« Mon frère est moins volcanique devant le but »

On peut tirer beaucoup d’enseignements d’un simple match amical. Par exemple, qu’Emile est en grande forme mais qu’il n’est pas encore prêt à affronter la Série A.

Le hall de Zaventem, dans la nuit de mercredi, sur le coup de deux heures du matin. De retour de Tchéquie, l’équipe nationale attend ses bagages. « Où est passé mon attaché de presse? », s’interroge Vince Briganti, le sélectionneur ad interim. Jacky Munaron éclate de rire et applaudit: le paisible Limbourgeois s’est défait de son stress, lui, le cireur de banc qui a dû monter au front, lors d’un déplacement chez l’une des meilleures équipes d’Europe, qui plus est. Ce n’était pas évident. Le cinglant 7-0 que les Espoirs ont encaissé la veille a prouvé, une fois de plus, que le football tchèque est au zénith. Ce n’est pas pour rien que le Borussia Dortmund a déboursé un demi-milliard pour acquérir les services de Tomas Rosicky, âgé de vingt ans. Entré au jeu au repos, il a semé la panique dans les rangs belges par ses accélérations. Rosicky : voilà un nom qu’on entendra encore souvent au cours de la décennie.

La semaine passée, Prague a émergé de son hibernation. Dimanche, il pleuvait et il neigeait encore, le mercure flirtant avec le zéro, mais mardi, le ciel s’est éclairci et la température a monté en flèche. Mercredi, les presqu’îles de la Moldau ont accueilli les premiers lézards tandis que ceux qui avaient gravi le Burcht depuis le pont Charles sentaient la sueur perler leur front. Le printemps de Prague, le printemps de Briganti…, auquel son patron avait recommandé de réaliser quelques expériences, qui s’est fidèlement exécuté et est revenu avec un excellent résultat en Belgique, par-dessus le marché.

Première expérience : l’occupation de terrain

Waseige prône le 4-4-2 mais il ne parvient pas à combler le vide laissé à droite par Gert Verheyen, depuis sa blessure. Gaëtan Englebert n’a pas convaincu le sélectionneur à cette position, Mbo Mpenza ne joue pas assez régulièrement à Lisbonne et Marc Hendrikx ne constitue pas l’alternative : le Limbourgeois a perdu son football cette saison, à l’image d’un RC Genk en déroute. Il manque de confiance et ses prestations en équipe nationale sont en déclin.

C’est ce qui a incité Waseige, le mois passé en Ecosse, à opter pour la première fois, en deuxième période, pour un flanc libre, à charge pour Wilmots ou Van Buyten -qui était forfait en Tchéquie mais que Briganti estime capable de fonctionner à droite, avec un trio défensif- de veiller à la couverture. L’entreprise avait réussi sans trop de mal. Il fallait rééditer l’expérience, en prévision des matches contre la Lettonie et St-Marin, rencontres pour lesquels Verheyen pourrait n’être pas encore disponible. C’était possible face à la Tchéquie, qui évolue en 3-5-2, avec Pavel Nedved en meneur de jeu, dans un autre registre qu’à la Lazio. Un bon Bertrand Crasson avait déjà prouvé avec Anderlecht qu’il était physiquement capable de tenir seul son flanc. Mais le défenseur avait les jambes lourdes et il n’a pas exploité les espaces qui s’ouvraient à lui à Prague.

Les Belges n’ont guère rencontré de problème sur ce flanc, du point de vue défensif. L’expérience semble donc réussie, compte tenu du niveau inférieur des équipes, amateurs, de Lettonie et de St-Marin. Toutefois, contre des formations plus fortes, comme l’Ecosse et la Croatie en automne, Verheyen reste indispensable.

Deuxième expérience : la recherche de doublures

Aussi gênants puissent être les nombreux remplacements, les matches amicaux sont l’occasion idéale de découvrir des joueurs, surtout lorsque l’opposition est de qualité. On a donc testé des troisièmes choix à certaines positions : Hendrikx à l’arrière droit, Peter Van der Heyden à gauche, Philippe Clement comme défenseur central à la place d’ Eric Van Meir. Timmy Simons, doublure d’ Yves Vanderhaeghe, est un cas à part. Vince Briganti : « Les conclusions? Qu’il est peut-être encore prématuré pour certains d’évoluer au plus haut niveau face à une équipe de ce niveau puisqu’à l’exception de Lokvenc, Koller et Smicer, la Tchéquie a aligné son meilleur onze en première mi-temps ».

