MON héritage

Le Limbourgeois n’oublie pas qu’il a été écarté de manière abrupte chez les Dragons mais conserve son enthousiasme.

Limogé par Mons qui ne s’en est pas mieux porté, Jos Daerden n’était même pas amer, mais plutôt surpris, révolté et surtout plein d’énergie :  » Si, le lendemain, on m’avait téléphoné pour retravailler quelque part, j’aurais dit oui « .

N’êtes-vous pas rancunier ?

Jos Daerden : Je parcourais 280 kilomètres de Tongres à Mons mais j’étais prêt à rester la saison prochaine. Je dormais là le lundi et le samedi. Je ne suis pas abattu mais combatif. Jamais encore je n’avais vécu ce qui s’est passé contre Westerlo depuis que je suis entraîneur. Un président qui débarque dans le vestiaire à la mi-temps et explose ! A Beveren, en fin de saison, avant un match contre Alost, on m’avait dit de ne pas aligner tel et tel joueur. J’avais répondu : – Si je ne puis les utiliser, je ne reste pas une heure de plus ici. Les deux joueurs en question ont été alignés.

Il n’y a vraiment eu que cet incident dans le vestiaire ?

Oui, pour autant que je le sache. A la mi-temps, le président Dominique Leone voulait entrer, j’ai tenté de le retenir mais c’était impossible. Je suis allé m’asseoir un moment dans mon bureau, pendant qu’il fulminait et faisait du tapage. Ensuite, j’ai effectué les changements tactiques auxquels je pensais avant son intervention. L’arbitre avait déjà sifflé mais le match ne pouvait recommencer sans nous. J’ai vite compris que le président ne pouvait plus revenir en arrière. Il a pris une décision sous le coup de l’émotion, a clamé le soir qu’il était le patron parce qu’il payait : aucun entraîneur n’allait s’opposer à lui, je devais m’en aller ! Aucun membre de son entourage n’a essayé de le calmer, au contraire. Mais cela ne modifie pas l’opinion que je me suis faite en huit mois de bonne collaboration.

A votre arrivée, vous étiez optimiste puis vous avez bouleversé toute l’équipe…

J’ai mal évalué la valeur sportive du groupe. Mais c’était difficile à Mons. Tout était nouveau, le club avait tout pris de l’extérieur. Je le savais déjà juste avant la trêve : il y avait peu de bagage footballistique sur lequel s’appuyer. Je me suis demandé comment former, pendant la trêve, un groupe avec lequel nous pourrions assurer notre maintien. Il y avait fort peu d’intelligence footballistique. Les aspects les plus simples faisaient défaut : comment se placer en perte de balle ? Au bout d’un mois, j’ai compris que c’était catastrophique. Dans le vestiaire non plus, il n’y avait pas d’ambiance. C’était un assemblage d’individus sans la moindre unité. Les joueurs allaient et venaient, ne se sentaient pas vraiment concernés par le club, n’apportaient rien, ni sur le terrain ni dans le vestiaire. Le club avait perdu son âme. Une série d’éléments n’étaient pas bien sur le plan humain. L’un d’eux est parti. Vous auriez dû voir son appartement. On a pris des photos. Jamais vu ça. Un individu qui se comporte aussi lamentablement en dehors du terrain ne peut pas travailler.

Que faire, alors ?

Chercher des footballeurs expérimentés, qui connaissaient le championnat belge. Heureusement, j’avais en Cédric Berthelin un gardien qui progressait, dont je savais qu’il serait un renfort dès qu’il jouerait.

Vous n’avez pas mâché vos mots en demandant un gardien capable de prendre des points.

Dès que les choses sont claires, je n’éprouve pas de difficultés à m’exprimer ainsi, à condition d’avoir informé les intéressés. Ivan Willockx a joué de bons matches mais n’a pas pris de points. Cédric était supérieur en tout : rayonnement, impact sur les autres… Sa présence a fait progresser Ivan de 20 %, je l’ai vu réaliser à l’entraînement et en match des choses qu’il aurait été incapable de faire avant la trêve hivernale.

Un bon stage espagnol puis rien…

Avez-vous osé donner votre opinion aussi catégoriquement aux autres joueurs que vous ne trouviez pas bons ?

Naturellement. Le noyau devait écouter et respecter Eric Rabesandratana, qui a 32 ans, a joué à l’AEK Athènes et au PSG… à condition qu’il se comporte en professionnel mais il était trop lourd, ne s’entraînait pas, boudait les rendez-vous avec le diététicien. Peu avant la trêve, il m’a demandé pourquoi je ne lui faisais pas confiance. Je lui ai demandé sur base de quoi je devais la lui accorder. Il est capable de jouer mais il ne le faisait pas. A la reprise, il accusait trois kilos de trop. Je ne l’ai pas emmené en stage et lui ai dit que je ne voulais plus le voir.

Peu avant la trêve, vous n’étiez plus confiant : vous avez voulu jeter l’éponge après votre revers contre Mouscron. Vous aviez pris un point sur quinze.

A ce moment, je ne voyais pas sur quoi m’appuyer. Le lundi, j’ai eu un entretien très positif avec le président, à son entreprise. J’ai senti qu’il voulait faire quelque chose. C’est pour ça que j’avais de si bonnes relations avec lui : quand il s’implique dans quelque chose, c’est sans réticence, pas comme les gens qui l’entourent. Ceux-là ne prennent jamais position et il y en a trop là. C’était le principal problème de Leone : il était très mal entouré.

Quand vous avez acheté une nouvelle équipe, tout le monde a pensé que Mons allait assurer son maintien sans problème.

Le président et moi avons enrôlé tous les nouveaux. J’ai encore joué avec Marc Schaessens. Je connaissais De Souza, que j’avais vu une dizaine de fois à l’£uvre avec Heusden la saison précédente. Seul Jean-Pierre La Placa est le seul à avoir été immédiatement prêt. Junior va émerger, j’en suis convaincu. Il va retirer les fruits de cette demi-saison difficile à Mons.

Le stage s’est parfaitement déroulé en Espagne, sans la moindre fausse note. Je n’ai pas dû administrer une seule amende. Les entraînements ont été parfaits, personne n’est arrivé en retard. C’est ainsi que nous avons refait ce handicap de huit points. Ensuite, nous avons continué à bien jouer mais en prenant moins de points, jusqu’à ce qu’avant la dernière ligne droite, nous n’en gagnions sept sur douze. Cela m’a renforcé dans ma conviction : nous pouvions nous maintenir. Mons m’avait engagé pour ça. Si le championnat avait pris fin le jour de mon limogeage, Mons était sauvé. Depuis mon arrivée, sur base des résultats, nous étions sixièmes. Après trois années passées dans l’ombre à Genk, je savais que j’étais toujours capable d’entraîner.

Mais la mécanique s’est enrouée après un excellent début de second tour…

Chaque équipe a des passages à vide. Avec sept sur douze, la concentration s’est relâchée. Et finalement, le président a peut-être eu peur parce que nous n’étions pas encore sauvés après la 30e journée, alors que nous devions encore affronter Anderlecht et le Club… Le staff technique formait un bon groupe mais les installations étaient catastrophiques. Il n’y avait rien. Pas de salle d’entraînement, pas de terrain synthétique, pas de salle de fitness. Savez-vous que les Réserves doivent se changer à la maison avant de prendre la route de Jemappes puis retourner se laver chez eux parce qu’il n’y a pas de commodités sur leur terrain d’entraînement ? Et on parle de D1. Comment un entraîneur peut-il accepter ça ?

Les clubs flamands sont pourtant jaloux du soutien que reçoivent les équipes wallonnes des pouvoirs publics.

L’infrastructure montoise est dramatique. Une heure avant mon premier entraînement, je suis allé trouver le président pour lui dire que je ne pouvais commencer ainsi. Il n’y avait rien. Même pas de scouting. Jamais on ne m’a cité un nom. C’est pour ça que je me tracassais avant la trêve. Où allions-nous aller chercher les joueurs nécessaires ? Pendant deux semaines, jour après jour, j’ai travaillé avec le président. Je me suis demandé pourquoi certains joueurs de 20 ans du noyau B n’étaient pas repris dans le A. Ils recelaient des qualités de base mais nul ne les remarquait.

Pas de jeunes derrière

L’école des jeunes montoise n’est pas vraiment réputée…

Le contraire serait impossible avec pareil encadrement et cette mentalité de laisser-aller. Comment le comité et les entraîneurs des jeunes peuvent-ils accepter de s’entraîner et de jouer sur des terrains pareils ?

Le club d’un seul homme, pas de bagage footballistique, de terrains, de jeunes et un public clairsemé : pourquoi Mons méritait-il sa place en D1 ?

Mons va finalement avoir un beau stade mais depuis un an et demi, il ne fait la une qu’en négatif. Si Wamberto, qui reste un des dix meilleurs footballeurs de Belgique selon moi, n’était pas arrivé la saison passée, pendant la trêve, Mons serait déjà descendu.

Pourtant, vous y seriez volontiers resté.

Parce que j’ai initié des choses… Il va y avoir une aire synthétique d’entraînement plus deux terrains en herbe, dont un aux dimensions de la pelouse principale. Je déplore ce qui s’est passé mais ça ne change pas mon opinion sur le président, avec lequel j’ai eu une fantastique collaboration. Toujours maintenant, il affirme que je suis travailleur, correct et honnête.

Cette approche émotionnelle à la Jos Vaessen ou Johan Vermeersch devient-elle une mode chez les présidents ?

Vaessen est effectivement émotionnel après un match mais il reprend très vite ses esprits. Evidemment, l’année dernière, j’ai été déçu par la manière dont tout s’est passé mais cela ne remet pas en question ce que nous avons vécu. Je suis déçu, pas fâché. Tout être humain est influençable.

Leone était-il déjà venu dans le vestiaire avant ?

Jamais ! Quand j’avais composé l’équipe et prévenu les joueurs, je le tenais au courant. Il n’obtenait d’explications ou d’arguments que le lundi. Je fournissais des explications à mes joueurs aussi. J’ai remis Alain Behy sur le banc après Lokeren parce qu’au médian défensif, il récupère énormément de ballons mais les relance mal. Malgré sa saine agressivité, il constitue un facteur de risques. Je le lui ai expliqué, ce qu’aucun entraîneur n’avait encore fait. Fallait-il que je saute du banc en hurlant et en gesticulant sur les coups francs et les corners ? Nous nous étions exercés sur les phases arrêtées, chacun connaissait sa tâche. Ce sont des arguments faciles. Dressez une liste : vous pourrez accoler des étiquettes à chaque entraîneur. Hugo Broos parle trop peu, les entraînements de Trond Sollied sont monotones, etc. Chaque cliché contient une part de vérité. Aux clubs de choisir ce qui leur convient le mieux à un moment donné.

Pas vraiment. Je suis parti de chez moi à 6 h 45 le lundi sans penser le moins du monde à un limogeage, jusqu’à ce qu’on me montre le journal, à huit heures et demie : il annonçait que j’allais être renvoyé. Les joueurs n’en croyaient pas leurs yeux quand ils m’ont vu en survêtement, face à eux. J’avais des contacts quotidiens avec tout le monde. Je n’avais pas de problème avec les joueurs de Mons. Ils étaient abattus, ce lundi-là. Une dizaine d’entre eux m’a téléphoné ensuite…

Jos Daerden travaille-t-il mieux dans l’ombre ?

Je peux assumer les deux rôles. J’ai commencé avec Pierre Denier à Genk pour émerger dans une fonction différente de celle qui était promise et qui n’a jamais abouti.

Vous voilà entre vos quatre murs. Etes-vous blessé ?

L’avenir le dira. Je me suis senti blessé au Lierse parce que j’avais dû mener un combat impossible. A Mons, je laisse une structure derrière moi. Peu avant la fin, le président m’a dit : – Tu nous apprends ce que représente le football professionnel. Mais je ne me fais pas d’illusions. La plupart des clubs ne savent pas comment un entraîneur travaille et ne s’informent pas vraiment. Ils suivent tout simplement un sentiment : le courant passe ou pas. Un entraîneur doit avoir la chance d’être au bon endroit au bon moment.

Geert Foutré

 » Il n’y avait pas d’ambiance dans le vestiaire. C’était UNE COLLECTION D’INDIVIDUS sans la moindre unité  »

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