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MONSIEUR DICTIONNAIRE

Le week-end prochain, Hendrik Van Crombrugge et Eupen se rendent au Standard. Le gardien polyglotte va y retrouver son ancien club.

Lors de la journée des supporters, quand le gardien Hendrik Van Crombrugge (23 ans) est monté sur le podium, il s’est adressé au public dans un allemand quasi parfait. Les supporters du club ont apprécié. Eupen est en mains qataries, sa direction sportive est hispanophone et l’anglais est la langue véhiculaire du noyau mais la gestion quotidienne se fait en allemand.

Van Crombrugge est issu du Brabant flamand mais parle allemand chez lui, soit à Eupen, où il habite.  » Mon amie est eupenoise et donc germanophone. Au début, nous nous parlions en français mais nous sommes passés à l’allemand. Je parle à mon fils en néerlandais. J’ai passé trois ans en internat à Liège et je parle maintenant couramment quatre langues, en comptant l’anglais.  »

Eupen a aussi porté chance à Van Crombrugge sur le plan sportif quand, classé par Saint-Trond, il s’était retrouvé sans club. Lors de la première journée, à Zulte, il ne disputait que son deuxième match de D1. Le précédent remontait à cinq ans : à l’automne 2011, il avait défendu le but du STVV dans le derby contre Genk. Score final : 3-4.

Quelques mois plus tôt, il était au Standard. Van Crombrugge :  » Je devais y devenir le deuxième ou le troisième gardien en 2011-2012 mais le club a repoussé les négociations pour un contrat pro. Les D’Onofrio souhaitaient que je reste mais Roland Duchâtelet a repris le club. J’ai compris pourquoi tout avait traîné.  »

Le Standard a alors disputé quelques matches amicaux, en alignant Hendrik Van Crombrugge et son actuel coéquipier Guy Dufour, qui venait d’être transféré.  » Il n’y avait encore ni entraîneur principal ni premier gardien. A l’embauche de José Riga, on m’a dit que le Standard allait me renvoyer en jeunes. Je pouvais devenir numéro deux au STVV, où j’avais déjà passé trois ans en classes d’âge.

Après un mauvais départ, Franky Van der Elst a remplacé Guido Brepoels. Mark Volders était blessé et Bram Castro a déclaré forfait. Je pensais n’avoir rien à perdre. Faux. J’ai commis quelques erreurs. J’ai lâché le ballon après quelques minutes et j’ai perdu confiance. Le stade était comble, je me sentais rapetisser de minute en minute. J’ai cédé au stress. Je n’étais absolument pas prêt.  »

CRYSTAL PALACE

Le lendemain, le directeur sportif, Guy Mangelschots, lui demande de rester dans le vestiaire.  » J’étais légèrement blessé mais j’aurais pu faire le décrassage. J’ai découvert Davino Verhulst, le nouveau gardien. Le courant ne passait pas bien avec le coach des gardiens, Jos Beckx. Peut-être parce que les jeunes du Standard avaient la réputation de se comporter en petites vedettes.

Peut-être donnais-je cette impression, fausse. D’autre part, une bonne analyse de ce match m’aurait aidé. Longtemps, j’ai cru ne pas avoir le niveau de la D1. Alors que les journaux avaient annoncé un nouveau Simon Mignolet, ils m’ont démoli. A 18 ans, c’est dur à encaisser.  »

Saint-Trond est relégué et se débarrasse des joueurs trop chers. Van Crombrugge ne trouve pas de club et moisit six mois dans le noyau C.  » Le club a tout fait pour que je rompe mon contrat.  » En novembre, son manager lui propose un test à Crystal Palace, alors en D2.  » Il s’est bien déroulé et le club a voulu m’offrir un contrat.

Alors que Saint-Trond m’avait promis verbalement de me laisser partir gratuitement, il a requis une forte somme, parce que c’était un club anglais. Crystal Palace a refusé. J’ai négocié avec le STVV et j’ai obtenu une promesse écrite mais Crystal avait déjà enrôlé un autre gardien.  »

Son récit est dépouillé d’émotion.  » C’est comme ça. Le football n’est pas toujours rose. Saint-Trond a l’air d’un chouette club familial mais de l’intérieur, j’en ai eu une autre perception.  »

Dans une autre vie, Van Crombrugge avait rejoint le Stayen avec d’autres sentiments. Après quelques petits clubs brabançons, il avait rejoint le KVK Tirlemont et s’y était illustré.  » Saint-Trond, le Standard, Westerlo, le Lierse et Anderlecht me convoitaient. J’ai opté pour le STVV, qui insistait chaque saison. Mes parents ne voulaient pas me laisser partir avant que je sois en humanités et que je puisse vivre en internat.  »

Les trois premières années se passent bien. Le gardien a besoin d’un autre défi.  » On disait que le Standard possédait une levée en or.  » Van Crombrugge, âgé de quinze ans, doit fréquenter une école francophone.  » J’étais très motivé. Je voulais prouver qu’un Flamand pouvait faire ses études en français et atteindre l’équipe première du Standard.  »

SALE FLAMAND

Il juge l’expérience positive, même si elle n’a pas toujours été facile.  » La première année, j’avais un dictionnaire sur les genoux. J’ai dû doubler cette année mais ensuite, ça s’est bien passé. Ce collège, Sainte-Véronique, était une école de la bourgeoisie. On amenait les enfants en BMW. On m’ a traité de sale Flamand mais je ne me laissais pas faire. D’ailleurs, à Saint-Trond, on entendait parfois la même insulte contre les francophones quand on jouait contre des équipes wallonnes. J’ai progressé sur le plan sportif mais j’ai perdu ma place en équipe nationale. Je n’ai pas non plus réussi à intégrer le noyau A à 18 ans.  »

Le 31 janvier 2012, Van Crombrugge voit donc son contrat rompu par Saint-Trond. Il doit chercher un nouveau but dans la vie et sur le terrain. Il s’entraîne avec Bleid, que vient de reprendre Vincent Kompany et qui est en D3.  » Il faut parfois reculer pour mieux sauter mais là, le recul était vraiment énorme.  »

Un ancien entraîneur de son frère aîné lui permet de s’entraîner avec les espoirs de Malines. Ça se passe bien, sans déboucher sur un contrat. En mars, il apprend qu’il peut passer un test à Eupen. Il est d’abord surpris. Il hésite car l’Eupen qui avait joué un an en D1 n’était pas fantastique, puis il accepte.

 » Pendant deux mois, j’ai fait la navette tous les jours – 220 kilomètres – de Tielt-Winge, chez mes parents, à Eupen, à mes frais. J’ai vite compris que le nouvel Eupen était un bon club stable. Le dernier jour de la saison, il m’a offert un contrat d’un an. Le salaire minimum mais j’étais fou de joie.  »

Il est ravi quand un ancien du STVV, Nils Schouterden, l’imite. Les deux hommes font la navette ensemble.  » C’est la plus belle saison de ma courte carrière. Nous avons été en tête sans arrêt, même si Westerlo a finalement été sacré champion.  »

Van Crombrugge devient le numéro un. L’entraîneur d’alors, l’Espagnol Tintin Marquez, l’apprécie et insiste pour qu’il obtienne un nouveau contrat de trois ans. Il s’entend bien avec le coach des gardiens, Javier Ruiz.  » Il a une autre philosophie. L’école belge met l’accent sur le travail physique, avec des exercices qui permettent de savoir à l’avance d’où vient le ballon. Ruiz, lui, estime que le gardien doit réagir à des situations imprévues. Le physique joue un rôle minime en match, pour un gardien. Il insiste donc sur la tactique et le mental.

Il juge qu’un gardien doit penser en termes positifs. Le meilleur gardien n’est pas celui qui effectue le plus de sauvetages mais celui qui prévient le plus de buts. Éviter un but sans intervenir est aussi bien qu’un sauvetage in extremis. Pour cela, il faut que les choses soient claires entre le gardien et les joueurs qui l’entourent.  »

FINI LA NAÏVETÉ

Van Crombrugge estime que la dernière saison est sa meilleure, même si en fin de championnat, quand Eupen s’est illustré, il a fait banquette.  » En décembre, je me suis blessé à l’entraînement et j’ai été opéré. En mars, quand je suis revenu, l’équipe tournait bien et l’entraîneur ne l’a pas changée.  » Le jeune Sénégalais Babacar Niasse est donc resté en place. Il a fallu attendre le premier match de cette saison pour savoir à qui l’entraîneur Jordi Condom accorderait la préférence.

Van Crombrugge a donc joué à Zulte Waregem, presque cinq ans après ses débuts en D1. Avant même le début de saison, il s’en était fait fort : le promu allait bien s’en tirer.  » Nous avons souvent été naïfs lors des quatre premiers matches. Ce n’est plus le cas. Si vous me demandez ce qui m’a le plus surpris cette année, je dirai que le fossé qui sépare la D2 de la D1 n’est pas si considérable. Notre équipe est vraiment capable de tourner parmi l’élite.  »

PAR GEERT FOUTRÉ – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Je voulais prouver, à Liège, qu’un Flamand pouvait faire ses études en français et atteindre l’équipe première du Standard.  » HENDRIK VAN CROMBRUGGE

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