Clement a assuré une bonne couverture sur les balles en profondeur mais a commis une faute, par nonchalance, sur le but tchèque. Qualifier Van der Heyden de meilleur arrière gauche de Belgique serait quelque peu prématuré. Le Club Brugeois fait généralement le jeu, de telle sorte qu’il exploite surtout ses atouts offensifs. Briganti : « Ballon au pied, il a été pratiquement impeccable avec nous aussi ». Par contre, défensivement, il a commis quelques erreurs avant le repos. Van der Heyden sait très bien que ses principales qualités sont d’un autre ordre, car son glissement à ce poste est encore très récent.

Du quatuor sus-nommé, seul Simons semble devoir être repris pour le match contre la Lettonie, puisque Vanderhaeghe sera suspendu. Il a connu un début de match pénible, ponctué de stupides pertes de balle, mais il s’est repris et bonifié au fil des minutes. Contrairement à Vanderhaeghe, qui y est habitué à Anderlecht, jouer avec un flanc droit vide handicape le Brugeois. Simons a été placé devant des choix inhabituels sur le plan défensif et ses points d’appui étaient moins nombreux qu’à Bruges. Il devait aussi s’habituer à Johan Walem, qui couvre énormément de terrain, surtout en deuxième mi-temps, face au talentueux duo Nedved-Rosicky.

Troisième expérience : le duo Peeters-Mpenza

Emile Mpenza a cassé la baraque ces dernières semaines à Schalke 04, dans plusieurs affiches de la Bundesliga. Briganti trouve qu’il connaît la forme de sa vie. Depuis la blessure de Branko Strupar, le staff recherche le complément idéal de Mpenza, pour lequel le noyau des Diable Rouges n’a d’ailleurs pas davantage d’alternative, comme on l’a constaté après son remplacement à Prague: plus personne n’a été envoyé en profondeur. Un moment donné, Walem a même été le joueur le plus avancé et une fois, Wilmots a sprinté derrière un ballon perdu.

A Glasgow, suite aux fréquents retours de Wilmots dans l’entrejeu, le duo Mpenza-Wilmots n’avait pas semblé complémentaire. A Prague, la combinaison Mpenza-Peeters a offert davantage de perspectives, même si le joueur de Vitesse Arnhem n’était pas bien dans le jeu en première période. Sa présence -conjuguée au style de jeu des Tchèques, qui ont délaissé les flancs- a offert davantage de liberté à Mpenza qu’en Ecosse. Emile a marqué, ce qui porte son total à huit buts en onze rencontres. Un bel exemple de sa progression, même si, mardi, à l’entraînement, on a pu constater qu’il n’a pas le sens du but de Wilmots ou de Vermant, pour ne citer qu’eux. Tant que Verheyen n’est pas de retour, Peeters semble constituer la solution la plus logique. Aussi longtemps que Wilmots sera retenu, Peeters verra sa sélection dépendre de l’absence de Verheyen, bien que le duo Peeters-Mpenza soit sans doute celui de l’avenir, si le Bordelais, qui va sans doute revenir au Standard, mettait fin à sa carrière internationale.

Le duo rappelle-t-il la paire Radzinski-Koller? Peeters : « C’est encore bien trop tôt. Nous devons nous trouver beaucoup mieux que ce n’est le cas, il faut que je lui délivre des ballons sur lesquels il puisse foncer. Notre entente doit s’améliorer ».

Goor : « Emile est un rien plus fort de la tête que Radzinski. Par contre, Tomas reste un meilleur finisseur, plus efficace dans le rectangle, où il est capable de forcer la décision d’une seule action. Emile est plus fort en profondeur. Je trouve en tout cas qu’il a énormément appris en Allemagne ».

