« Mon club s’est libéré ! »

Pur Liégeois et vrai Standardman, l’ex-buteur des Rouches parle du titre et revisite les 20 dernières années.

En rendant visite à Michaël Goossens, on recherche un symbole. Qui mieux que lui peut personnifier les 20 dernières années d’attentes, d’accessits ou de regrets ? Si en long et en large, on a pu entendre les anciens s’exprimer sur leur titre, les témoignages de ceux qui sont passés juste à côté se sont faits rares. Et c’est bien normal. Pourquoi parler de ce qui n’a pas marché alors que la Cité ardente n’a jamais aussi bien porté son nom ? Pourquoi ressasser un récent passé peu glorieux alors que l’avenir s’annonce au beau fixe ? S’il n’a jamais connu le bonheur ultime ( » J’ai quand même remporté la Coupe « , rappelle-t-il d’emblée), il fait partie de ceux qui portaient avec fierté la vareuse liégeoise, ceux qui voulaient redonner du cachet à un écusson trop souvent sali.

Mika, c’est aussi l’enfant de la maison, le préféré des tribunes les plus chaudes, lui qui les garnissait durant son adolescence. Mika, c’est tout simplement quelqu’un qui transpire le Standard encore et toujours.  » C’est fabuleux ce qui arrive à mon club. Difficile de s’imaginer ce que ce titre représente pour les supporters. C’est le déclic qu’il fallait. Un page se tourne et dans le futur, je crois que le football belge montrera plus de respect à son encontre « .

25 ans de disette, même les moins passionnés de foot pourraient ressortir l’année du désormais avant-dernier sacre des Rouches tant on l’a évoqué, du côté des sympathisants liégeois. Comme chez ceux d’en face qui, en guise de plaisanterie, rappelaient un titre qui souffrait de plus en plus du poids des ans.

Mika :  » Lors de la saison 92-93, on est passé à deux doigts de la consécration. Lors de l’avant-dernière journée, on s’en va disputer le titre au Parc Astrid. Il nous suffisait d’un nul. Malheureusement, on tombe sur un Marc Degryse exceptionnel et sur un arbitre pas des mieux lunés. Je m’étonne encore aujourd’hui qu’on n’ait pas plus parlé du but annulé de Marc Wilmots, qui était parfaitement valable. On ne refait pas l’histoire, mais cette décision nous a privés d’un moment magique. Le score aurait alors été de 2-2 et à 10 contre 11 suite à l’expulsion de Filip De Wilde, je ne vois pas comment on aurait pu lâcher le match. Enfin soit…  »

Gloire aux derbies

La pilule reste amère. Mais pas de calimérisme aigu chez le Liégeois, qui préfère retenir les nombreux moments de joie :  » Je suis de Tilleur et s’il y avait un match en particulier qui me donnait des frissons, c’était le derby liégeois. Encore plus que ceux face à Anderlecht où l’on observait une vraie différence de style. La hargne et la fougue contre la classe des Mauves qui au début des années 90 possédaient en leur rangs des gars comme Luc Nilis, Philipe Albert, Johnny Bosman ou Marc Degryse. Les derbies, c’étaient des matches d’hommes, des matches durs où l’on prenait des coups mais qui avaient une saveur particulière. D’ailleurs, si j’ai toujours été rouche, je suis heureux de voir que le FC Liège retrouve la D2. Les titres du Standard et de Liège cette saison, c’est tout simplement fabuleux pour la ville. Maintenant, j’espère que Liège franchira encore un pallier et retrouvera le Standard en D1 « .

Comme point d’orgue d’une carrière sans grand palmarès mais remplie d’émotion ( » J’ai quand même été champion en rouge et blanc… avec Graz en Autriche « , sourit-il ), il y a bien sûr cette Coupe conquise en 93 à tout juste 20 ans :  » J’étais très jeune et je remportais un trophée avec mon club. Le bonheur était énorme. A la hauteur de ce qui a suivi. La finale se jouait à Bruxelles et on est donc revenu à Liège fêter ça. Et quelle fête ! On a fini aux petites heures dans le carré avec les supporters. Le lendemain, je partais avec Régis Genaux en vacances. On est arrivé dans l’avion sans avoir dormi et bien bourrés. Le pire, c’est qu’un des stewards était supporter du Standard et a voulu nous offrir du champagne tout au long du trajet, on pouvait difficilement refuser… ( il rit) « .

