« Mon nouveau coach? Quelque chose… poulos »

Malgré le départ de Jean-Marc Jaumin, il est resté à Patras et s’y plaît.

Lorsque Charleroi lui signifia, en fin de saison dernière, que le club préférait se passer de ses services malgré l’année de contrat qu’il lui restait, Daniel Goethals attendit longtemps avant de se chercher un nouvel employeur. Il lui fallait d’abord régler les problèmes administratifs liés à cette rupture de contrat. Il eut des touches avec Mons et Estaimpuis, mais avait déjà ses idées fixées sur l’étranger. Il trouva finalement son bonheur à Patras, un ambitieux club grec de D2 où il fut rapidement rejoint par Jean-Marc Jaumin. Entre-temps, l’ancien distributeur de Malaga est déjà reparti. Daniel Goethals est toujours là, et apparemment, cela ne se passe pas trop mal pour lui. Ses statistiques renseignent régulièrement une vingtaine de points par match.

Daniel Goethals: Pour l’instant, en effet, je ne peux pas me plaindre. J’étais arrivé à Patras avec un léger retard de condition physique, étant donné que je n’avais pas pu effectuer la préparation d’avant-saison avec une équipe. J’avais dû m’entraîner seul ou avec des amis qui évoluent en D3 et en D4. Lorsque j’ai débarqué en Grèce, j’ai d’emblée bien travaillé. Durant le premier mois, j’avais déjà livré de bons matches, même si offensivement j’avais du mal à trouver mes repères dans un basket différent de celui que je connaissais. Mon apport au niveau des points était donc moins visible. Les arbitres, ici, ont tendance à beaucoup laisser jouer sous l’anneau. La prise de position préférentielle est tout un art. Progressivement, je me suis habitué. Malheureusement, nous avons été battus de 20 points en Coupe de Grèce chez une autre équipe de D2. Le coach Minas a été limogé sur-le-champ. Un autre coach est arrivé, comment s’appelle-t-il encore? Quelque chose… poulos! ( il rit).

Le président est très nerveux

C’est le mauvais côté du basket grec, où l’on tranche directement dans le vif?

Le président a tendance à s’énerver assez facilement, effectivement. C’est lié aux frustrations qu’il a subies. Patras essaye de retrouver la D1 depuis pas mal de temps et n’y parvient pas. La patience, ici, n’est pas considérée comme la meilleure conseillère. Le président a investi énormément d’argent et n’admet pas que ce soit à fonds perdus. Il est le patron d’une des plus grandes sociétés de vins de la région. Il exporte dans 45 pays. Depuis mon appartement, je peux d’ailleurs contempler les vignes à perte de vue. L’élimination en Coupe de Grèce a donc provoqué de sérieux remous dans le club. Les joueurs ont également été placés face à leurs responsabilités. Le problème des joueurs grecs est qu’ils n’ont pas de représentant légal. Ils sont donc à la merci des caprices de leur président. Lorsqu’ils signent leur contrat, ils sont très contents: ils savent que, même s’ils ne sont payés que quatre mois par an, ils toucheront encore beaucoup plus que s’ils allaient travailler. Depuis le début de la saison, c’est-à-dire depuis trois mois, ils ont perçu l’équivalent de 12.000 francs. Voici quinze jours, le manager du club leur avait promis qu’en cas de victoire à Salonique, ils recevraient l’entièreté de leur salaire le lundi. On a gagné à Salonique… mais le lundi, l’argent n’était toujours pas là. Il arriverait le mercredi? Promis, juré! Les joueurs grecs se sont mis en grève. La grève a duré une demi-heure: le président a menacé de licencier tout le monde en cas d’absence à l’entraînement! Ce genre de péripéties se produit régulièrement. Les étrangers sont mieux protégés: le contrat est rédigé en présence d’un avocat et déposé à la fédération.

Ultimatum

Vous avez néanmoins dû poser un ultimatum pour obtenir votre dû…

C’est vrai. Je n’avais ni voiture, ni appartement, et je n’étais pas payé. J’ai vécu à l’hôtel pendant sept semaines. Je devenais fou. Aujourd’hui, tout est réglé: j’ai perçu mon argent, j’ai pris possession d’un appartement tout à fait convenable et je roule dans une Renault Scenic de location toute neuve. J’ai compris comment il fallait aborder les dirigeants grecs. Ils ne sont pas de mauvaise volonté, mais ils ont un tempérament méditerranéen: pourquoi faire aujourd’hui ce que l’on peut faire demain? Là où en Espagne on dit: -Mañana!, ici on dit: -Avrio! Cela vaut pour des détails sans importance comme pour des problèmes essentiels, style factures et salaires.

Jean-Marc Jaumin n’a pas eu la même patience.

