» MON MATCH N’EST PAS TERMINÉ « 

Un an après avoir poussé Mario Balotelli vers la sortie parce que tout le monde en avait marre de ses frasques, l’AC Milan lui tend une bouée de sauvetage. L’amour véritable est éternel.

Samedi 23 août. L’AC Milan prépare son premier match de Serie A, qu’il perdra le lendemain à la Fiorentina. Très tard dans la soirée, Sinisa Mihajlovic, l’entraîneur, se rend au parking sous-terrain de l’hôtel, où il a un rendez-vous secret avec une vieille connaissance.

Le matin même, en Angleterre, Mario Balotelli a reçu un appel de Mino Raiola, son agent. Le message était clair :  » Fais ta valise et loue un jet privé s’il le faut mais tu dois être à Milan ce soir.  »

Pas besoin de jet privé : il restait de la place sur un vol d’une compagnie low cost et un ami était venu le chercher à l’aéroport pour l’emmener à l’hôtel où Milan est au vert.

Balotelli et le nouvel entraîneur des rossoneri se connaissent bien. Mihajlovic était l’adjoint de Roberto Mancini à l’Inter lorsque l’attaquant, alors âgé de 17 ans, y effectua ses débuts le 30 janvier 2008, inscrivant deux buts en Coupe d’Italie face à la Juventus.

Sept ans et demi plus tard, son discours est sans équivoque :  » Tu devras arriver le premier chaque jour et repartir le dernier. Et il te faudra tout donner, sans quoi je ferai en sorte que tu quittes à nouveau Milanello.  »

Mario est toujours sous contrat à Liverpool jusqu’en 2018 mais depuis l’arrivée de Christian Benteke, il n’y a plus de place pour lui et Mino Raiola s’est rendu compte que les possibilités de transfert étaient limitées. La Fiorentina et l’Inter ne sont pas intéressés. L’AS Roma, oui, mais elle a plutôt opté pour Edin Dzeko.

La Sampdoria et Bologne aussi mais Balotelli ne veut pas y aller. Par contre, il est d’accord de rejoindre l’AC Milan, le club dont il était supporter quand il était petit. Le seul club, aussi, qui avait placé un message de condoléances dans les journaux au moment du décès de son père.

Milan a longtemps tenté de récupérer Zlatan Ibrahimovic, un autre joueur de Raiola. Mais ce dernier a fini par faire comprendre au club que, cet été, ce ne serait pas possible. Lorsque Adriano Galliani, le numéro un du club lombard, se met à la recherche d’un plan B, Raiola lui propose une autre solution.

TIME MAGAZINE

Le retour de Balotelli à Milan n’est pas évident. On est loin de l’euphorie qui s’était emparée du club lorsqu’il avait débarqué à Milanello le 30 janvier 2013. Ce jour-là, il avait eu du mal à rejoindre sa voiture tandis que l’hôpital dans lequel il s’était soumis aux tests médicaux avait été assiégé par des milliers de fans.

 » Balo is back  » avait alors titré La Gazzetta dello Sport. Six mois plus tôt, en finale de l’Euro, Super Mario avait fait forte impression face à l’Allemagne. Quelques mois avant, il avait fait la une de Time Magazine, qui le présentait comme l’un des cent personnages les plus influents au monde.

Mais un an plus tard, tout avait changé. A l’AC Milan, Super Mario ne touchait plus un ballon et, à la Coupe du monde, la Squadra Azzura, construite autour de lui et dont tout le monde attendait qu’elle joue les premiers rôles, avait sombré dès le premier tour.

Silvio Berlusconi, Galliani et tout Milan se félicitaient de l’avoir vendu peu avant pour 20 millions d’euros, même s’ils l’avaient acheté pour 24 millions un an et demi plus tôt à Manchester City qui, lui-même, avait payé 29,5 millions à l’Inter en 2010.

Au lendemain de l’entretien avec Mihajlovic, Balotelli se rend à Concesio, petit village près de Brescia où il a grandi au sein d’une famille qui l’avait adopté en 1993. Il était né trois ans plus tôt à Palerme, de parents ghanéens venus tenter leur chance en Sicile mais qui ne pouvaient pas payer les frais médicaux et l’avaient abandonné dans une clinique des environs de Brescia, où ils s’étaient établis entre-temps.

Plus tard, Thomas et Rose Barwuch allaient encore avoir deux enfants tandis que Mario portait le nom de famille de ses parents d’adoption (Balotelli), déjà âgés, et qui avaient trois autres enfants. Ce dimanche-là, à Concesio, Mario se recueille au cimetière où est enterré son père adoptif, Franco, décédé début juillet à l’âge de 85 ans, des suites d’une longue maladie.

Un coup dur pour Super Mario qui, malgré ses frasques, a toujours fait preuve d’énormément de respect à l’égard de ses parents adoptifs. Il aurait beaucoup aimé que son père vienne le voir en Angleterre mais cela n’aurait pas été facile. A Liverpool, il n’a joué que 28 fois, inscrivant quatre buts seulement, dont un en championnat.

Son dernier but avec l’équipe nationale remonte au 14 juin 2014, lorsque l’Italie a battu l’Angleterre (2-1) à Manaus. Cesare Prandelli avait construit son équipe autour de lui mais son successeur était d’un autre avis. Quand, dès son arrivée, Antonio Conte faisait savoir que les règles seraient les mêmes pour tout le monde, on savait qui il visait. Balotelli était encore appelé une fois puis il disparaissait de la circulation.

MARCHAND DE GLACE

Un peu plus d’un an après avoir fêté son départ, forts de la promesse faite par l’entraîneur de le tenir à l’oeil, Galliani et Silvio Berlusconi accordent une nouvelle chance à l’enfant terrible. A son arrivée à Milan, Balo admet qu’il a été surpris que Berlusconi marque son accord.

 » Quand je suis parti, j’étais un gamin. Maintenant, je suis un homme. Je repars de zéro, je sais que je n’ai plus droit à l’erreur et que je n’ai rien à exiger. J’ai mis un terme à la première période de ma carrière. J’ai joué comme un gosse. Mais mon match n’est pas terminé. J’entame la deuxième mi-temps et je vais la jouer comme un homme, même si je sais que beaucoup de gens ne croient plus en moi.  »

Finalement, Balotelli ne coûte pas très cher : il est prêté et Milan ne prend en charge qu’un peu moins de la moitié de son salaire annuel à Liverpool (2,8 millions sur 6). En Angleterre, on est content de le voir partir.  » Plus vite il partait, mieux c’était « , dit l’ancien joueur de Liverpool, Jamie Carragher, aujourd’hui consultant pour une chaîne de télévision.  » Je ne comprends même pas comment on a pu l’acheter.  »

Le jour de son premier entraînement à l’AC Milan, Mario est arrivé avec une demi-heure d’avance, plus d’une heure trente avant le début de la séance. Il a quitté le centre d’entraînement à 20 h 30, alors que la plupart de ses équipiers et Sinisa Mihajlovic étaient déjà partis depuis longtemps. Il avait souri aux fans qui lui demandaient une photo et signé des autographes à ceux qui le désiraient.

Le marchand de glace dont l’aubette est installée à l’entrée de Milanello se frotte les mains. Le retour de Super Mario fait ses affaires : il n’avait pas encore vendu autant de crème glacée depuis la reprise des entraînements…

PAR GEERT FOUTRÉ – PHOTO BELGAIMAGE

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