Mpenza comprend que le contraste entre ses prestations en Allemagne et en équipe nationale reste grand : « Mais à Schalke, je m’entraîne quotidiennement avec les mêmes personnes, qui me connaissent. C’est différent en équipe nationale. On se connaît moins bien. Mais je me sens bien avec Bob car je bénéficie de plus d’espaces. Jouer dans un mouchoir de poche n’est pas mon truc ».

Un milliard, c’est la valeur approximative du Diable Rouge, qui semble bien parti, à ce rythme-là, pour devenir recordman des sélections : il en était déjà à sa 32e sélection en Tchéquie. Il l’avoue lui-même : « Cette somme me fait peur. Regardez ce qui est arrivé à Anelka. Le Real Madrid l’a également transféré pour un milliard mais il n’a jamais pu justifier pareil montant. Lorsqu’on coûte autant d’argent, il est difficile de fouler la pelouse avec sérénité car on est sans cesse obligé de prouver sa valeur. Jamais je n’ai imaginé valoir autant d’argent et maintenant encore, je me refuse à y songer. De toute façon, à 22 ans, on n’est pas prêt à affronter de telles sommes. Et le championnat italien est redoutable. D’une part, l’intérêt d’un club tel que la Juventus m’insuffle une confiance formidable. Si elle vous convoite, c’est que vous êtes un bon joueur et l’exemple d’ Henry montre qu’on peut en tirer profit. De l’autre, la vie y est difficile pour un attaquant. Des joueurs me l’ont dit et je l’ai également remarqué pendant l’EURO, en équipe nationale. Pas d’espaces, des défenseurs très forts dans les duels… Batistuta marque chaque semaine mais il n’a plus 22 ans. Peut-être vaut-il mieux être plus âgé pour réussir là-bas ».

De l’énergie à revendre, une vitesse fulgurante qui complique la maîtrise technique… mais Schalke qui fonce vers le titre : l’Allemagne lui réussit.

Mpenza : « Sur papier, nous avons le calendrier le plus facile. Nous venons de battre nos quatre concurrents dans des matches à six points. En principe, nous devrions être champions. C’est une plume au chapeau de la direction car de toutes les équipes, c’est Schalke 04 qui a réalisé le moins de transferts. Nous n’avons jamais acquis de noms, à l’exception de Möller. Un joueur de Bochum, un autre de Duisbourg, mais jamais de l’élite. La différence par rapport à l’année dernière? Nous ne jouons plus avec un libero, nous sommes plus offensifs et nous compensons plus facilement les blessures ».

Il est à Schalke 04 depuis un an et demi : « Je m’y suis adapté, j’y suis accepté et reconnu, je forme un bon duo avec EbbeSand. Ce n’est pas un pivot comme Bob. Son style se rapproche plutôt du mien si ce n’est qu’il préfère occuper une position plus centrale. Du coup, je dispose des flancs ».

Qu’y a-t-il appris? « A jouer en possession du ballon, à le demander dans des espaces réduits. Avant, j’avais besoin de plus de place pour m’exprimer. Je suis cependant conscient que ma finition continue à faire défaut. J’ai marqué onze buts mais j’aurais dû en inscrire quatre ou cinq de plus ».

Estime-t-il que c’est un problème ou exagérons-nous? « Je ne vois pas où se situe le problème pour autant que le tir soit cadré. Après tout, le gardien doit faire son travail. Ça devient un problème si je tire à côté, par précipitation. Dans ces cas-là, je m’en veux terriblement. En Ecosse, ça m’est encore arrivé: j’ai agi trop vite et mal ajusté mon tir. Je travaille spécifiquement la finition une fois par semaine. A l’entraînement, nous jouons souvent un contre un ».

A Mouscron déjà, son frère trouvait plus aisément le chemin du but. « Il est plus calme devant le goal. Il est d’un naturel moins volcanique. Je m’implique trop souvent à 100% dans toutes les actions et je manque d’énergie, de sérénité et de concentration devant le but. Je dois devenir plus attentiste dans le rectangle si je veux faire la différence. C’est pour ça qu’il me semble préférable d’attendre encore deux ans. Peut-être que je signerai un nouveau contrat la saison prochaine. Ce n’est pas le moment de quitter Schalke 04 » .

Peter T’Kint, envoyé spécial à Prague

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire