Monotonie norvégienne

La première saison avec Sollied, il était vice-capitaine et donnait même l’échauffement. Avant d’être sacrifié.

Comment ça va ? Il n’en faut pas davantage pour lancer Tjörven De Brul. Il rit :  » J’ai dû m’habituer à l’approche de l’entraîneur. Je viens d’un régime qui ne comportait qu’une règle : le fait qu’il n’y en avait pas. Ici, il faut arriver à l’heure, porter les vêtements ad hoc, remonter ses bas, éteindre son gsm. Des amendes sanctionnent tout déni flagrant du règlement. Après trois ans avec Trond Sollied, il faut faire attention. Le chemin inverse est plus facile. Evidemment, le fait que le staff arrive à l’heure m’aide aussi.  »

Préférez-vous un règlement ?

Tjörven De Brul : Oui. Un groupe professionnel peut s’en passer mais les règles permettent quand même à l’ensemble de mieux fonctionner.

Les anciens Brugeois sont-ils toujours empreints d’un mécontentement latent ?

Oui, je pense. Comme membre d’un groupe, je préfère que chacun s’adapte à celui-ci, faute de quoi l’individualisme risque d’émerger. Ce n’est pas pour ça que les performances s’en ressentent mais je préfère un règlement. Faut-il pour autant changer une situation voulue par l’entraîneur ? Je n’en sais rien.

Lors de la deuxième saison de Sollied, le mécontentement a surgi, après la défaite contre Lokeren. Vous vous êtes aussi exprimé.

Ça a commencé après notre élimination en Coupe d’Europe par Lyon. Ensuite, en décembre, nous avons été battus par le Standard, Mouscron et Anderlecht. Nous voulions lancer un signal, demander s’il ne fallait pas jouer plus… sûrement. Les journalistes se sont empressés de le rapporter à l’entraîneur et de nous opposer. A l’époque, je me suis senti visé par le coach car le lendemain, c’est moi qui ai dû m’expliquer. Ensuite, j’ai joué deux matches avant de me retrouver sur le banc. Nous avons eu une conversation. J’ai compris qu’il préférait Birger Maertens. La saison passée, j’ai joué un seul match de championnat plus une mi-temps en Coupe contre Lommel. Nous étions menés 0-2, j’ai marqué le but de l’espoir mais il m’a retiré au repos. C’était la fin de ma carrière à Bruges.

Manque de concentration

Que vous reprochait Trond Sollied ?

Un manque de concentration, avant tout, mais on peut se demander à qui la faute. Quand les entraînements sont toujours les mêmes, la concentration se relâche. Evidemment, un défenseur doit être très vigilant, puisque la moindre erreur peut être fatale. J’ai besoin d’un entraîneur qui me conserve en éveil. Eric Gerets était idéal et je retrouve un peu de ce sentiment avec Jan Olde Riekerink. Il est vigilant à l’entraînement. Ça me plaît même si, à 30 ans, il est parfois pénible d’être corrigé.

Lors de votre première saison sous Sollied, vous nous avez déclaré :  » J’ai appris plus sur le jeu de position en un mois que durant toute ma carrière. Sollied a l’art de transmettre sa vision. Pour chaque situation, il a un scénario, au sein de son système, et pendant l’entraînement, il dispense sans arrêt des instructions. Le nombre de choses que nous avons assimilées en peu de temps est inouï. Rencontrer un tel entraîneur est une aubaine, surtout pour un défenseur « . Sur quels propos revenez-vous ?

Mon point de vue est identique. Sollied est le premier entraîneur qui a une vision totale. Il est convaincu qu’elle est la meilleure et il ne faut rien changer à sa méthode.

N’en demande-il pas trop à ses défenseurs centraux ?

Il a lui-même occupé ce poste, donc il doit être réaliste. En fait, il s’occupe surtout de l’aspect créatif : provoquer des occasions, marquer. Sur son petit papier, il y a le nombre de petites occasions, de grandes, de buts… Peut-être insiste-t-il trop sur l’aspect offensif. Moi, je trouve que le travail défensif est une tâche dévolue à toute l’équipe.