Cette période de l’histoire des Rouches coïncide avec Arie Haan, Frans Van Rooij et les trois enfants terribles du football belge (Genaux, Goossens et Philippe Léonard), comme la presse aimait les présenter.  » C’est vrai que les deux Hollandais que vous citez avaient une personnalité et une hygiène de vie bien à eux. Mais je ne retiens que du positif de Haan. Et pour Van Rooij, même si la fin a été plus délicate, il est le coéquipier de ma carrière qui avait le plus de classe. Du côté des plus jeunes, c’est vrai qu’on n’était pas des tendres. On aimait bien profiter de la vie ; trop diront certains. La presse jouait son rôle et aimait également grossir tous nos faits et gestes. Il y a des similitudes avec le groupe actuel et celui du début des années 90. On retrouvait aussi pas mal de jeunes, puisqu’en dehors de Régis et Philippe et moi, il y avait Roberto Bisconti ou Dinga par exemple. Je crois aussi qu’on était peut-être moins bien entourés qu’à l’heure actuelle. Aujourd’hui, on s’arrange pour que les StevenDefour, MarouaneFellaini, AxelWitsel et consorts ne pensent qu’au football, pour qu’ils ne soient pas trop sollicités ou fatigués par leur médiatisation. Dans l’encadrement, c’est un fait certain que le club s’est professionnalisé « .

D’Onofrio : homme de parole

Quand Goossens débarque dans le noyau A du Standard, il n’a que 17 ans. On est en 1990 et le club est alors dirigé par André Duchêne. Dix ans après, lors de son come-back suite à un périple à l’étranger (Genoa et Schalke), le duo Robert Louis-Dreyfus et Luciano D’Onofrio tient les rennes du club.  » C’est ce dernier qui m’a fait revenir. Il n’a pas mis beaucoup de temps à me convaincre. On sentait qu’il avait un projet solide. Sous la précédente direction, celui-ci était plus confus… Quand je reviens pour remplacer Emile Mpenza, il me dit : -Je veux que notre stade soit rempli à chaque rencontre, et que l’on soit champion. Je me donne quatre ans pour y arriver Voilà, il a tenu promesse avec juste peu de retard… Mais je savais qu’il allait y arriver. C’est quelqu’un d’extrêmement brillant. Il fut mon manager et m’a toujours parfaitement conseillé. Quand il m’encourage à rejoindre Genoa en D2 italienne alors que je marchais fort en Belgique, je m’interroge sur le coup. Au final, ce fut un choix judicieux. J’ai pu me frotter à une compétition difficile, qui m’a permis de rejoindre après un an seulement le tenant de la Coupe de l’UEFA, Schalke 04. De plus, on sentait qu’il était respecté par tous sur la scène internationale. Avant de signer pour le club de la Ruhr, je passais mes vacances en Tunisie. Luciano m’appelle pour me parler de l’offre des Allemands. Quelques jours après, un jet débarque avec le capitaine de Schalke Wilmots, le manager Rudi Assauer, le coach Huub Stevens, D’Onofrio évidemment et l’agent de joueurs Paul Stefani. L’affaire fut pliée en quelque temps et le contrat excellent, notamment grâce à ses talents de négociateur. Je sais qu’il a une étiquette de mafieux comme beaucoup de gens du sud de l’Europe qui réussissent dans les affaires et dans le foot en particulier. Les Anglais ou Scandinaves ont un tout autre style, moins clinquant, mais pas nécessairement une éthique irréprochable. Je vois en tous cas qu’il a réussi son pari, que le stade a été rénové, que les jeunes disposent d’un outil exceptionnel, que le club retrouve toute sa fierté. Les supputations, je laisse ça aux autres…  »

Costantin, le cow-boy

2000, Mika retrouve sa ville, et un club en plein travaux de reconstruction, à tous les niveaux de pouvoir. Ce retour ne sera malheureusement pas marqué d’une pierre rouge :  » J’avais besoin de revoir les miens. J’ai toujours été heureux à Liège. D’ailleurs, je ne m’imagine pas quitter la région à l’heure de la retraite. Pour en revenir à ma seconde période au club, c’est vrai qu’elle n’a pas atteint les sommets. Lors de la saison 1999-2000, l’année de mon retour, on perd la finale de la Coupe face à Genk alors que l’année précédente le Standard avait déjà échoué en finale. Le coup était extrêmement dur pour le club et les supporters. Les années 2000 me rappellent aussi Alphonse Costantin, l’ex-arbitre devenu directeur du club. Et là non plus, les souvenirs ne sont pas fabuleux. Si Luciano a eu raison de passer le balai dans un club où trop de personnes étaient inutiles, la manière utilisée par Costantin laissait à désirer. C’était un véritable cow-boy qui a réussi en un temps record à se mettre tout le monde à dos. Pour l’anecdote et pour bien cerner le personnage, je me rappelle d’une amende de 21.000 francs belges (525 euros). Tout ça parce qu’à la fin d’un match indigne face à La Louvière, Ole-Martin Aarst, Ivica Dragutinovic et moi avions lancé nos maillots aux supporters pour nous excuser. Le règlement l’interdisait ! Vous voyez un peu le personnage. Reste que je garde en mémoire le but victorieux d’ Almani Moreira lors de la saison 2001-2002 face à Anderlecht qui mettait fin à un douloureux record de 16 ans sans victoire à domicile face au Sporting. La fête qui a suivi a été grandiose. Longtemps après la fin du match, les supporters étaient toujours présents dans le stade. On est retourné se faire ovationner. Ce moment restera éternellement gravé dans ma mémoire « .

 » Hell Side till I die « 

Les partisans rouches l’ont d’ailleurs toujours eu à la bonne. Lors des moments tendus entre direction et joueurs d’un côté et supporters de l’autre, Mika échappait aux critiques.  » Ma voiture n’a jamais été saccagée, par exemple. D’autres n’ont pas eu cette chance ( il rit). Je crois qu’ils m’appréciaient parce que je mouillais le maillot, je correspondais à ce qu’ils voulaient voir d’un joueur du Standard. De plus, j’allais dans le Hell Side quand j’étais ado. D’une certaine manière, je les représentais. Je n’ai jamais eu de comportements de starlette ; et je suis toujours en contact avec certains membres du Hell ; l’ancienne garde comme on les appelle, mais je vous assure qu’elle est toujours bien présente. Aujourd’hui, je sens encore du respect envers ma personne. Récemment, j’ai croisé des jeunes ultras qui m’avaient très peu vu jouer, ils m’ont pourtant remercié de ce que j’avais apporté au club. Vous ne vous rendez pas compte comme ça fait chaud au c£ur. Le public des Rouches a toujours été grandiose. Au début des années 90, il y avait moins de monde que maintenant, mais l’ambiance était tout aussi brûlante. Je me rappelle d’un huitième de finale en Coupe d’Europe face à Auxerre, où j’avais inscrit deux buts. C’était au temps de l’ancienne tribune 3 où tous les supporters étaient encore debout. Sur le premier but, l’explosion de joie fut telle que les fans se pressaient vers les grillages. C’était impressionnant et émouvant pour quelqu’un qui allait voir les matches dans cette partie du stade quelques années auparavant. Le style et les chants se rapprochaient plus du modèle anglais, alors qu’aujourd’hui, c’est beaucoup plus latin, on chante sans arrêt. Cela fait peut-être cliché, mais la force de ce club, ce sont ses supporters « .

Lui ne retourne que très rarement au stade. L’une des dernières fois, ça s’était plutôt mal passé :  » Je me suis retrouvé dans un fourgon de police après le match de Coupe l’an dernier face à l’Antwerp. Il y a eu un mouvement de foule à la sortie et les flics n’on pas cherché à savoir, ils ont tout embarqué : vieux, femmes et moi dans le tas… « . Reste que la passion pour son club est plus que perceptible quand il rappelle son passé. No time for loosers ’cause we are the champion’s, cet hymne du groupe Queen, il aurait tant aimé le chanter.  » Grâce à ce titre, mon club est libéré. Le Standard est un club de caractère, de fierté. Ce qui arrive actuellement n’est seulement qu’un juste retour des choses…  »

par thomas bricmont – photos: reporters/ gouverneur

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