grec. Mais Mazzù tient bon, fidèle à ses principes qui lui disent de ne pas brûler un titulaire confirmé au rendement satisfaisant au détriment d’un talent loin d’être prêt sur le plan physique.

 » Ninis est capable de mettre le ballon dans l’espace, mais il est peut-être moins à même de fermer dans l’intervalle « , justifie d’ailleurs le coach des Zèbres quand il explique pourquoi son Grec risque de se retrouver sur le banc pour le déplacement à Malines, malgré un retour réussi face à Saint-Trond. Un retour qui a redonné le sourire aux têtes pensantes du boulevard Zoé Drion, car l’absence de longue durée de Ninis suite à une blessure au pied commençait à faire jaser. Son séjour prolongé au pays, officiellement pour maladie, prenait des airs de saudade, et le playmaker hellène n’a pas caché son mal-être :  » La météo du pays me manque. Ici, il y a toujours du vent et de la pluie.  » Il y a quelques semaines, déjà, Felice Mazzù avait reconnu que ce n’était  » vraiment pas facile pour lui « , et qu’il devait beaucoup parler à son joueur car  » mentalement, il ne faut pas qu’il lâche.  »

La bouée de sauvetage de Ninis se trouve dans tous les morceaux de Grèce qu’il peut trouver à quelques milliers de kilomètres d’Athènes. Sotiris, appelé  » Sotos  » par son entraîneur, peut compter sur un voisin très prévenant en la personne de son équipier Stergos Marinos, qui ne le quitte pas d’une semelle et va même le rechercher à l’aéroport quand il rentre de Grèce le 21 mars dernier.  » Je suis toujours là pour l’aider quand il en a besoin « , affirme le latéral carolo. Après les séances d’entraînement matinales, les deux hommes se rendent d’ailleurs souvent à Bruxelles ou à Louvain, pour partager un repas ou un après-midi avec leurs compatriotes répartis dans différents clubs du pays, histoire d’évoquer les souvenirs hellènes. Un genre de groupe de soutien, finalement. Les saudadistes anonymes.

LE NOUVEAU NINIS

Sotiris Ninis semble avoir changé. L’éternel air agacé qui semblait imprimé sur son visage a laissé place à un large sourire, le temps d’un coup franc marqué à Jean-François Gillet et célébré avec ses équipiers, puis avec le staff carolo. Si Felice Mazzù a dû le replacer quelques fois avec de grands gestes sur la pelouse malinoise, Ninis n’a pas ménagé ses efforts défensifs, malgré un manque de rythme que ses trois séances individuelles hebdomadaires ne parviennent pas encore à gommer définitivement.

À court de poumons, le Grec évolue pour l’instant comme un numéro 10 à l’ancienne, qui porte seulement la balle jusqu’à ce qu’il trouve une brèche dans la défense adverse et un équipier pour s’y engouffrer. Parfois, cela va même trop vite pour les autres Zèbres, un peu à l’image du premier Victor Vazquez brugeois, qui donnait des passes qui allaient jusqu’à surprendre ses propres partenaires.  » Il apporte de la clarté dans le jeu, parce qu’il voit très vite l’endroit où il faut mettre le ballon « , confirme Felice Mazzù, tout heureux de retrouver du jeu intérieur dans une équipe dont les centres en première zone étaient devenus trop prévisibles. Dans un autre registre que Benavente, plus dribbleur, c’est par la qualité de son pied que Ninis apporte une précieuse variété au jeu des Carolos.

Un talent pour déposer le ballon où il le souhaite qui fait également des merveilles sur ces phases arrêtées qui ont fait couler tellement d’encre au Mambour depuis le coup d’envoi de la saison. Là où le pied d’Enes Saglik était parfois approximatif, celui du Grec semble toujours trouver sa cible. Ninis avait été averti des difficultés de Jean-François Gillet sur les ballons rentrants. Le soin accordé aux coups de pieds arrêtés était d’ailleurs l’une des deux consignes données par Felice Mazzù à son meneur de jeu lors de sa montée sur le terrain. Message reçu, puisqu’un coup franc excentré a permis à Ninis d’inscrire son premier but en championnat de Belgique. De quoi s’offrir un retour dans le onze de base pour la venue de Malines au Pays de Charleroi ? Possible. Même dans le ciel si souvent nuageux du Hainaut, il y a parfois des éclaircies…

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTO BELGAIMAGE

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