Avez-vous l’impression d’avoir été sacrifié ?

Je ne sais pas. J’ai parfaitement travaillé avec lui la première saison. J’étais vice-capitaine, je donnais même l’échauffement. Je devais assumer des responsabilités, je me sentais important. Tout allait bien, même si je n’aurais peut-être pas dû déclarer que notre travail était très répétitif. Je n’ai pas dit que c’était une mauvaise chose, seulement que c’était monotone. En lisant mon interview, j’ai expliqué mon point de vue à l’entraîneur. Pas de problème, a-t-il affirmé. La saison suivante, il a dit que j’étais le meilleur défenseur de Belgique mais après cette fameuse faute, contre Genk, ma carrière a décliné.

Une carrière à la Verlinden

Avez-vous été écarté par rancune ou parce que vous n’étiez pas mentalement assez fort ?

Je ne puis répondre. J’ai commis des erreurs mais je les ai payées très cher. Je ne pense pas qu’il fallait aller aussi loin.

Gardez-vous des amis à Bruges ?

Peter Van der Heyden, Timmy Simons. Koen Schockaert, Dany Verlinden, Rune Lange, Olivier De Cock : de chouettes gars. Je me réjouis de les revoir.

Avez-vous digéré cet épisode ?

Pas ce qui s’est passé les derniers mois. J’ai joué neuf ans au Club, dont huit saisons excellentes. On ne se défait pas comme ça de quelqu’un pour une année catastrophique. Je me pose beaucoup de questions. Elles resteront sans réponse, à moins que je ne pointe un pistolet sur la tempe de quelqu’un ! (il rit) !

Trond Sollied ?

C’est un sujet que je ne veux pas aborder.

Chaque fois qu’un joueur quitte librement le Club, Antoine Vanhove clame son indignation alors qu’on ne vous a même pas proposé un nouveau contrat ?

C’est étrange. J’ai eu l’impression que tout se déroulait parallèlement avec les négociations menées avec les futurs renforts. Maintenant, je préférerais mettre un terme à cette interview. Désolé.

Pourquoi ?

Je me demande comment certaines choses ont pu se produire mais je préfère me taire.

Pourquoi un entraîneur veut-il un nouveau défenseur central au lieu de vous aider à retrouver votre niveau ? Vous étiez ouvert à la discussion, pour un contrat ?

Oui. J’avais d’ailleurs d’excellents rapports avec Vanhove. C’est lui qui m’avait transféré de Lokeren. Il croyait en moi. Cette confiance était réciproque car j’ai prolongé mon contrat sans manager à deux reprises. Il disait que j’étais un vrai clubman. Moi, je répondais : – Je me sens bien au Club, je préfère une carrière à la Verlinden à une aventure à l’étranger. Je veux m’engager pour ce club. Puis d’un coup, on n’a pas prolongé mon contrat.

Avez-vous bien gagné votre vie au Club ?

Oui, puisque l’équipe jouait toujours le titre, mais je n’ai jamais été un tout gros salaire. Je me suis plié aux lois du club : – Tu commences avec tel contrat puis… On ne peut sauter aucune étape.

Un but important à l’AZ

Vous plaisez-vous à Gand ? Avez-vous dû consentir de gros sacrifices ?

Ce n’est pas le Club mais je m’y plais. Je ne me plains pas de mon salaire. L’essentiel pour moi est de jouer dans un club qui m’estime. Compter ses sous à la fin de chaque mois, c’est chouette, mais marquer un but m’offre plus de satisfactions. J’ai ressenti une joie indicible quand j’ai inscrit le 0-1 à AZ. Après un tels laps de temps… Je me suis dit : J’en suis encore capable ! (Il rigole)

Qui va vous marquer, lors de la cinquième journée, si c’est corner pour Gand à Bruges ?

(Il sourit). Philippe Clement, sans doute, mais je préfère ne rien dire au sujet de cette rencontre.

Et vos ambitions ?

Je les ai revues, évidemment.

Fêter un autre titre national, retâter de la Ligue des Champions, redevenir international : tout ça est-il définitivement révolu ?

Ce n’est en tout cas pas à l’ordre du jour. Mon unique objectif est de me sentir à nouveau bien. Je veux jouer des matches. Sans pratique, un footballeur sombre. J’ai besoin de sentir qu’on compte sur moi, même si je suis réserve. Etre mis de côté fait mal, surtout quand vous avez l’habitude de disputer un minimum de 25 matches par saison. Je veux donc éviter les blessures et jouer le plus possible. Nous ferons le bilan en fin de saison. Là, je pourrai dire : je me suis senti bien ou je pouvais mieux, ou j’ai retrouvé la forme qui était la mienne du temps de Bruges.

Comment pouvez-vous être performant à Gand si ce qui s’est passé à Bruges vous reste sur l’estomac ?

Je ne me laisse pas ronger par ça.

On attend de vous que vous soyez un meneur. Ça vous convient ?

Commander ne va pas de soi quand on débarque dans un club. Cette faculté est innée en moi, je pense, mais elle a besoin de temps pour ressurgir ici. Je pense toutefois que quelque chose de beau peut naître.

Moins de concurrence, moins de pression : ça vous fera du bien ?

Peut-être. C’est aussi pour ça que je suis content d’avoir un entraîneur qui est strict, qui introduit des règles et les fait respecter. Sinon, j’aurais peut-être le sentiment que tout est trop facile et je prendrais peut-être les choses à la légère.

Par exemple ?

Euh… Ne pas courir quelques mètres de plus. Aujourd’hui, je l’ai remarqué à l’entraînement. J’ai perdu un petit match 4-0 et le déclic s’est produit : je dois être plus agressif, chercher le ballon, le demander, me mouvoir, sans cesse participer au jeu ainsi vous avez l’impression que toute l’équipe se relance..

La saison passée, vous nous avez déclaré :  » Je pense que la paternité me ferait du bien. Elle m’aiderait à relativiser certaines choses qui se passent en football « .

J’ai dit ça à une période où j’en avais vraiment ras-le-bol. En fait, je voulais dire que je ferais mieux de m’occuper de ma femme. Ce n’est donc pas un hasard si je vais être père en octobre (il éclate de rire).

Prof un jour par semaine

Félicitations. Avez-vous encore le sentiment qu’on a brisé votre carrière ?

Non. Mais on ne m’enlèvera pas de la tête que tout aurait pu tourner autrement. Enfin, la vie continue. Quand je vois le nombre de footballeurs au chômage, je peux m’estimer heureux d’avoir trouvé un club aussi proche de mon domicile, puisque j’habite Gand.

Depuis sept ans, vous donnez cours d’éducation physique à Torhout, deux ou trois heures par semaine. Pourquoi continuez-vous ?

Pour faciliter ma reconversion plus tard. Le jour où ma carrière footballistique sera achevée, je serai prêt. Si vous restez braqué sur le football pendant 15 ans, ce n’est certainement pas le cas.

Vous êtes une exception.

En principe, ce n’est pas possible, car je suis footballeur professionnel. En fait, j’ai commencé grâce à Antoine Vanhove, à la demande du directeur de la Haute Ecole de Torhout. Ce monsieur est supporter du Club et son fils joue en catégories d’âge à Bruges. Il avait lu que j’étais licencié en éducation physique et souhaitait que je donne cours de football à l’option régendat en éducation physique de son école. Gand m’autorise à continuer. L’entraîneur sait qu’il doit me libérer un jour par semaine.

Etes-vous un professeur sévère ?

Oui et non. J’ai un avantage : tout le monde fait attention à ce que je dis. Evidemment, il faut adapter ses exigences au niveau du groupe. J’insiste beaucoup sur la motivation. Ceux qui ne sont pas motivés ne doivent pas participer à mon cours. Mieux vaut aller au café ou rester chez soi que de venir si c’est pour rigoler, se la couler douce ou faire des imbécillités.

 » Sur le petit papier de Sollied, il y a le nombre de petites occasions, de grandes, de buts… « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire