» MON VOISIN C’EST SCHWEINI… ON SE FAIT DES VANNES « 

A Manchester, celui qu’on considère comme le successeur d’Adnan Januzaj est un Brésilien né en Belgique et dont le père a joué dans notre D1… Interview.

Nous sommes à la mi-août et, même à Manchester, le thermomètre franchit allègrement la barre des 20 degrés. Sous le soleil, Picadilly Gardens, Beetham Tower – le plus haut gratte-ciel de la ville – et la cathédrale gothique prennent un autre air. La famille Pereira s’est établie à quinze kilomètres au sud du centre-ville, à l’endroit où le grand Manchester se fond lentement dans les campagnes du Cheshire.

Bien que gêné par les rayons du soleil, Andreas Pereira fixe l’objectif avec le plus grand sérieux, sans desserrer les lèvres.  » Hey, tu peux sourire, hein ! « , lui dit Marcos Pereira en plaisantant mais d’un ton qui ne laisse pas place à la réplique. On lui propose de les photographier tous les deux mais le père refuse poliment.  » On a déjà suffisamment parlé de moi lorsque je jouais. Maintenant, c’est à son tour.  »

L’ex-joueur de Malines, de Saint-Trond, de l’Antwerp et de KVSK United est sincère. Il veille sur la carrière de son fils à l’instar d’un bulldog anglais. Il le corrige gentiment et le protège. Pendant l’interview, il analysera chaque mot tout en feignant de chipoter sur son smartphone.  » Mon père m’a beaucoup appris : comment protéger le ballon, comment me retourner,… « , dit Andreas Pereira.  » Il n’est pas sévère, c’est plutôt un maître d’école à qui rien n’échappe. Quand il constate quelque chose qui ne lui plaît pas, il le dit immédiatement. Mais après un bon match, il est aussi le premier à me féliciter.  » Entretien avec une valeur qui monte à Old Trafford.

Quel souvenir as-tu de sa carrière ?

ANDREAS PEREIRA : Je l’ai vu jouer à Saint-Trond, à l’Antwerp et à Lommel United. Je m’affiliais toujours dans les clubs où il jouait. Et après le match, je le rejoignais au vestiaire. C’était le bon temps.

Comme lui, tu es un joueur offensif. On peut vous comparer ?

PEREIRA : Non. C’était un attaquant rapide, solide et qui ne songeait qu’à marquer. Je suis un médian offensif, je crée des ouvertures. Je suis même certain que nous aurions été très complémentaires.

DES PREMIERS MOIS  » TERRIBLES  »

Tu étais très jeune lorsque tu es parti au PSV Eindhoven.

PEREIRA : J’avais neuf ans. Nous étions plusieurs Belges et un minibus venait nous chercher à la frontière belgo-hollandaise. Je faisais les trajets avec Kaan Baycal, qui joue aujourd’hui à Galatasaray, Yassine Oualach, Okan Köse et Olivier Rommens. C’était très fatigant. Nous étions supposés étudier dans le minibus mais il m’arrivait régulièrement de m’endormir avec un livre à la main. Ou alors, je faisais semblant.

A Eindhoven, tout le monde était convaincu que tu arriverais en équipe Première et que tu allais devenir la star du club. Pourquoi es-tu venu à Manchester en 2011 ?

PEREIRA : Un jour, à la télévision, j’ai vu une combinaison entre Wayne Rooney et Cristiano Ronaldo. Ce jour-là, je me suis dit que je voulais, moi aussi, porter le maillot de Manchester United. Arsenal, Chelsea et Liverpool étaient intéressés également mais Manchester a vraiment insisté. Après avoir visité Old Trafford et le complexe d’entraînement, j’étais conquis. Je ne voulais plus retourner aux Pays-Bas.

L’adaptation a-t-elle été facile ?

PEREIRA : Les premiers mois en Angleterre ont été terribles. Mes équipiers me manquaient, le staff et le club aussi. J’avais vraiment le mal du pays. Un jour, j’ai dit à mon père : -On rentre au PSV. Mais il m’a dit que cela allait s’arranger. Je ne devais plus aller à l’école, sauf au cours d’anglais, quelques heures par semaine. Il m’a fallu trois mois pour tourner la page.

Point de vue football aussi, tout était différent.

PEREIRA : Au Pays-Bas, on met l’accent sur la technique, le dribble, la passe. Les entraîneurs de jeunes anglais voient le football autrement. Ils donnent la priorité à des malabars qui sont moins forts techniquement. Tactiquement, par contre, ils sont plus avancés. Mais quand on est doué techniquement, on peut toujours s’en sortir sur le plan tactique. L’inverse est plus difficile. C’est pourquoi les clubs anglais viennent chercher beaucoup de joueurs en Belgique et aux Pays-Bas. J’ai éprouvé pas mal de difficultés à m’adapter au jeu plus viril. Ici, il faut tenir sur ses jambes, jouer avec son corps et donner rapidement le ballon. Mais je remarque que les mentalités évoluent, surtout avec l’arrivée d’entraîneurs étrangers.

A première vue, il est étrange de quitter le PSV pour l’Angleterre, un pays qui n’est pas réputé pour sa politique en matière de formation. En Belgique, un Mathias Bossaerts ou un Charly Musonda seraient titulaires chaque semaine.

PEREIRA : Les Belges peuvent penser ce qu’ils veulent : on ne régresse pas en jouant en Angleterre. Partir trop tôt, ça n’existe pas. Quand on est bon, on finit toujours par s’imposer, tôt ou tard. Il faut d’abord se convaincre qu’on peut y arriver. Si ce n’est pas le cas, mieux vaut rester en Belgique.

Le 26 août 2014, tu as disputé tes 45 premières minutes en équipe Première, à l’occasion d’un match de League Cup face au MK Dons. Tu as ensuite dû attendre le mois de mars pour jouer un quart d’heure en championnat contre Tottenham.

PEREIRA : A la moitié de la deuxième mi-temps, Louis van Gaal m’a fait signe d’aller m’échauffer. A ce moment-là, je n’imaginais pas encore que j’allais entrer. Je ne m’en suis aperçu qu’une fois sur le terrain, lorsque j’ai vu tous ces gens dans la tribune. Je n’étais pas stressé, je n’ai même pas manqué un seul contrôle. Après le match, Van Gaal m’a dit que j’étais bien rentré. Ces quelques minutes c’était… (il réfléchit) un rêve de gosse qui se réalisait.

Qu’as-tu fait en montant sur le terrain ? Tu as cherché votre père du regard ?

PEREIRA : Je sais plus ou moins où il se trouve dans le stade mais j’étais tellement concentré que même ma famille passait au second plan. Après le coup de sifflet final, je lui ai fait signe de la main. Et lorsque nous nous sommes retrouvés dans la salle des joueurs, nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre.

MÊME PAS PEUR DE ROONEY

En mai dernier, ton contrat a été prolongé jusqu’en 2018. Est-il vrai que tu étais alors très proche du PSG ?

PEREIRA : C’est toujours bon pour le moral de savoir que des grands clubs vous suivent. Mes agents ont peut-être été en contact avec le PSG mais je ne songeais pas du tout à un transfert. Je suis venu à Manchester avec un seul but : conquérir ma place en équipe Première.

A la fin de la saison dernière, tu as été élu meilleur joueur de l’équipe Réserve. Des joueurs comme Nicky Butt, John O’Shea, Adnan Januzaj, Darren Fletcher et Ritchie De Laet ont obtenu ce titre avant toi. Tu ne peux donc que t’imposer en Premier League…

PEREIRA : En tout cas, cette distinction me fait plaisir. Elle m’ouvre certaines portes mais elle ne me garantit rien. Je suppose simplement que le staff de l’équipe Première va me surveiller d’un peu plus près. Ils veulent être certains que je suis prêt à franchir un nouveau pas.

En guise de récompense, tu as été appelé à participer à la tournée d’avant-saison aux Etats-Unis. Et après ton but face aux San José Earthquakes, la presse anglaise n’a pas tari d’éloges à ton sujet.

PEREIRA : J’ai fait bonne impression dans ce match. Ce n’était qu’une rencontre amicale mais mon but a déclenché certaines choses. J’ai démontré au club, au manager et à mes partenaires que je pouvais apporter quelque chose à l’équipe. Tout le monde a également pu voir que j’y croyais. Je demande sans cesse le ballon, que ce soit Rooney ou un autre joueur qui l’ait. Il faut respecter les piliers de l’équipe mais aussi savoir se faire respecter, sortir du lot. C’est pourquoi je n’ai pas peur de demander le ballon. Si je me cache, je me mets moi-même hors-jeu.

Tu aurais pu montrer tes qualités à toute la Belgique à l’occasion des deux matches face à Bruges mais tu n’étais pas repris. Tu es loin de l’équipe A ?

PEREIRA : Cette saison, je n’ai encore été qu’une seule fois sur le banc, contre Tottenham. Mais je sens que je ne suis plus très loin. Si je continue à m’entraîner dur, j’aurai du temps de jeu. Si le club estimait que ce n’était pas le cas, il m’aurait prêté. Mais il n’en a jamais été question. Van Gaal m’a dit qu’il voulait conserver son noyau et que j’en faisais partie. A moi de me battre pour ma place.

A quelle place Louis van Gaal envisage-t-il de t’aligner ?

PEREIRA : Ce sont surtout ses adjoints, Ryan Giggs et Albert Stuivenberg, qui me parlent. Mais j’ai compris qu’on comptait sur moi sur les flancs, à gauche comme à droite, ainsi qu’en faux meneur de jeu, derrière l’attaquant de pointe. Le club a évidemment acheté un tout bon joueur à cette place, Memphis Depay, mais c’est le football. Un club du statut de Manchester United est obligé d’acheter trois ou quatre grands joueurs par an. A moi de montrer que je suis meilleur qu’eux.

CHAMPION DU MONDE

C’est difficile de se faire des amis dans un groupe composé de vedettes ?

PEREIRA : Je m’entends surtout très bien avec Fellaini et les hispanophones : Mata, Herrera et Rojo. Ça peut sembler exagéré mais personne ne se comporte en vedette dans ce groupe. Ce sont tous de braves gars. Bastian Schweinsteiger, mon voisin dans le vestiaire, est un type comme les autres. Et c’est le gars idéal pour parler de football avec moi. Comment pourrais-je contredire un champion du monde ?

Il t’a déjà charrié au sujet du 7-1 face au Brésil à la Coupe du Monde ?

PEREIRA : Je dois dire que les blagues de Basti sont correctes. De temps en temps, il fait le malin et entre dans le vestiaire en disant : -Les gars, n’oubliez pas que je suis champion du monde. Si un jour il me charrie, je lui montrerai le maillot du Brésil : on a cinq étoiles, l’Allemagne n’en a que quatre. (Il rit).

Tu n’as pas encore beaucoup joué avec Manchester United mais tu es déjà une star sur les réseaux sociaux avec 170.000 followers sur Twitter et un demi-million d’abonnés sur Instagram. Comment tu gères ça ?

PEREIRA : Quand je me lève le matin, je ne compte pas le nombre de fans que j’ai mais c’est vrai que ça fait du bien de se savoir suivi. Ça signifie qu’on m’apprécie. Après la Coupe du Monde U20, j’ai eu pas mal de nouveaux fans brésiliens. Au Brésil, tout le monde a regardé ce tournoi. Les gens savaient qu’un de leurs compatriotes jouait à Manchester United et ils ont pu se faire une idée de ce que je valais. Le jour où je serai titulaire dans mon club, mes comptes vont exploser.

PAR ALAIN ELIASY A MANCHESTER – PHOTOS BELGAIMAGE

 » On ne part jamais trop tôt à l’étranger. Quand on est bon, on y arrive toujours.  » ANDREAS PEREIRA

 » A Rooney ou un autre, je demande le ballon…  » ANDREAS PEREIRA

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