Il était aussi confronté à un problème sportif. La chance que j’ai eue, c’est qu’il n’y avait pas d’autre n°5 dans l’équipe. On avait donc besoin de moi. En revanche, il y avait plusieurs joueurs grecs susceptibles de jouer comme distributeur. Ils n’ont rien fait pour aider Jimmy, au contraire. Il n’était pas indispensable, et dès l’instant où il a eu un accrochage avec un joueur grec, je me suis douté que ses jours étaient comptés. Finalement, je me demande si cette séparation ne l’arrange pas. Je n’ai jamais eu l’impression qu’il se sentait à l’aise à Patras. De mon côté, je ne me plains pas. C’est ma première expérience à l’étranger et je ne suis pas déçu. Pourtant, les Grecs eux-mêmes m’avaient mis en garde: à côté d’Athènes et de Salonique, Patras n’a rien d’un paradis. C’est vrai que les gens ne vivent pas dans le luxe, mais j’ai travaillé comme maçon à 17 ans et je peux vous dire qu’après avoir poussé des brouettes de mortier à 7 heures du matin, je suis très heureux d’être ici. Je suis désormais bien intégré et je livre de bonnes prestations. Je me mets en évidence dans l’antichambre d’une compétition fort réputée et je suis certain que, la saison prochaine, j’aurai d’autres propositions. On m’en parle déjà.

En pleine forme

Si vous réalisez de bonnes prestations, cela signifie que vous avez récupéré l’entièreté de vos moyens physiques?

Pour l’instant, touchons du bois, cela va bien. Je ne joue plus qu’un match par semaine, c’est sans doute mieux pour moi. On s’entraîne tout de même sept à huit fois par semaine. C’est à peu près la même quantité de travail que j’avais connu à Charleroi.

Les mêmes types d’exercices aussi?

Plus ou moins. Avec un match par semaine, le planning est agencé différemment, mais au niveau de la condition physique, c’est assez bien géré. L’entraîneur précédent basait ses entraînements sur la longueur. La séance du soir durait entre trois et quatre heures, mais on travaillait beaucoup sur un demi terrain. Cet entraîneur-ci -NDLA: Diamantopoulos- dispense des séances de deux heures ou deux heures et demie, comparables à celles que j’avais connues avec Giovanni Bozzi. L’entraînement du soir est collectif et se termine souvent par un cinq-contre-cinq. On répète les systèmes de jeu et les transitions offensives.

Parlons des clichés du basket grec. Certains évoquent les ambiances surchauffées, dans des salles où les spectateurs n’hésitent pas à lancer des pièces de monnaie sur le terrain. D’autres affirment qu’en raison de l’indigestion de basket provoquée par les nombreuses retransmissions de matches à la télévision, le public a tendance à déserter les salles. Qu’en est-il exactement?

Les deux se vérifient. En début de saison, nos matches à Patras étaient suivis par un public très clairsemé. Il vient un peu plus nombreux aujourd’hui. On dépasse rarement les 600 à 700 personnes. Dans une salle de 5.000 places, cela fait plutôt vide. Mais 700 personnes en Grèce font autant de bruit que 4.000 en Belgique. Les spectateurs sont toujours proches de l’hystérie. En déplacement, il faut être deux fois plus fort que l’adversaire pour gagner. Car les arbitres sont forcément influençables. Ce n’est pas scandaleux, mais ils sifflent à 60% pour l’équipe locale et à 40% pour l’équipe visiteuse.

Tout en bus

Comment s’effectuent les déplacements?

En bus. Patras est isolé sur la carte, ce n’est pas facile. Il n’y a qu’un petit aéroport militaire qui accueille quelques vols charters pendant l’été, pas de vols réguliers. Sur les 14 équipes de D2, 8 sont situées dans la région d’Athènes. C’est trois heures de route. Pour aller à Salonique, il est arrivé autrefois que l’équipe prenait l’avion, mais on a fait le compte: trois heures de route jusqu’à l’aéroport d’Athènes, une heure d’attente, une heure de vol et encore 45 minutes jusqu’au centre-ville de Salonique. Cela ne vaut pas le coup: en bus, on roule six heures ou six heures et demie. On part la veille du match, on s’arrête pour dîner en cours de route, et comme on joue généralement à 17h30, on peut reprendre le chemin du retour dès la fin du match.

A quoi ressemble le basket grec aujourd’hui?

Il est peut-être en léger déclin par rapport au début des années 90. En D1, le jeu me paraît plus lent qu’en D2: c’est dû au fait que les équipes misent sur des pivots massifs. Il y a beaucoup d’étrangers engagés à prix d’or. La rivalité est farouche entre les grands clubs d’Athènes. Surtout entre Olympiakos et Panathinaikos. Si un Athénien déclare qu’il est supporter de Peristeri ou de Maroussi, on se demande quelle mouche l’a piqué. Dans l’antichambre, il n’y a pas d’étranger en dehors des Européens. On y pratique un basket rapide et très agressif, où l’on shoote souvent en première intention. Le jeu de la plupart de nos adversaires est assez peu structuré. De notre côté, nous essayons de développer un basket plus posé. Les grosses différences par rapport au basket belge se situent au niveau des budgets et de la médiatisation. Les grands clubs sont gérés par des milliardaires et la presse répercute tout ce qui se passe. A chaque kiosque, on trouve des écharpes et des pin’s aux couleurs des clubs.

Daniel Devos

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